Lecture des Pères de l'Église sur Jésus et la Samaritaine
Jean Brassard
Dans cet article, l'abbé Jean Brassard propose de regarder comment nous retrouvons, chez les Pères de l'Église, une lecture particulière de cet épisode de l'Évangile de Jean, Jésus et la Samaritaine. Pour nous, il a lu et exploré chez les pères grecs, les textes d'Origène et de Jean Chysostome ; chez les pères latins, ceux d'Augustin. En raison de sa longueur, nous vous le présenterons en deux parties. En voici la première qui offre la lecture d'Origène.
Les Pères de l'Église exercent sur nous une fascination exceptionnelle quand nous nous mettons à leur école pour la lecture, la prière et l'initiation aux Écritures. La manière dont ils abordent les textes de la Parole de Dieu est toute dévouée à reconnaître la grandeur du Christ et des mystères de la foi.
Origène aborde le texte de la Samaritaine dans une perspective d'accueil et d'explication des Écritures. Jésus devient le seul par qui nous devons passer pour recevoir une compréhension suffisante des Écritures. Et s'approcher de Jésus permet donc de puiser à l'essentiel. Pour cela, il faut combattre les hérésies, nombreuses dans le monde gréco-romain d'Origène : Mais maintenant que sous prétexte de science, les hérétiques s'insurgent contre la Sainte Église du Christ et produisent des traités formant une multitude de livres, qui promettent une explication des écrits évangéliques et apostoliques, si nous gardons le silence et ne leur opposons pas la doctrine vraie et salutaire, ils se rendront maîtres des âmes avides qui saisiront ces aliments interdits, véritablement impurs et abominables (Commentaire sur saint Jean V, 8).
Donc, la Samaritaine est cette femme qui, en venant maintenant à Jésus, saura satisfaire à ses soifs les plus profondes. Origène fait de la samaritaine l'image des hérétiques qui doivent demander à Jésus et non à l'eau du puits, de les désaltérer. D'après ce qui lui est arrivé considère comment tant qu'elle buvait à ce qu'elle prenait comme un puits profond, elle n'était ni soulagée ni délivrée de sa soif (Commentaire sur saint Jean, XIII, 6-7).
En plaçant la samaritaine auprès de Jésus, source de vie, Origène opposera le puits et la Source. Le puits de Jacob, c'est l'Ancien Testament et la source est Jésus qu'Origène décrivait comme l'Unique berger des Paroles. Pour lui, dans la lecture des Écritures, Le principe pensant est le Christ. Dans une homélie sur les nombres (XII, 1), Origène conseille ainsi son auditeur : Nous avons lu que les patriarches ont eu leurs puits : Abraham a eu le sien, Isaac aussi, Jacob, je pense, en a eu aussi. Pars de ces Puits, parcours l'Écriture en quête des puits et arrive aux Évangiles. Tu retrouveras celui sur le bord duquel le Seigneur se reposait après la fatigue du voyage, quand survint une Samaritaine qui voulait puiser de l'eau. ... Tu le vois donc celui qui croit en lui possède plus qu'un puits, des puits ; plus que des sources, des fleuves ; sources et fleuves qui ne soulagent point cette vie mais procurent l'éternelle. Ainsi donc, selon les proverbes déjà cités, là où il est question de puits en même temps que de sources, il faut comprendre qu'il s'agit du Verbe de Dieu ; puits s'il cache quelque profond mystère ; source s'il déborde sur les peuples et les arrose.
L'objet du commentaire d'Origène est toujours sa polémique avec Héracléon. Pour Origène, il ne faut jamais commenter les Écritures impunément. Ainsi, quand il parlera des maris de la Samaritaine, Origène les comparera au joug et à la loi des hérétiques. Parce qu'elle adhère à Jésus, cette femme répudie maintenant son amant et s'attache à l'essentiel. Les fausses interprétations des Écritures sont les maris multiples dont elle doit se dégager et le sixième mari, ce sont les gnostiques dont Héracléon est le représentant. Il faut les congédier pour rencontrer le Christ.
Dans ses nombreux commentaires, Origène parle de Jésus comme étant LA PAROLE, détournant ainsi ses interlocuteurs d'une approche qui viendrait différencier le texte de la personne de Jésus. Parlera-t-il des adorateurs dont fait mention le texte de la Samaritaine qu'il s'appliquera de préciser : Les Anges n'adorent pas le Père à Jérusalem ... Origène parlera de la Samaritaine qui laisse maintenant sa cruche pour devenir missionnaire.
Je délaisse volontairement d'autres textes d'Origène pour donner en synthèse les points suivants : l'approche polémique d'Origène devient l'occasion de se réaffirmer comme croyant et d'élaborer une synthèse théologique sur les Écritures et sa vision trinitaire. La liberté du croyant, c'est l'adhésion à des doctrines saines et à la vérité de la foi ; la Samaritaine en communiant à la présence de Jésus devient capable de grandir intérieurement pour devenir, elle aussi, une adoratrice en Esprit et en Vérité. En elle, par la présence du Christ, couleront des fleuves d'eau vive. Délaissant ses attaches aux fausses doctrines et maintenant enracinée dans la Source de Vie qu'est La Parole, elle pourra, par la mission à laquelle le Christ l'invite, en inviter d'autres à recevoir les mêmes bienfaits. (À suivre)
L'abbé Jean Brassard est répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de Chicoutimi. Il est aussi modérateur des paroisses Notre-Dame-d'Hébertville, Saint-Wilbrod et Saint-Bruno.
Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mai-juin vol. 27 numero 3
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Dernière mise à jour 10 octobre 2001
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