SSP 15 décembre 1997
La réincarnation: qui n'en a pas entendu parler? Ressuscitée
au tournant du siècle par l'ésotérisme occidental,
elle est devenue omniprésente; artistes, gourous, astrologues,
"tripoteux d'énergies", extraterrestres, dauphins,
auxquels se seraient joints 40 % des catholiques, se tournent
maintenant vers elle. Cadeau du Ciel ou leurre? Réfléchissons
un peu.
QUE LA RÉINCARNATION SE LÈVE
L'origine de la réincarnation est inconnue. Elle apparaît
pour la première fois dans l'histoire, au VIIIe siècle
avant Jésus-Christ, en Inde, où son intégration
à la religion indienne va tout bouleverser. Enseignant
que les renaissances étaient générées
par nos actions, la réincarnation devient en Inde la pierre
d'angle des deux voies de l'inaction: la dévotion et la
connaissance. Trois siècles plus tard environ naîtra
le Bouddhisme.
Pour les adeptes de cette croyance, la réincarnation va
se transformer; sa vision de l'être humain plus pessimiste
encore que celle de l'Hindouisme accentue la dépersonnalisation
de l'homme. La méditation devient la voie du salut. Vers
la même époque, le grec Pythagore importe la réincarnation
en Grèce; on parlera de métempsycose. D'horrible
punition en Orient, elle devient source de libération en
Occident. Chez les Grecs, la rupture des renaissances se fera
par une purification morale, liée à la contemplation
philosophique du monde. Ensuite la réincarnation passera
chez les Romains où, confrontée au christianisme,
elle disparaîtra presqu'entièrement. Nous avons donc
trois modèles différents de réincarnation.
Lequel est le nôtre? En 1876, Héléna Blavatsky
fonde la Société théosophique, avec le but
avoué d'abolir le Dieu mâle chrétien. Décidés
à torpiller la résurrection, les théosophes
fusionnèrent les trois modèles de réincarnation
et en firent un ragoût désossé de tous ses
éléments négatifs. La "réincarnation
gomme balloune" venait de naître en Occident. Au Québec,
le coup d'envoi sera donné par le pseudo-moine tibétain
Lobsang Rampa de son vrai nom Cyril Hoskins, romancier de métier
et grand sympathisant de la Société théosophique
qui, de l'aveu des propres membres de sa famille, n'a jamais mis
les pieds au Tibet de sa vie. Celle-ci du moins...
FAITES VOS JEUX
L'ésotérisme enseigne que Dieu est une énergie
et que pour une raison inconnue elle aurait explosé, répandant
dans tout l'univers des parcelles de sa divinité. Lorsque
l'être humain explore son intérieur sous la houlette
de la connaissance, il découvre enfin sa vraie identité:
il est dieu. Le salut par la réincarnation consistera donc
à décaper la parcelle divine souillée par
la matière. Une fois purifiée, après plusieurs
vies de labeur, elle se fondra dans la grande énergie cosmique.
Se dire dieu est une chose, l'être en est une autre. Voyons
un peu les exigences de "l'emploi". Dieu étant
Créateur, il faudra bâtir à partir du néant
et maintenir en ordre l'univers visible et invisible. Puisqu'Il
est aussi parfait, il faudra tout savoir et tout faire à
la perfection, peu importe le domaine. Mais, Dieu est aussi immuable,
il ne peut donc s'améliorer. Pourquoi donc alors les "dieux"
doivent-ils renaître pour s'améliorer? Étant
aussi unique, il n'y aura qu'un seul poste disponible, comblé
pour l'éternité. Le recyclage serait probablement
la meilleure solution, d'autant plus qu'étant immortel
comme Dieu, rien ne presse...
Dans le christianisme, nous ne sommes pas Dieu mais plutôt
les temples de Dieu: lorsque l'âme est en état de
grâce, Dieu l'anime de sa vie divine, et fait de l'être
humain un fils adoptif. Créé à l'image de
Dieu, il est appelé à reproduire l'image du Christ.
Si l'homme a soif de Dieu, se contentera-t-il d'avoir en lui une
minuscule parcelle d'une énergie impersonnelle et indifférente
ou ne voudra-t-il pas plutôt être habité par
Dieu dans sa totalité? Faites vos jeux!
À QUEL PRIX
Quand on parcourt le discours ésotérique, on est
frappé par le rejet du corps: boulet, prison de l'âme,
etc. En fait, le corps n'a d'autre utilité que de servir
de véhicule à l'âme. Étant une parcelle
divine recouverte d'un masque corporel jetable après usage,
son identité est illusoire.
Dans le christianisme, l'être humain créé
corps et âme forme un tout unifié, unique et non
reproductible. Chaque être est une histoire d'amour personnelle
avec Dieu. L'Église a toujours souligné l'importance
du corps puisque Dieu s'est fait chair pour redonner à
la chair son incorruptibilité. À la mort, le corps
reposera donc au cimetière (du grec koimétérion
= dortoir) comme une graine semée en terre. À la
fin des temps ce même corps resurgira, purifié et
immortel, pour aller partager le bonheur de l'âme juste,
suivant la voie tracée par la mort-résurrection
du Seigneur. L'être entier est appelé au salut, telles
sont notre foi et notre espérance.
DE QUEL CÔTÉ PENCHE LA BALANCE?
La réincarnation serait, selon ses défenseurs, la
seule réponse aux injustices sociales. Examinons deux points.
Face aux malheureux, l'ésotérisme rappellera que
la bonté de Dieu est conditionnelle à l'existence
de la réincarnation et qu'étant amour, il donnera
les mêmes chances à tous. Ainsi chacun aura droit
à son lot d'existence sous le signe du confort et de l'opulence.
Aux mieux nantis, l'ésotérisme mettra surtout en
relief qu'étant dieux, ils sont les seuls artisans de leur
bonheur actuel. Du point de vue chrétien, on enseigne que
la guerre, la haine et la pauvreté ne viennent pas de Dieu
mais de la dureté du coeur de l'homme. Voilà pourquoi
l'Église s'incarne à différents niveaux dans
la société, guidant par la parole, aidant par ses
actions, voyant le Christ souffrant dans les plus démunis.
N'est-ce pas là un moyen plus profitable à l'humanité
que l'attente passive de jours meilleurs?
SALUT OU DAMNATION?
Lorsqu'on veut partir en voyage la logique veut qu'on s'informe
d'abord. Et pourtant l'âme, elle, semble faire exception
puisque tous les réincarnationnistes admettent qu'elle
voyage, sans s'entendre sur l'itinéraire et la durée
de son périple. L'Antiquité n'a pas cessé
de rappeler les constants va-et-vient de l'âme, allant de
l'homme au règne minéral, en passant par le végétal
et l'animal. Évidemment, marketing oblige. Lors de son
importation chez-nous, les marchands de salut ont volontairement
oublié une partie de la doctrine sur les quais d'Orient,
sachant bien qu'elle ne passerait pas la douane du goût
occidental. Mais peu importe, puisque le problème réel
est celui du temps. Dans le christianisme, il est fermé:
il a commencé, il se déroule et finira un jour;
pas question de retourner en arrière. Le concept des renaissances
s'appuie sur le temps cyclique qui revient sans cesse. C'est donc
dire que peu importent les efforts déployés et cela
même après des milliards d'années, puisque
le temps reviendra inexorablement à la case départ.
Tout sera toujours à recommencer pour l'éternité.
Salut ou damnation.
Du point de vue chrétien, imaginons l'histoire du salut comme une fête où tous sont invités. Le moment venu, ceux qui portent l'habit de sainteté entreront; d'autres, voyant l'état inconvenant de leur tenue, patienteront, le temps d'un "nettoyage" au purgatoire. Ceux qui refusent l'amour de Dieu se condamneront d'eux-mêmes à l'enfer. Cette grande fête rejoindra tous les êtres humains quelque soit leur religion et tous se rassembleront: les chrétiens jugés sur l'amour de Dieu et du prochain et les non-chrétiens jugés sur l'amour du prochain et leur recherche de Dieu.
NOTE D'AUTEUR
Marié et père de deux enfants, Michel Côté
habite La Plaine (Québec). Il est professeur de piano classique.
Il est engagé depuis sept ans dans les "Défis
Jeunesse et Nazareth".
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