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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole janvier-février vol. 26 numéro 1


LE JUBILÉ


Le jubilé, qu'est-ce au juste ? L'usage courant utilise ce nom pour désigner la fête célébrée à l'occasion du cinquantenaire de l'entrée dans une fonction, dans une profession. On soulignera les cinquante ans de mariage d'un couple, de sacerdoce pour un prêtre ou de vie religieuse pour une personne consacrée.

Le jubilé vient de la religion juive. Le Lévitique, dans son code de sainteté, établit que tous les 50 ans, on consacrera au Seigneur une année où les esclaves recouvreraient leur liberté, les biens saisis retourneraient à leur propriétaire, les dettes seraient annulées et la terre resterait au repos car on vivrait alors sur les récoltes de l'année précédente. La pause du sabbat, jour de repos hebdomadaire, se trouvait donc étendue sur toute l'année une fois tous les cinquante ans. Parler de jubilé, c'est envisager une fête qui s'étend et se prolonge pendant une année complète. Trop beau pour être vrai ! Ces lois ont-elles été appliquées ?

L'intention de cette loi sur l'année sabbatique était révolutionnaire. Elle part d'une foi en Dieu créateur et libérateur, en la dignité de l'homme, au droit inamissible d'une famille à la terre léguée par les ancêtres. De fait, il semble bien que l'année sabbatique ne se soit jamais intégralement réalisée au long de l'histoire qui va de Moïse à Jésus. Ces textes n'en montrent pas moins un idéal auquel devait tendre le peuple élu, idéal toujours valable pour les croyants.

Jésus a-t-il parlé du jubilé ?Dans l'auditoire qui buvait les paroles du Maître, personne n'avait un calepin en main pour noter le mot à mot de ses discours. Les évangiles sont des résumés de la foi au Christ, telle que conservée et proclamée au sein de communautés croyantes, quelques décades après les événements. Cependant, on trouve dans l'évangile de Luc une référence explicite à cette tradition juive : au début de sa vie publique, Jésus vint à Nazareth et, le jour du sabbat, dans la synagogue, il se lève pour faire la lecture et proclame ce passage du prophète Isaïe : " L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. " (Is 61, 1-2) Luc raconte que Jésus replia posément le livre, le remit au servant et annonça tout de go : " Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture " (Lc 4, 21).

L'année de grâce évoquée par Jésus ne peut être autre chose que l'année jubilaire. Toute l'action du Maître se présente comme la mise en ¦uvre de ce projet. À cette fin, l'Esprit de Dieu est sur lui ; le marquant de l'onction, il l'a fait Messie (ou Christ). Jésus s'inscrit dans le prolongement de l'action des grands prophètes dont il vient accomplir les annonces. La suite du récit de Luc nous montre un auditoire divisé : alors que les uns sont émerveillés, carces paroles ont suscité en leurs coeurs une folle espérance, d'autres sont indignés et poussent Jésus vers un escarpement pour le précipiter dans le vide. Car pour eux, l'année jubilaire aurait mis fin à leurs privilèges, porté atteinte à leurs biens (confisqués pour dettes impayées) et remis en cause l'usure qui les engraissait. L'année jubilaire proclamée par Jésus, tout comme beaucoup de ses propos et de ses actions, dérange des gens importants. On se débarrassera donc de lui...

Les chrétiens ont-ils toujours célébré le jubilé ?Non. Les historiens trouvent trace de cette pratique à partir de l'an 1300. L'initiative en revient au petit peuple des croyants et non à la hiérarchie de l'Église. Depuis le 1er janvier 1300, les pèlerins affluaient à Rome pour visiter les corps des apôtres Pierre et Paul en cette année centenaire. Certains vont trouver le pape Boniface VIII et demandent sa bénédiction pour être délivrés de leurs fautes et des peines encourues. "

Le 22 février, il promulgue la première " Année sainte ", le premier jubilé de l'histoire chrétienne. La basilique Saint-Pierre demeurera ouverte, jour et nuit, tout au long de cette année. L'acte officiel déclare l'Année sainte ouverte depuis le jour de Noël précédent ; il montre qu'on fêtera ainsi désormais les centenaires de la naissance de Jésus. Comme l'année jubilaire des juifs revenait aux cinquante ans, le pape Clément VI fixe le second jubilé pour 1450. Par la suite, il sera question de ramener l'intervalle à 33 ans, soit la durée de la vie de Jésus. Au gré des péripéties et des troubles de l'histoire, les jubilés se suivent plus ou moins rapprochés : entre 1800 et 1900, il n'y en a qu'un en 1825 ; entre 1900 et 2000, on trouve 1925 (importance des missions), 1933 (1900 anniversaire de la Rédemption), 1950, 1975 et 1983 (1950e anniversaire de la Rédemption).

Qu'est-ce qui caractérise l'actuel jubilé ? Notons d'abord qu'il est le premier à marquer le passage d'un millénaire à l'autre. Pour les chrétiens, le 2000e anniversaire de Jésus revêt en soi un caractère bien spécial : on n'a pas tous les jours 2000 ans ! Mais cette fête survient au moment où l'humanité parvient à un moment crucial de son développement. D'un côté, les déplacements sont de plus en plus nombreux et rapides ; les frontières disparaissent ; l'information se propage instantanément (Internet) sur toute la planète et les organisations internationales jouent un rôle de plus en plus important. De l'autre, le monde n'a jamais compté autant de pauvres, d'exclus et d'exploités ; l'intégrisme religieux et politique s'avère d'u-ne violence rarement égalée ; enfin les puissances financières n'ont jamais été si puissantes, si voraces... De très graves questions se posent à l'ensemble de l'humanité en raison des stocks d'armes atomiques ou biologiques, des engrenages de la pauvreté, des manipulations génétiques, de la pollution sur la planète et des modifications climatiques résultant de l'effet de serre...

En pareil contexte, le jubilé se veut un temps inédit de grâce et d'appel. L'Église veut proclamer bien haut sa foi en Jésus Christ, modèle d'humanité toujours neuf et actuel, porteur d'un message de Salut universel et d'une espérance qui ne peut décevoir car elle se fonde dans un Dieu Père qui voit en chaque personne son enfant bien-aimé. À la suite du concile Vatican II qui a ouvert ses fenêtres sur le monde et son coeur à l'Esprit, l'Église s'essaye au partage avec les autres confessions chrétiennes et amorce le dialogue interreligieux.

Comment souligne-t-on l'ouverture de l'année jubilaire ?Chez les juifs, l'ouverture de l'année jubilaire se faisait au son d'une trompe fabriquée avec une corne de bélier. Pour eux, le mot jôbêl désignait d'abord le bélier, ensuite sa corne, puis la trompe qu'on en faisait, la musique qu'on en tirait et enfin la fête qu'annonçait celle-ci. On trouve dans ce terme l'origine de notre jubilé ; comme le terme latin jubilum exprimait l'allégresse des bergers, saint Jérôme l'utilisa pour dire jôbêl dans sa traduction latine des livres de la Bible.Pour nous, catholiques romains, l'ouverture de la porte sainte de la basilique Saint-Pierre marque l'entrée en jubilé. Dans la nuit de Noël 1999, Jean-Paul II l'a franchie en montrant " à l'Église et au monde le Saint Évangile, source de vie et d'espérance pour le troisième millénaire qui vient " (Incarnationis mysterium 8). La clôture de l'année sainte surviendra le 6 janvier 2001, jour de l'Épiphanie, quand cette porte sera refermée. Cette porte qu'on dit " sainte " a-t-elle un sens particulier ?De fait ! Jésus a déclaré : " Moi, je suis la porte " (Jn 10, 7) pour dire que personne ne peut accéder au Père sinon par lui. Car, " il n'y a qu'une seule porte qui ouvre toute grande l'entrée dans la vie de communion avec Dieu, et cette porte, c'est Jésus, chemin unique et absolu de salut " (Incarnationis mysterium 8). Dans sa lettre apostolique Au seuil de troisième millénaire, le pape écrivait que cette porte devrait " être symboliquement plus large " que les précédentes car l'humanité, arrivée à ce terme, laissera derrière elle non seulement un siècle mais un millénaire. Il y a là une incitation claire à la conversion, c'est-à-dire à l'accueil de plus en plus inconditionnel de Jésus et au rejet de tout ce qui ne s'accorde pas avec l'Évangile.

La porte sainte est celle de la basilique Saint-Pierre. Doit-on aller jusqu'à Rome pour obtenir les fruits du jubilé ?Pour Jean-Paul II, le Jubilé de l'an 2000 est un événement que l'on célébrera en même temps à Rome et en Terre sainte de façon spéciale, mais également dans toutes les Églises particulières. Dans la nuit de Noël, beaucoup de portes de cathédrales et de lieux de pèlerinage seront " ouvertes " pour montrer aux fidèles que la fête se fait aussi chez eux. Depuis le premier jubilé en l'an 1300, l'indulgence de l'année sainte devait être gagnée à Rome et pas ailleurs. Pour l'an 2000, le Saint-Père a décrété que cette indulgence serait gagnée dans chaque diocèse par la visite des églises désignées par l'évêque du lieu et la récitation des prières indiquées. Pour ces derniers détails, chacun s'informe dans sa paroisse ou auprès de son évêque.

L'indulgence, c'est quoi au juste ? Jean-Paul II répond à cette question dans la bulle d'indiction du grand Jubilé : " L'indulgence est un des éléments constitutifs de l'événement jubilaire. En elle se manifeste la plénitude de la miséricorde du Père, qui vient à la rencontre de tous avec son amour, exprimé avant tout par le pardon des fautes. Ordinairement, Dieu le Père accorde son pardon par le sacrement de Pénitence, ou de la Réconciliation. (...) Le fait d'avoir été réconcilié avec Dieu n'exclut pas qu'il reste certaines conséquences du péché dont il est nécessaire de se purifier. C'est précisément dans ce cadre que prend toute sa valeur l'indulgence, par laquelle est exprimé le " don total de la miséricorde de Dieu ". Par l'indulgence accordée au pécheur repenti, est remise la peine temporelle pour les péchés déjà pardonnés quant à la faute. " (Incarnationis mysterium, 9)

Faut-il entendre que le sacrement du Pardon ne serait pas suffisant pour être lavé de ses fautes ?Qu'elle soit Parole de salut ou Parole de création, la Parole de Dieu est toujours efficace. En effet, le Seigneur ne fait pas les choses à moitié. Toutefois, le sacrement ne tient pas de la magie ; c'est un acte symbolique auquel doit correspondre un acte existentiel, c'est-à-dire un retournement du coeur, un changement de vie effectif. Même après l'accueil du Pardon de Dieu, demeurent en moi des conséquences du péché comme une faiblesse en certaines situations ou un attachement à mon " péché mignon ". Il faut s'en corriger, en être délivré. L'indulgence y pourvoit. On le voit, le défaut (le manque) ne se situe pas du côté de Dieu et du sacrement mais du nôtre et de notre lenteur pour accueillir pleinement la miséricorde et l'amour du Père. Car les pèlerinages à Rome, en Terre sainte ou en quelque sanctuaire n'ont pas d'autre but que de nous faire grandir dans l'amour, d'intensifier notre charité.

Au cours de cette année sainte, qu'est-ce qui est le plus important ?On ne donnerait pas tous la même réponse à une telle question. Mais pour moi, il semble primordial de réactualiser mon adhésion à Jésus, Seigneur et Sauveur, mon accueil inconditionnel de l'Évangile. J'ai aussi à cultiver mon amour de l'Église et mon zèle à mieux faire connaître le Dieu Père tel que révélé par Jésus, non seulement en paroles mais aussi par mes gestes et ma conduite de chaque jour. Le programme s'avère très lourd ; le souffle de l'Esprit répandu en nous, la docilité à ses motions et inspirations le feront paraître léger. Enfin, quand je pars en voyage, je dois monter dans le train, l'avion ou l'autobus pour arriver à destination. Il en va de même pour le Jubilé : entrez dans la fête ; laissez la joie vous envahir. Il importe de la rayonner pour que le monde croie.

Paul-Émile Vignola, ptre

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Dernière mise à jour 31 mars 2000

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