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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole 15 avril 1999 vol. 25 numéro 4



ÊTRE VISAGE DU PÈRE
Ronald Young
Cette année du Père en préparation du Jubilé de l'an 2000 m'amène à réfléchir sur mon propre rôle de père. J'avoue que je considère ce rôle comme un privilège et que je l'apprécie grandement. Accompagner des enfants dans leur croissance pour atteindre leur plein épanouissement m'apparaît une aventure extrêmement riche. À travers les peines et les joies des enfants, à travers leurs questions et leurs difficultés, je suis amené à refaire moi-même un parcours intérieur. Je me confronte aussi à mes forces et mes limites. Au fil de ma réflexion, j'ai pris conscience davantage que cette expérience avait des liens étroits avec celle d'être fils. Être fils a préparé le terrain. C'est à partir de cette expérience que j'ai formé mon être de père et que j'ai pu commencer à deviner la présence du Père éternel dans ma vie. Cette expérience, elle s'est forgé au contact de mon père et de ma mère mais aussi de tous ceux qui ont une présence significative, à commencer par mes frères et soeurs. Mais je vais concentrer ma réflexion sur ce lien privilégié que nous nourrissons avec notre père et notre mère.

L'EXPÉRIENCE DE LA PATERNITÉ

Je me rappelle chacune des trois naissances de nos enfants. Ils sont nés à des heures différentes, chacun à leur saison, uniques. Mais chaque fois que l'enfant est né, ce fut comme un surgissement de vie qui nous envahissait mon épouse Louise et moi. C'est comme si, en donnant la vie, la vie nous était rendue en surabondance. C'est d'abord à ce signe que j'ai reconnu que j'étais devenu père, pour chacun de mes enfants. Pour moi, l'expérience de la paternité je l'ai découverte en accueillant la vie nouvelle.

UN CHOIX À DEUX

Être père pour moi, c'est choisir de donner la vie. On peut donner la vie de bien des façons. Aujourd'hui, les voies sont multiples qui mènent à la naissance d'un nouvel être. Mon choix d'être père a d'abord commencé dans un projet de vie à deux. Il fallait un nid, un espace pour que les enfants puissent advenir. Cet espace c'était d'abord l'amour qui pouvait surgir entre Louise et moi. Il faut un espace. Il faut faire de la place. Le plus important c'est l'espace intérieur. S'il n'y a pas de place là, il n'y aura pas de place dans le horaires de travail, à travers les activités, dans les temps à la maison. Je ne prône pas un nombre d'heures minimum avec l'enfant. Nous sommes aux prises, comme la majorité des parents, avec les contraintes d'horaires de travail, les imprévus, les obligations de toutes sortes. Je constate simplement que c'est d'abord à l'intérieur de soi que commence à se faire la place pour l'enfant. Et nous sommes constamment à aménager le temps disponible, pour être présent aux joies et aux petites ou grandes inquiétudes qui ne manquent d'apparaître dans le quotidien des enfants.

PATERNITÉ ET MATERNITÉ

La paternité suppose quelque part une maternité. Elle se vit parfois séparément, de façon délibérée, d'autres fois, sans l'avoir choisi. Mon expérience d'une douzaine d'années avec Louise m'a fait découvrir que la paternité et la maternité s'enrichissent mutuellement. Ils sont comme les deux côtés d'un même nid. Ce fut d'abord dans un désir commun que nous les avons faits naître. Louise a porté les enfants. Je les ai attendu avec elle. Nous avons partagé toutes ces étapes qui vont de l'annonce à l'arrivée. C'est dans les échanges, les soucis, les questions que nous avons préparé leur arrivée. En le faisant, nous sommes devenus, à notre insu, père et mère. Pour moi, la paternité et la maternité sont indissociables parce qu'ils sont les deux visages d'une relation privilégiée avec l'enfant.

L'ENFANT, SIGNE DE LA PATERNITÉ

S'il n'y avait pas d'enfant il n'y aurait pas de père, pas de mère, pas d'humanité tout court. Ça va de soi. Mais c'est tout différent de le réaliser dans les échanges que nous avons avec les enfants. Tous ces événements qui forgent mon être de père se font par l'enfant, à travers lui, à cause de lui ou d'elle. Cet échange qui commence dès l'instant où l'enfant paraît se poursuit toute la vie, autant dans le dialogue intérieur que dans la vie courante. Car bien souvent nous sommes séparés de l'enfant, par le travail pendant la journée, lorsque nos activités ou sa vie sociale l'éloigne de nous. Mais l'enfant reste un pivot de nos pensées, une obsession, une préoccupation. Nous sommes père parce qu'il est fils ou fille.

ÊTRE FILS POUR ÊTRE PÈRE

Avant d'être père, j'ai d'abord été enfant, fils. C'est cette expérience qui m'a conduit à la paternité. Les petits bonheurs de mes premiers âges, les échanges de l'adolescence, les premiers pas de l'âge adulte forment un long fil d'expériences qui m'ont conduit à la paternité. Cependant, je reste fils alors même que je suis père. Ces deux réalités se visitent constamment. Quand je suis avec les enfants, je me rappelle des moments semblables vécus avec mon père. Je me rappelle l'attachement inconditionnel que je ressentais alors. Ces deux réalités s'enrichissent mutuellement. Mes enfants me font découvrir leur grand-père. Mes temps privilégiés avec mon père enrichissent ma relation avec eux. Nous sommes constamment entre ces deux réalités lorsque nous sommes pères.

L'EXPÉRIENCE DE LA FILIATION: FILLE OU FILS DE...

Être fils ce fut d'abord faire l'expérience d'être choisi. Naître est le fruit d'un formidable concours de circonstances. Advenir est une chance absolument unique. J'ai eu la chance d'avoir été désiré, attendu. Nous n'avons pas tous cette chance. Malgré le don extraordinaire de la vie, plusieurs traînent une douleur sans fin, celle d'être arrivé par accident ou de ne pas être le fruit de l'amour. Ils ou elles sont pourtant fils et filles. Mais avant que quelqu'un d'autre que le père ou la mère ne le leur fasse réaliser, si jamais cela peut leur arriver, ce mal aura laissé des traces profondes, une peine inconsolable qui se traduira par de la violence contre soi ou contre les autres. Car nous sommes faits pour être désiré, attendu, puisque c'est ce qu'a voulu nous dire le Père par son Fils.

Être fils c'est déjà apprendre à être père en vivant cette relation privilégiée avec le père. J'ai d'abord suivi mon père à quatre pattes à la maison, puis dans la cour et dans la rue. Qui ne se rappelle pas la grosse main large de son père tenant au chaud notre petite main. Ou qui n'a pas dû allonger le pas pour réussir à suivre celui de son père. Ces moments s'impriment si fortement en nous que nous ne savons pas exactement d'où nous viennent ces gestes appris, cette manière d'être père. Qui ne se rappelle pas la vibration que faisait la voix de son père quand nous étions appuyés contre sa poitrine ? Qui n'a pas eu les cheveux ébouriffés par une main protectrice ou taquine. Ces expériences inscrivent des certitudes. C'est par les sens que je découvre mon père, sa façon d'être père. Mais pour ceux qui ne l'ont pas vécu je veux dire que cela existe. Je veux leur dire que cela leur est dû et que si ce père vers lequel ils n'ont pu se tourner n'a pu le leur révéler, par son propre manque dans sa vie, le Père cherche à le leur dire par d'autres façons. Il cherche à fermer cette blessure comme il l'a voulu pour tous en envoyant son Fils.

C'est par le regard plein de bienveillance de mon père sur moi que j'ai su que j'étais fils, que je suis devenu fils. Il m'a mis au monde d'une certaine manière, de façon irremplaçable. Lui, du sein duquel je ne suis pas sorti m'a appelé vers l'extérieur, où il était. Il est venu vers moi et m'a attiré vers le monde. Je devais aller vers l'extérieur, sortir du cocon de ma mère si je voulais aller à leur rencontre, à sa rencontre. Dans ce sens, il m'a mis au monde. Il m'a donné son nom pour aller vers le monde, vers les autres. Il m'a transmis ce qu'il avait reçu. Être fils c'est recevoir un héritage. Devenir père c'est transmettre à son tour un héritage.

SE RECONNAÎTRE DANS LE PÈRE

Lorsque je regarde les enfants je me reconnais en eux. Je reconnais aussi Louise. Pourtant ils sont autres, des personnes à part entières avec leur propre identité. Je me reconnais aussi dans mon père. Cette ressemblance, on cherche à s'en éloigner quand on arrive à l'âge d'affirmer notre propre identité. On revient de cette étape, différent mais semblable. On peut alors être soi-même devant lui. Je crois que vivre l'expérience de la présence du Père nous renvoie à cette expérience.

LA PATERNITÉ SPIRITUELLE

Cette expérience d'être fils et père teinte mon expérience du Père. Qu'Il ait choisi de se faire appeler "père", "abba", me révèle le regard qu'il a sur moi, sur nous, sur mes enfants. C'est à un rapport de confiance qu'il veut m'inviter. J'avoue que depuis le début de l'année du Père, je ne prie plus le Notre Père de la même façon. Je réalise comment le fil conducteur des sacrements que j'ai reçus m'orientent vers cette relation de confiance. Cette dimension j'essaie de la transmettre aux enfants. Je me soucie bien de leur bien-être physique, psychologique et affectif. Mais je veux aussi qu'ils grandissent spirituellement, qu'ils deviennent adultes dans la foi. Que leur corps d'adulte ne porte pas une foi immature. C'est le sens que je donne aux paroles "donne-nous notre pain de ce jour". Je le demande et je tente de la donner après l'avoir reçu.

NOURRIR L'ÊTRE

Je sais bien que nos limites, que les chocs de la vie retardent parfois notre croissance. Tout ne se résout pas par un coup de baguette magique. Je sais que la croissance est le fruit d'efforts, de recommencements et de persévérance. Je sais que des blessures profondes peuvent nous arrêter longtemps sur le bord de la route. Mais je sais aussi que cette peine, elle ne peut disparaître que par la certitude de l'amour du Père qui répond à notre soif infini d'être. Il faut l'action réparatrice en nous de son Esprit pour croire à cette bonté sans fin qui répond à notre soif sans fin. Même si j'ai été désiré, attendu, aimé il y a en moi la brisure qui existe entre l'infini, ce qui est sans limite dont je rêve et ce que j'expérimente chaque jour comme limites.

RÉVÉLER LE PÈRE

Chaque fois que je redis le Notre Père, je pense à ce lien unique qu'il me propose. Je repense à la confiance qui est sous-entendue dans cette relation. Je comprends un peu plus que, malgré mes limites, mais surtout à cause de cette confiance, je révèle un peu du Père. Je réalise aussi que de le prier m'amène à le nommer dans ma vie. Et, comme ce lien m'habite, qu'il est une référence je ne peux faire autrement de le chercher à le révéler. "Je te reconnais. Tu es le fils de Philippe! "me disait une personne. Il reconnaissait mon père à travers moi. "On vous reconnaîtra à la manière dont vous vous aimez." Ce doit être ça révéler le Père.

NOTE D'AUTEUR
Ronald Young est marié et père de trois enfants. Il habite Ste-Foy (Québec). Il est membre du Comité de rédaction et depuis plusieurs années, il fait régulièrement la conception graphique de la revue Selon Sa Parole.

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Dernière mise à jour 2 mai 1999

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