Les saints sont des gens qui ont accepté une bonne fois
d'être toujours déroutés: c'est devenu leur
pain quotidien. Si tout est trop bien planifié, si nous
avons tout organisé, si nous nous sentons en sécurité
parce que, dans notre volonté, tout est bien décidé
et bien en place, disons-le franchement, ce n'est pas la route
de la sainteté. La personne qui a des idées ne doit
pas s'y cramponner. Quand on regarde les choses spirituelles d'une
manière humaine, cela veut dire qu'on ne les prend pas
au sérieux. Le thème de la sainteté pourrait
se résumer en peu de mots: Laissons-nous faire, ce qui
veut dire "soyons petits". Ce n'est pas si difficile
à pratiquer; mais c'est très difficile à
comprendre. "Se laisser faire par Dieu", accepter de
regarder le Christ, ce n'est pas banal du tout. Nous ne pouvons
pas non plus éviter de nous tromper de temps en temps.
Le problème n'est pas d'éviter de dérailler
mais d'être toujours assez souples pour que Dieu nous remette
sur les rails en "nous laissant faire" bien entendu.
Nous nous entêtons souvent et c'est la mort. Pourquoi cela
arrive-t-il? Il est dit dans la Parole de Dieu, c'est dû
à l'endurcissement de votre coeur. Le chemin étroit
qui mène à la "vraie vie", à la
sainteté n'est pas si difficile à gravir; il est
difficile à trouver.
Présentons-nous au Christ comme des enfants, des "tout-petits",
qui ne savent rien: qui ont tout à apprendre et à
comprendre. Laissons-le ouvrir nos yeux à la vraie lumière
en nous laissant conduire par l'Esprit-Saint. Dans l'Évangile,
il y a des secrets de sainteté; quelque chose que les hommes
n'osent pas creuser et que le Christ présente clairement.
Ces secrets sont: les Béatitudes, le Royaume des Cieux
et la porte étroite. Voilà des secrets qui donnent
tout un programme de vie, de vraie vie! Dommage, il n'y en a pas
d'autre! L'Évangile est pour "le peuple" et non
pour les intellectuels et c'est en acceptant d'être "peuple"
qu'on peut avec la grâce, se laisser toucher. Si quelqu'un
lit l'Évangile sans être bouleversé par le
Christ, c'est qu'il n'a pas compris. Il est intellectuel et non
"peuple". Vous savez, on ne peut rien faire pour expliquer
l'Évangile qui mène à coup sûr à
la sainteté si l'on n'éprouve rien. Il faut d'abord
vibrer, être remué, secoué, attendri, gagné
au Christ. Le secret de l'Évangile est "pour les petits"
qui accueillent, qui veulent et qui se laissent faire. "Le
Royaume des Cieux est pour les petits", dit Jésus.
Les apôtres furent enseignés par le Christ, les saints
et nous-mêmes, par l'Église, ce qui est exactement
la même chose. Tout l'enseignement du Christ repose sur
son grand commandement: aimer. Aimer, c'est d'abord être
attiré, séduit, captivé. Il faut céder
de tout de coeur à cette séduction, à cet
attrait, "se laisser faire" pour que s'épanouisse
notre bonheur en Dieu à travers le Béatitudes, chemin
de sainteté, l'idéal de cette réalité
nous est laissé par le Christ lui-même: "Je
veux que vous ayez la joie en plénitude". Examinons
notre coeur pour voir que souvent nous perdons la joie, la joie
intérieure. Si nous la perdons, c'est que nous retournons
à nous-mêmes, à nos misères au lieu
de rester le regard fixé sur le Christ qui permet ces événements
pour nous grandir et nous épanouir dans la foi. C'est le
combat spirituel vers la sainteté. Encore une fois, il
faut "laisser faire" la grâce qui est une puissance
extraordinaire qui pousse à se donner à Dieu. Et
ce qui nous attend ce n'est pas l'immortalité, c'est l'éternité.
Quel mot plein d'espérance! Oui l'éternité!
Qu'est-ce que Dieu demande en fait? Pas grand chose, sinon de
croire à l'éternité bienheureuse, à
la promesse éternelle. Ce qui arrive souvent , c'est que
notre pensée se heurte à la pensée de Dieu
et elle ne veut pas céder. Que nous manque-t-il alors?
Il faut se convertir, "se laisser faire" par Dieu.
Pourtant le Saint-Esprit nous attire, nous travaille et nous retourne
avant même que la Trinité "les trois" puisse
venir en nous pour y établir sa demeure. Un jour, peut-être,
quand nous donnerons notre accord, la racine qui alimente notre
inquiétude et notre volonté obstinée mourra
et nous serons libres.
Les saints sont de vrais nageurs et non des apprentis. Ils ont
une bouée de sécurité: Dieu, le maître-nageur.
C'est à lui seul qu'ils font confiance, jamais à
eux-mêmes. Au début, les saints cherchaient par eux-mêmes
à aimer Dieu; au terme - ils comprennent qu'il suffit de
se laisser aimer par lui tout doucement en se "laissant faire".
Quand on dit franchement "Dieu y pourvoira" on peut
dire qu'on commence à être de vrais chrétiens
convaincus. On est dans la barque et on se laisse glisser au fil
des eaux sans craindre. On abandonne le gouvernail, on ne décide
plus rien par soi-même, sinon ce qui est inspiré
de l'Esprit. Il est très facile de toucher le coeur d'un
saint, mais il est impossible de le troubler vraiment. Sa paix
demeure inaccessible, il est appuyé sur du solide. Vous
voyez: il n'y a pas d'autre sainteté possible: nous avons
en nous le vieil homme et il faut qu'il meure. C'est cela la conversion,
c'est cela "se laisser faire". "Celui qui accueille
un saint comme un saint recevra une récompense de "saint",
disait sainte Jeanne d'Arc." Les saints seront toujours des
signes de contradiction qui révèlent le secret des
coeurs.
Voyons où nous en sommes, nous qui sommes un peu tous engagés
dans la foi. Le véritable engagé ne parle pas de
son engagement comme quelque chose de lourd, il parle de son trésor,
c'est-à-dire ce qui fait son bonheur. Si nous aimons vraiment
Jésus-Christ, nous nous réjouirons qu'il n'y ait
pas de solution en-dehors de lui, le Sauveur; donc c'est être
assez petit pour dépendre uniquement de lui. La seule et
unique collaboration que nous puissions apporter à Dieu,
c'est de dire "oui" à une action qui n'est pas
la nôtre, dire notre "Fiat" comme Marie, et comme
elle "se laisser faire" par l'Esprit de Dieu. Il s'agit
en somme de cultiver cette souplesse qui nous remet entre les
mains de Dieu; pour cela, il faut résister à l'orgueil
quand il se présente déguisé sous des dehors
de bien-être, de passion du coeur, d'amour de posséder
des choses souvent même nuisibles à notre liberté.
Vous savez, il est plus facile de renier un péché
honteux qu'un péché glorieux. L'Église doit
toujours être pour nous le refuge, non pas d'abord une exigence,
mais une protection. L'Église nous tient dans l'Amour de
Dieu à travers les sacrements. Elle nous enseigne par la
parole que s'exercer à l'amour, s'exercer à mourir
à nous-mêmes ou s'exercer à la confiance,
c'est la même chose. Pour avoir confiance, il faut craindre
d'offenser Dieu, c'est à lui qu'on se donne et c'est lui
qui nous fera désirer la sainteté en le suivant
dans ce que l'Église nous enseigne. Dieu a beau faire,
il ne peut sauver quelqu'un, encore moins l'amener à la
sainteté, s'il n'a pas confiance. Toutes les fois que nous
nous appuyons sur autre chose que sur lui, nous lui retirons notre
confiance. Tant qu'à espérer notre salut, autant
espérer la sainteté. Il n'est pas plus facile d'être
sauvé que d'être un saint.
Disons pour terminer qu'il est bien vrai que si chacun de nous
était meilleur, le monde entier serait meilleur. Le pire
des péchés, c'est de vouloir se mettre à
part du péché et ne pas croire que nous sommes de
pauvres pécheurs. Alors, abandonnons-nous à la miséricorde
pour ne jamais amoindrir l'Évangile. Ceux qui cherchent
à atténuer, à adoucir le scandale de l'Évangile
doivent par le fait même évacuer la croix. Pas de
sainteté sans croix, pas de croix sans être au coeur
de l'Évangile.
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Dernière mise à jour 7 février
1998