LA GUÉRISON, POINTS DE REPÈRE
Guy Stremsdoerfer
Cet article tiré de "Pentecôte aujourd'hui",
no 26, janvier 1997, pages 4 à 7, est reproduit avec autorisation.
N.D.L.R.
Guy Stremsdoerfer est, avec son épouse, fondateur et responsable
de la Communauté de l'Épiphanie et de la Croix.
Nous reprenons ici une intervention donnée lors du carrefour
sur la guérison, au rassemblement d'Orléans 95.
Cet article fait suite à celui du no de "Pentecôte"
(avril 96) qui abordait des aspects plus pratiques de la prière
de guérison, à la suite de la session de l'ICCRS
sur la guérison.
GUÉRISON ET SALUT
La guérison est signe d'une restauration. La guérison
reçue par la prière et au nom du Seigneur Jésus
doit être resituée dans un contexte plus large sous
peine de détourner de son sens cette restauration. En effet,
si on prend la prière de guérison comme un moyen
de thérapie parmi d'autres, ou un remède, il est
probable que la guérison "tombera" dans le régime
des thérapies douces voire même occultes. Le malade
ou son entourage cherchera un moyen pour sortir de la maladie
et, parfois, qu'importe le moyen tant la souffrance est grande!
Or, certains moyens sont pires que l'état de la maladie
car ils asservissent la personne. L'utilisation de thérapies
occultes faisant intervenir des forces spirites ou médiumniques
est à même de perturber la personne et de rendre
son état pire qu'avant, même si des améliorations
passagères peuvent être ressenties. Le Christ vient
pour restaurer l'homme dans toutes ses dimensions: corps, âme,
esprit et le rétablir dans sa vocation de fils de Dieu.
La souffrance, la maladie sont un scandale que l'homme subit.
L'Esprit Saint agit en Jésus-Christ pour manifester l'oeuvre
de restauration, de réconciliation, de régénération.
Si 40 % des versets de l'Évangile de Luc ont trait aux
guérisons, c'est dire l'importance de cette manifestation
sensible dans l'annonce du Royaume de Dieu.
L'Esprit de Dieu, l'Esprit de Jésus-Christ est le seul
qui guérit et non le ministre, c'est-à-dire le frère
ou la soeur ayant un ministère ou un charisme de guérison.
De même la guérison accomplie au nom du Seigneur
Jésus dans le groupe de prière est le fruit de l'action
du Seigneur: "Si deux d'entre vous, sur la terre, unissent
leur voix..." (Mt 18,19-20).
Dieu restaure et guérit l'homme à travers plusieurs
canaux: sacramentel (le corps du Christ offert en toute eucharistie),
charismatique (le corps des frères) et le canal de la Parole
de Dieu. Mais la source de la guérison est Dieu. Quand
Jésus guérit les malades, c'est pour être
manifestation de Dieu, épiphanie de Dieu au milieu des
hommes.
La guérison divine ne consiste pas à être
uniquement un calmant du mal ni un retardateur de l'échéance
inévitable qu'est la mort. A quoi cela sert-il de ramener
Lazare à la vie si Lazare doit finalement mourir un jour?
Dieu ne guérirait que pour un sursis de temps? Non! Dieu
signe son passage au milieu des hommes au moyen de signes sensibles
que sont la guérison des malades et les miracles, pour
éveiller ou "réveiller" les hommes à
leur vocation: vivre avec Dieu éternellement. La seule
guérison à envisager est le salut de l'homme qu'il
reste bien portant ou malade.
GUÉRISON ET ÉVANGÉLISATION
La pastorale de Jésus est simple; quand il entre dans un
village, il guérit les malades, annonce la Bonne Nouvelle
du Royaume et continue sa route. La guérison est liée
à l'annonce du Royaume de Dieu. Chaque fois que Jésus
parle, des signes accompagnent sa Parole car c'est le Royaume
de Dieu qui vient de se rendre visible. La guérison est
signe que Jésus parle et agit. Elle peut susciter la foi
ou le rejet mais rejoint dans tous les cas l'homme dans son existence.
Devant le paralytique et la foule rassemblée, Jésus
proclame la Bonne Nouvelle en disant: "Mon enfant tes péchés
sont pardonnés" (Mc 2,5). L'essentiel est dit. Mais
la suspicion ou le doute, voire le scandale, guette l'assemblée.
Alors Jésus passe à l'acte: "Quel est le plus
facile de dire: tes péchés te sont remis, ou de
dire: lève-toi et marche! Eh bien, pour que vous sachiez
que le fils de l'homme a le pouvoir sur la terre de remettre les
péchés, je te l'ordonne, dit-il au paralysé,
lève-toi et, prenant ta civière, va chez toi"
(Lc 5,23-24). Le groupe de prière est appelé à
évangéliser et manifester l'amour de Dieu à
travers les oeuvres de l'Esprit, de la façon dont l'Esprit
Saint le lui inspirera.
GUÉRISON ET SANCTIFICATION DE LA PERSONNE
Un jour, une congrégation nous a appelés en disant:
"Nous avons un couple dont la jeune femme, extrêmement
dépressive, est en crise. Les médecins déclarent
forfait et nous ne pouvons rien faire pour elle. Pouvez-vous parler
avec eux, les recevoir?" Nous avons dit oui. Au lieu de sonner
à la porte de la maison, elle est entrée directement
à l'oratoire, accessible jour et nuit de l'extérieur.
Le Saint-Sacrement était exposé et, là, Dieu
l'a regardée et l'a guérie. Elle s'est effondrée
dans un coin en pleurs; elle a eu son chemin de Damas devant le
Saint-Sacrement. Ce fut fulgurant pour elle. Après, tout
un chemin de restauration et de guérison fut nécessaire.
Quand une personne est rejointe ainsi par Dieu, la guérison
intérieure ou physique a pour objectif d'augmenter la foi
de l'assemblée et la foi du malade. Un signe est donné
pour l'édification du groupe et de la personne. Mais pour
la personne, commence alors un chemin de convalescence qui va,
d'une part, enraciner la guérison reçue et, d'autre
part, mettre en place le Salut dans la vie de cette personne.
Ce processus va asseoir sa vie spirituelle et tout son être
sur la personne de Jésus. Or, il se fait dans le temps
et passe par une succession d'étapes comprenant guérison,
parfois délivrance, toujours conversion. Si la guérison
publique et parfois spectaculaire ne touche qu'un petit nombre
de personnes, la "convalescence" est le chemin ordinaire
de tout baptisé. Cette guérison exige la communauté
de prière et l'accompagnement spirituel pour être
féconde. Cette jeune femme a vécu pendant six mois
un "Thabor" humain et spirituel. Ceux qui l'entouraient
étaient stupéfaits, sa transformation était
spectaculaire. Nous lui avons conseillé d'être accompagnée
par une soeur de la communauté, ce qu'elle a accepté.
Après six mois, les effets sensibles se sont atténués
et a commencé alors un chemin de reconstruction qui dure
maintenant depuis des années. Dieu ne court-circuite pas
notre humanité, il l'épouse, la restaure, la sanctifie.
L'accompagnateur ne fait pas tout seul le travail; il est le "généraliste"
qui essaye avec la personne de discerner ce qui est de l'ordre
de la purification, de la guérison intérieure, de
la délivrance, du pardon et de la réconciliation...
Il se fait assister, le cas échéant, d'un prêtre,
d'une équipe de frères et de soeurs pour prier sur
des points spécifiques. Dans le cas de cette jeune femme,
une anamnèse fut nécessaire.
GUÉRISON ET CROISSANCE DU GROUPE DE PRIERE
Les groupes de prière ont pour vocation d'évangéliser,
c'est-à-dire de permettre de faire l'expérience
du Salut. Pour cela, ils sont appelés à former un
corps avec des membres, permettant à chacun de vivre un
chemin de guérison, de stabilité et de conversion
pour donner Jésus au monde. Dans ces petites communautés
de prière, on va apprendre à aimer son frère,
à discerner et exercer les charismes, à guérir,
à laisser Dieu prendre toute la place en nous afin de vivre
pleinement notre vocation. Ces petites communautés de prière
permettent, grâce à l'engagement effectif des personnes
entre elles, d'enraciner la vie chrétienne et d'être
signe pour ce monde. Mais, trop souvent, ces petites communautés
ne voient pas le jour car elles en restent à des groupes
de prière qui peuvent être:
- Un groupe de prière "club", c'est-à-dire
un groupe chaud, sympathique mais où je ne suis pas invité
à donner ma vie. Je reste un chrétien mondain. Le
groupe est pour moi un lieu où je consomme. Je vais rechercher
des émotions et quand je n'en trouve plus dans mon groupe,
je vais "picorer" ailleurs, dans des grands rassemblements
par exemple, là où le "spectacle émotionnel"
sera de "qualité'.
- Un groupe de prière "piété" (au
mauvais sens du terme), c'est-à-dire un groupe où
je découvre l'amour de Dieu et en même temps mon
état de pécheur. Je rends un culte à Dieu
mais il n'y a pas de force de prière, de témoignage
dans ma vie. Je n'exerce pas de charisme et j'ai peur, peur d'évangéliser,
peur des autres, parfois encore peur de Dieu, peur dans tous les
cas de me donner. L'effusion de l'Esprit n'a pas été
vécue, le chemin de guérison, de conversion ne trouve
pas une terre sur laquelle s'appuyer.
- Un groupe de prière d'évangélisation; là,
je commence à expérimenter le Salut et l'effusion
de l'Esprit. Je reçois une force nouvelle pour prier, témoigner,
vivre en frères. Mais cela ne dure qu'un temps, le "soufflé
retombe"! Les charismes s'amenuisent, le témoignage
disparaît. Je deviens un charismatique une heure par semaine
et le groupe de prière devient une activité parmi
d'autres. Je vis sur un acquis ou des habitudes. Petit à
petit, les soucis de la vie étouffent la semence. Pourquoi?
Parce que je suis resté seul, individualiste avec mes blessures
et compromissions qui éteignent petit à petit le
feu de l'Esprit.
Pour vivre un enracinement qui passera par la guérison
de mes peurs, de mes blessures, la conversion, la réconciliation
avec moi-même, les autres, j'ai besoin des frères
avec lesquels je suis engagé non pas seulement pour faire
quelque chose mais pour être quelqu'un. Le groupe de prière
doit devenir une communauté de prière et de guérison
s'il veut porter du fruit qui demeure. Je voudrais vous partager
cette expérience qui nous a fait comprendre que le chemin
de guérison est source de croissance pour l'ensemble du
groupe.
Depuis plusieurs années, notre communauté vit avec
des groupes de prière de différents endroits de
France une école de formation à la vie fraternelle.
Cette formation, vécue au sein de chaque groupe de prière,
s'adresse à celles et ceux qui, après avoir vécu
l'effusion de l'Esprit, perçoivent à la fois le
besoin d'enraciner leur expérience spirituelle et d'être
témoins là où le Seigneur les a plantés.
Pendant un an, ils vivent un engagement qui consiste à
venir régulièrement à leur propre groupe
et à suivre cette école par "correspondance".
Des frères et soeurs d'un même groupe constituent
une fraternité de cinq ou six personnes. Ils apprennent
à vivre et à "fonctionner" en étant
aidés par un enseignement mensuel que chacun reçoit
et médite chez lui. Une fois par mois, la fraternité
se réunit pour un temps de partage et de prière
qui permet à chacun d'entrer dans un chemin de guérison,
de conversion, de "convalescence", bref d'enracinement
spirituel. Priant les uns pour les autres, les charismes émergent,
les solidarités grandissent et nous avons constaté
que des frères et soeurs apprenaient ainsi à guérir
par la prière du corps fraternel, devenaient moteur de
leur groupe tant dans l'unité que dans l'évangélisation.
La guérison des membres construit la communauté
de prière et initie le témoignage et le dynamisme.
Geneviève, bergère d'un groupe nous partage ce qu'elle
a vécu: "Pour moi, cette formation fut une expérience
extraordinaire de liberté et de vérité. La
méditation des enseignements, le partage fraternel sous
le regard de Dieu et la prière des frères ont fait
de cette démarche un chemin de guérison intérieure,
d'unité et de prise en charge les uns par les autres".
En conclusion, appuyons-nous sur la compassion de Dieu pour vivre
la guérison dans nos groupes de prière. Il existe
un certain nombre d'ouvrages qui peuvent nous éclairer
et nous aider à nous former. Mais l'enjeu d'aujourd'hui,
il me semble, est que nos groupes deviennent des communautés
de prière, de compassion et d'évangélisation.
Puissent-ils devenir des manteaux du Christ dont les franges guérissent
nos contemporains!
POUR ALLER PLUS LOIN EN NOYAU:
- Cet article situe bien la guérison à l'intérieur
du mystère du Salut. Relire à la lumière
de ce texte les enseignements donnés sur la guérison
dans le groupe de prière. Sur quels points mettent-ils
l'accent? quels apports nouveaux trouvons-nous dans cet article?
- L'importance du suivi et de l'accompagnement des personne est
soulignée. Quelle attention accordons-nous à ce
suivi? Quelles questions rencontrons-nous?
- Groupe de prière "club", "piété", etc. En regardant la vie de notre groupe, reconnaissons-nous des "tendances" à ces attitudes? Quels moyens pouvons-nous prendre pour aider les frères et soeurs dans leur croissance? - 30 -
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