Saint Jean de la Lande
Paul-Émile Vignola



Lors de son dernier voyage au pays des Iroquois, le père Jogues avait comme compagnon le " donné " Jean de la Lande. De ce pieux laïc arrivé à Québec en 1646, on sait seulement qu'il venait de Dieppe, en Normandie. Le père Rouvier, dans son livre sur les martyrs de la Compagnie de Jésus au Canada, nous en brosse un portrait moral : " Humble tâcheron du Bon Dieu, il traçait vaillamment son sillon sans attirer sur lui le regard de personne, hormis le regard des anges du ciel ; les anges savent en effet que Dieu ne mesure pas le mérite à la grandeur de l'œuvre, mais à la pureté et à la profondeur de l'amour qui le dicte ". L'auteur lui applique ce mot de L'Imitation de Jésus Christ : " Celui-là fait beaucoup qui fait bien ce qu'il fait et l'on remplit bien sa tâche quand on l'accomplit avec un grand amour ".

Jean de la Lande se dépensait donc dans les travaux les plus humbles auprès des pères Jésuites lorsqu'il fut affecté à l'expédition du père Jogues. Ce voyage que d'aucuns lui déconseillaient, le vétéran missionnaire l'entreprit car la nostalgie de ses chers indiens lui dévorait le cœur. Ne revenait-il pas d'une mission diplomatique où la paix avait été signée en bonne et due forme ? L'ensemble de la situation demeurait volatile et les experts des relations avec les Iroquois savaient que cette entente de paix à laquelle étaient parvenus des ambassadeurs indiens et français n'avait pas encore été ratifiée par les nations Iroquoises.

Le texte déjà paru sur le père Jogues relate le pénible voyage au pays des Iroquois et l'accueil épouvantable réservé aux deux missionnaires. Au lieu d'arriver chez un peuple pacifié, ce à quoi visait la précédente mission du père Jogues, ils rencontrèrent des bandes furieuses, animées de desseins belliqueux. Accablés de coups, les deux français se firent infliger les plus atroces bles-sures. Alors que le père Jogues fut abattu d'un coup de hache le 18 octobre 1646, Jean de la Lande passa encore toute une journée aux mains de ses tortionnaires. " Bâtonné, tenaillé, brûlé avec des tisons ardents pendant toute une nuit par la jeunesse iroquoise, il ne reçut le dernier coup de tomahawk que le lendemain. Sa tête, séparée de son corps, alla rejoindre sur un des pieux de la palissade celle de saint Isaac Jogues que son assassin y avait orgueilleusement fixée la veille. Quant aux deux corps, on les jeta avec mépris dans la rivière. "

Dans la Relation de l'année 1647, on lit à propos de notre héros : " Ce bon garçon, voyant les dangers où il s'engageait dans un si périlleux voyage, protesta à son départ que le désir de servir Dieu le portait dans un pays où il s'attendait bien de rencontrer la mort ". Jean de la Lande espérait donc la couronne du martyre, comme la plupart des pères et des " donnés " impliqués dans l'évangélisation en Nouvelle-France. Quand on apprit au printemps 1647 la mort des deux missionnaires, on offrit spontanément des messes d'action de grâces. On aurait cru faire injure aux deux martyrs en célébrant pour eux des messes de Requiem.

L'engagement des donnés René Goupil et Jean de la Lande aux côtés des Pères Jésuites aux origines de l'Église canadienne annonce ces cohortes de missionnaires laïcs envoyés par nos communautés chrétiennes aux quatre coins du monde. Les donnés, ces généreux serviteurs, se consacraient pour la vie entière au service des missionnaires. Si on en comptait six ou sept en 1639, ils étaient une trentaine dix ans plus tard. Leur supérieur les voit ainsi : " C'étaient des hommes choisis ; la plupart sont décidés à vivre et à mourir avec nous ; ils nous assistent avec un courage, une fidélité et une sainteté qui ne sont pas de cette terre. Ils n'attendent que de Dieu leur récompense ". Saint Charles Garnier ne peut taire son admiration à leur égard : " Séculiers d'habit, ils sont religieux de cœur ".

Pour les missionnaires laïcs, ces deux martyrs et les autres donnés font ressortir une facette importante de la spiritualité de la mission : devenir, se faire serviteur. Jésus déclare explicitement à propos de lui-même : Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28). Car être missionnaire, ce n'est pas improviser un apostolat à notre petite mesure, mais se mettre au service de Dieu ; c'est devenir, après Jésus, par Lui et en Lui, serviteur de Dieu.



Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole sept. oct. vol. 27 numéro 4


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Dernière mise à jour 16 octobre 2001

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