SSP 2000 n.2 La descente de Jésus aux enfers Paul-Émile Vignola


La descente de Jésus aux enfers
Paul-Émile Vignola


Le Salut est advenu jusqu'à nous en Jésus ! En cette année jubilaire, nous célébrons deux mille ans de Bonne Nouvelle. Or, la grâce de la Rédemption n'a pas seulement bénéficié à ceux qui ont connu Jésus de son vivant ou qui ont été rejoints par la prédication ou le témoignage de ses disciples. Jésus ayant expiré en croix, son âme descend au séjour des morts, là où sont confinés tous les justes qui ont vécu depuis Adam et Ève jusqu'à Jean le Baptiste.

La prière du Credo nous conduit à évoquer régulièrement cet événement mystérieux de la descente de Jésus aux enfers. Les événements de la passion, de la mise en croix et de la mort du Sauveur sont revécus avec douleur le Vendredi saint. Le Samedi saint fait place à un grand silence, à un temps vide où nous sommes un peu gênés, décontenancés ; encore sonnés de la violence de la crucifixion, nous attendons le moment où le Christ jaillira éclatant du tombeau. Or, ce temps n'est pas vide car Dieu est toujours à l'œuvre : " Mon Père travaille continuellement et moi je suis aussi à l'œuvre " (Jn 5, 17) nous dit Jésus.

Le Verbe, le Fils de Dieu s'est fait chair pour nous racheter et pour vaincre les forces du mal et de la mort. Pour en finir avec celles-là, il fallait qu'il parvienne au cœur de leur empire, qu'il accède au séjour des trépassés qu'on appelait " le shéol " chez les juifs, " l'hadès " chez les grecs et " les enfers " chez les latins. Arrivé là, Jésus proclame que les temps sont accomplis. Toujours animé de l'Esprit qui l'a investi de sa mission de Messie, " il est même allé prêcher aux esprits emprisonnés " (1 P 3, 19) ; " la Bonne Nouvelle a été annoncée aussi aux morts " (1 P 4, 6). Il sonne le réveil général de tous les justes qui l'ont précédé.

Nos frères chrétiens d'Orient se refusent à représenter Jésus sortant du tombeau le matin de Pâques, mais ils vénèrent l'icône de la descente aux enfers qu'on désigne aussi comme celle de la Résurrection ou du Radieux Relèvement. Cette image sainte, synthèse visuelle du mystère pascal, peut alimenter généreusement notre contemplation ou inspirer nos catéchèses.

Jésus apparaît aux enfers non pas comme un des captifs mais comme le Vainqueur, le Libérateur de ceux qui y étaient emprisonnés, non pas comme un esclave, mais comme le Maître de la Vie. Jaillissant comme la lumière dans le gouffre de la mort, Jésus a brisé les portes de l'enfer qui reposent maintenant, en forme de croix, sous ses pieds au milieu de débris épars : clous, gonds, verrous, chaînes... D'une main, le Christ arrache Adam aux enfers. C'est la rencontre bouleversante des deux Adams, non plus dans l'abaissement du Nouvel Adam, mais dans la glorification de l'ancien. Cette rencontre scelle le rétablissement du lien de l'humanité avec la source de sa vie. De l'autre main, Jésus relève la Mère des vivants, Ève, dont les enfants sont désormais emportés dans la résurrection du Sauveur. Par sa descente aux enfers, Jésus libère toute l'humanité du vieil esclavage et pose les fondations d'une humanité renaissante.

Un Père de L'Église, Épiphane de Salamine, nous a laissé une admirable homélie pour le Grand Samedi. Ce texte inspiré n'a pas vieilli ; en voici de larges extraits :

" Que se passe-t-il ? Aujourd'hui, grand silence sur la terre, grand silence, et ensuite solitude parce que le Roi sommeille.

" La terre a tremblé et s'est apaisée, parce que Dieu s'est endormi dans la chair, et il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines. Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s'est mis à trembler.

" C'est le premier homme qu'il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Oui, c'est vers Adam captif, en même temps que vers Ève, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec Lui, pour les délivrer de leurs douleurs.

" ...Le premier homme se frappant la poitrine dans sa stupeur s'écria vers tous les autres : " Mon Seigneur avec nous tous ! " Le Christ répondit à Adam : " Et avec ton esprit. " Il le prend par la main et le relève en disant : " Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera. C'est moi ton Dieu, qui, pour toi, suis devenu ton fils ; c'est moi qui, pour toi et tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à tous ceux qui sont dans les ténèbres : Soyez illuminés ; à ceux qui sont endormis : Relevez-vous !

" Je te l'ordonne, éveille-toi, ô toi qui dors ; je ne t'ai pas créé pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d'entre les morts : moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains ; lève-toi, mon semblable qui a été créé à mon image. Éveille-toi, sortons d'ici.

" C'est pour toi que moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; c'est pour toi que moi, le Maître, j'ai pris la forme d'esclave ; c'est pour toi que moi qui domine les cieux, je suis venu sur terre et au-dessous de la terre ; c'est pour toi, l'homme, que je suis devenu comme un homme abandonné, libre entre les morts ; c'est pour toi qui es sorti du jardin, que j'ai été livré aux Juifs dans un jardin, et que j'ai été crucifié dans un jardin.

" Je me suis endormi sur la croix, et la lance a pénétré dans mon côté, à cause de toi qui t'es endormi dans le paradis, et, de ton côté, tu as donné naissance à Ève. Mon côté a guéri la douleur de ton côté ; mon sommeil va te tirer du sommeil des enfers. Ma lance a arrêté la lance qui se tournait vers toi. Lève-toi, partons d'ici. L'ennemi t'a fait sortir de la terre du paradis ; moi, je ne t'installerai plus dans le paradis, mais sur mon trône céleste. Je t'ai écarté de l'arbre symbolique de la vie, mais voici que moi, je suis la vie, je ne fais qu'un avec toi. "

Comment ne pas entrer dans la louange et l'action de grâces devant pareil mystère mis en lumière par ce court article du Credo ! Toujours avec nos frères d'Orient, nous pouvons chanter : " Par ta passion, ô Christ, tu nous as libérés de nos passions ; par ta résurrection, Tu nous rachètes de la mort. " En ce jour, en effet, l'enfer s'écrie en gémissant :

" Il eût mieux valu que je ne reçoive pas le Fils de Marie car, en pénétrant dans mon domaine, Il a détruit mon pouvoir, Il a brisé les portes d'airain, et ces âmes que je tenais captives, Il les a ressuscitées, car Il est Dieu.

" Mon pouvoir est aboli ; j'ai reçu un mortel semblable à tous les morts, mais je ne puis le retenir : il me dépouille de tous mes sujets, il ressuscite ceux que depuis des siècles, je retenais captifs.

" Mon empire est effondré ; le Pasteur crucifié a relevé Adam ; je suis privé de mes sujets ; je dois rendre ceux que, de force, j'avais pris ; le Crucifié a vidé les tombeaux ; l'empire de la mort s'est écroulé. "

Nous glorifions, Seigneur, ta Croix et ta Résurrection. Victoire ! Baptisés, nous avons déjà pris part à ce mystère selon l'enseignement de saint Paul : " Nous avons donc été ensevelis avec le Christ par le baptême dans la mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions, nous aussi, dans une vie nouvelle " (Rm 6, 4). Lorsqu'on l'administre par immersion, cette signification du baptême saute aux yeux : il se présente comme une très réelle descente avec le Christ dans la mort, une descente aux enfers.

Gloire au Vivant ! Vive le Ressuscité ! Il a brisé les portes de la mort et nous entraîne sur les voies de la Vie, dans la dynamique de l'Esprit, vers le Père. Jubilez ! Dansez de joie ! Alléluia !



L'abbé Paul-Émile Vignola est répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de Rimouski. Il est aussi membre du Comité de rédaction de Selon Sa Parole.



Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 26 numéro 2


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Dernière mise à jour 30 mai 2000

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