AU COEUR DU MONDE, UN LAÏC SAISI PAR L'ÉVANGILE:
FRÉDÉRIC OZANAM (1813-1853)
Hermann Giguère
Frédéric Ozanam sera béatifié par
le
pape Jean-Paul II le 17 août 1997 lors de la journée mondiale de la jeunesse à Paris. Ce lyonnais
du siècle dernier témoigne de la percée du
laïcat, qui se manifeste de diverses façons au siècle
dernier, et qui marquera profondément la théologie
et les textes du concile Vatican II (1962-1965).
DANS LE TUMULTE DES CHANGEMENTS SOCIAUX
Au milieu du dix-neuvième siècle, nous avons une
renaissance des confréries de toutes sortes (Tiers-Ordres,
des associations qui existaient avant la Révolution française).
Ce qui caractérise ces confréries, c'est qu'elles
groupent diverses catégories de personnes avec un but d'ordre
spirituel et religieux. C'est un peu l'équivalent, du côté
des laïques, de la renaissance des congrégations religieuses.
Il y a aussi l'apparition d'une très grande variété
de groupements, nouveaux ceux-là. Ils sont souvent locaux.
Ils ont en général un but caritatif ou apostolique
et soutiennent une floraison d'oeuvres de toutes sortes. Ce qui
est nouveau, c'est la part des laïques dans ces mouvements
qu'ils dirigent et qui auront souvent une action en avance sur
l'Église officielle. On s'intéresse à la
presse et aux mass-médias comme par exemple le journal
L'Univers de Lamennais avec Montalembert et Ozanam ou la mise
sur pied des Conférences de Notre-Dame de Paris avec le
Père Lacordaire etc. On ne se limite pas au monde religieux
mais on se tourne vers ceux qui se sont éloignés.
Parmi ces promoteurs d'oeuvres nouvelles un nom mérite
aujourd'hui notre attention: Frédéric Ozanam. Lyonnais,
il fréquentera le Père Lacordaire, Jean Le Prévost
et mettra sur pied l'organisation des Conférences St-Vincent
de Paul dont il supervisera l'expansion mondiale. Celles-ci sont
actuellement le plus grand mouvement de laïques au monde,
étant présentes dans 144 pays.
UN CURRICULUM VITAE BIEN GARNI
Frédéric naît en 1813 et meurt en 1853 à
l'âge de 40 ans seulement. Il fait des études universitaires
en Droit et en Littérature et devient professeur de Littérature. Son cheminement personnel
d'étudiant est très intense. Il connaît une
crise intérieure à 18 ans. C'est le moment où
il se reconvertit à sa foi. Il sera et demeurera toujours
par la suite un ardent défenseur de l'Église.
En 1831, après une année de stage chez un avoué lyonnais, Frédéric Ozanam arrive à Paris. Il mène dans la capitale une vie studieuse. Sa famille lui manque beaucoup. Il étudie à l'École de droit située à proximité du Panthéon. Mais la littérature l'attire d'avantage. Il s'inscrit à la faculté des Lettres et suit donc un double cursus, littéraire et juridique. Ses parents s'en inquiètent. Par la suite, comme le verra, il obtient une chaire de professeur à la Sorbonne et
au Collège de France. C'est un intellectuel fascinant.
Il se lie d'amitié avec Châteaubriand, Lamartine,
Lammennais, Lacordaire. Il se consacre tout entier au service
de la vérité dans son enseignement qui a une large
audience. Mais, revenons à l'étudiant.
Frédéric, comme les étudiants de son temps a du mal à se loger. Il réussit à être accueilli par André-Marie Ampère, célèbre physicien, qui lui offre la chambre de son fils Jean-Jacques, parti à l'étranger pour un voyage d'études. L'accueil chaleureux réconforte beaucoup le jeune étudiant. C'est au cours de ses études universitaires, en avril 1833, qu'il va fonder avec d'autres camarades, lyonnais pour la plupart, une petite société fraternelle où l'on prie, où l'on approfondit sa foi, où l'on se consacre à soulager la misère par une charité de proximité. Cette société qui s'appelait à ses débuts Conférence de Charité, s'est mise par la suite, sous le patronage de saint Vincent de Paul, apôtre de la charité au XVIIe siècle. Elle deviendra les Conférences Saint-Vincent-de-Paul. répandues maintenant dans plus de 140 pays et formant le plus grand mouvement de laïcs catholiques au monde.
Et c'est Soeur Rosalie Rendu, fille de la Charité (société religieuse fondée par Saint Vincent de Paul qui a fondé aussi les Prêtres de la Mission appelés encore Lazaristes), qui est un peu la Mère Teresa du quartier Mouffetard (dans l'actuel V° arrondissement de Paris) qui guide, qui forme Frédéric et ses amis au service des plus pauvres.
Avec quelques amis, il va demander qu'on instaure des prédications de carême pour illustrer la foi catholique. Difficultés avec l'évêque. La première année, Frédéric n'avait pas pu obtenir les conférences. La seconde, il obtiendra les conférences, mais ce seront des prêtres que l'évêque choisira de son clergé. Ce n'est que la troisième année (1835) que le père Lacordaire montera en chaire à Notre-Dame de Paris le 8 mars. Cependant, l'année précédente, il avait donné des conférences au Collège Stanislas.
Dès 1837, les Conférences Saint-Vincent-de-Paul (ce sont les "sections" locales de la Société de St-Vincent de Paul) totalisent 400 confrères à Paris et en Province.
Frédéric en janvier 1839 est reçu docteur-ès-lettres après avoir soutenu une double thèse latine et française (dont l'une sur Dante). Entre les Lettres et le Droit, Ozanam choisira, et ce sera l'enseignement universitaire à la Sorbonne qui le passionnera véritablement. Pour accéder à la chaire de littérature comparée, Ozanam s'est soumis au tout nouveau concours de l'agrégation fondé par Victor Cousin. Frédéric Ozanam est le premier professeur agrégé !
Avocat au barreau de Lyon, il se consacre, parallèlement à son activité de plaideur, à la toute jeune Société de Saint-Vincent-de-Paul. À Lyon, il met sur pied une chaire de droit commercial. Il supervise le développement des Conférences St-Vincent-de-Paul qui s'organisent déjà de son vivant à l'échelle mondiale. Elles seront approuvées par le pape en 1845.
Il s'opposera à Louis Veuillot qu'il trouve trop conservateur.
Ses tendances sont plutôt libérales. Ce qui lui occasionnera
quelques difficultés avec les évêques, mais
il demeurera toujours fidèle au pape.
N'AYEZ PAS PEUR
Nous avons en Frédéric Ozanom le type de laïc
qui n'a pas peur de prendre sa place dans l'Église. Avec des gens comme lui, les mentalité
à l'intérieur de l'Église seront provoquées
au changement. Ce changement hélas ne viendra pas très
vite. L'esprit dominant est anti-libéral et l'Église
garde toujours une structure hiérarchique très rigide.
NOTE D'AUTEUR
L'abbé Hermann Giguère est professeur à la faculté de théologie à l'Université Laval à Québec. Il est directeur de la revue Selon Sa Parole. Il a été président du Conseil canadien du Renouveau charismatique de la fondation en 1987 jusqu'en 1995, il en est actuellement le trésorier.
Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Revue SELON SA PAROLE 15 mars 1997 vol. 23 numéro 3