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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole 15 février 1999 vol. 25 numéro 2

DOSSIER: Savoir bien vieillir
COMMENT VIVRE SA RETRAITE?
Valéry VIENNEAU

Au cours des dernières décennies, l'âge de la retraite est devenu de plus en plus précoce et la vie d'un/e retraité/e, de plus en plus longue. De nos jours, il est commun de se retirer assez jeune, même à l'âge de 55 ans et moins. Si la personne vit jusqu'à 80 ans, elle aura passé presque le tiers de sa vie en retraite. Alors, avec tous ces développements, comment voyons-nous cette tranche de vie qu'on appelle la retraite et quel est le rôle des retraités/es dans la société? Cela dépend de notre vision de la vie. Ceux et celles pour qui le travail égale pouvoir et influence voient dans la retraite une dévalorisation sociale et prennent tous les moyens pour faire reculer cette échéance. Par contre, ceux et celles qui voyaient la vieillesse comme faisant partie destin normal de la personne humaine reconnaissent les plus âgés/es comme étant utiles, indispensables au bon fonctionnement de la société, ayant droit jusqu'au bout de leur vie à une place reconnue.

Sur le plan économique, les gens à la retraite ne sont que des "consommateurs" en ce sens qu'ils sont retirés des lignes de production, mais il reste qu'ils peuvent fort bien être des "producteurs" sur le plan spirituel. "Des producteurs de charité fraternelle, de communion entre les êtres, des moteurs qui entraînent l'humanité vers sa transfiguration totale afin que Dieu (c'est-à-dire l'Amour) soit Tout en tous" (Françoise Derkenne Le temps de la bienveillance, Éditions Médialogue, Paris, 1987, p. 8). Après tout, ces gens ont atteint une sagesse qui se manifeste par une sérénité, une paix intérieure et une capacité d'amour.

RÔLE DES PERSONNES ÂGÉES

Les gens à la retraite ont ainsi un rôle particulier à jouer au niveau des rapports entre les personnes. Entretenir entre les humains des "rapports de compréhension, de bienveillance, d'entraide, n'est-ce pas aussi utile, encore plus nécessaire pour les rendre heureux que tous les progrès de la science et de la technique?... Il faut si peu de levain pour faire lever une pâte, pourquoi les personnes âgées ne seraient-elles pas ce levain?" (Françoise Derkenne, p. 9). Comment être ce levain dans la pâte, producteur de charité fraternelle, de communion fraternelle? Pour nous guider dans cette partie, nous nous servirons d'une phrase de saint Paul dans la deuxième épître aux Corinthiens: "Si, en nous l'homme extérieur va vers sa ruine, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour" (2 Co 4,16).

L'HOMME EXTÉRIEUR VA VERS SA RUINE

Les gens âgés sont très conscients de cette réalité dans leur vie telle qu'exprimée par saint Paul: "l'homme extérieur va vers sa ruine." Plusieurs ont peur à mesure qu'ils voient la mort approcher: peur des déchéances physiques et intellectuelles; peur de n'être plus capables de rien faire par eux-mêmes, de ne plus être utiles, d'être à la charge des autres; peur du foyer de retraite. de l'ennui, d'être laissés de côté, de manquer du nécessaire; et enfin, peur de la mort. Toutes ces peurs ne se réalisent pas avec la même intensité chez toutes les personnes âgées. Cependant, elles seront expérimentées plus ou moins vite, selon les personnes, des diminutions des forces physiques et des capacités intellectuelles.

Face à ces diminutions, il y a toute une gamme d'attitudes possibles. L'attitude qu'il faut avoir, c'est de lutter contre toutes ces diminutions physiques et intellectuelles. Cette lutte doit être menée par amour pour soi-même, par amour pour les autres qui nous entourent et par amour de Dieu, car la vie est un don qu'on a reçu de Dieu et que chacun se doit d'entretenir.
L'HOMME INTÉRIEUR SE RENOUVELLE DE JOUR EN JOUR

En vieillissant, il faut nous convaincre que nous pouvons être utiles aux autres, non seulement par ce que nous faisons pour eux, mais surtout ce que nous sommes pour eux. En face du prochain, il faut poser non seulement la question: "Que veux-tu que je fasse pour toi?" mais surtout la question: "Qui veux-tu que je sois pour toi?" C'est davantage au niveau de l'être que la personne âgée est présente au monde autour d'elle et qu'elle travaille à la transformation du monde qui l'entoure... Quand la personne ne peut plus faire grand chose pour les autres, au sens habituel du mot, comment peut-elle être active pour faire régner le monde de la communion fraternelle? C'est en vivant davantage selon les vraies valeurs spirituelles. De façon concrète, cela se fait au plan de l'accueil, du regard et de l'écoute. Un petit mot sur chacun de ces thèmes.

NOTRE ACCUEIL

Tant que nous sommes dans l'activité, nous n'avons pas souvent le temps des relations gratuites: le temps d'accueillir, le temps d'écouter et de visiter. Mais au moment la retraite, c'est le temps de la gratuité. Peu importe le motif de la rencontre, que ce soit pour rendre un service ou pour en recevoir un, notre manière d'être, l'expression de notre visage doivent faire sentir à l'autre que nous sommes heureux de cette rencontre. Pour se sentir accueilli, l'autre doit se sentir aimé. De notre côté, il faut être persuadé que l'autre peut toujours nous apporter quelque chose et que l'on peut toujours apporter quelque chose à l'autre, même si nous sommes plus âgés. Ainsi, on crée des rapports de fraternité qui peuvent être vécus avec beaucoup de profondeur et d'intensité.

NOTRE REGARD

Avec l'âge, notre vue diminue, mais le plus important pour bien vieillir, ce n'est pas l'acuité de notre vue, mais c'est la qualité de notre regard et la qualité des sentiments qui l'animent. Notre regard révèle l'état de notre coeur: il y a des regards de colère, de mépris, de haine qui font du mal l'autre; il y a des regards de compassion, d'admiration, de tendresse, de bienveillance qui font du bien à la fois à l'autre et à nous-mêmes. Nous sommes ici tous bien sensibles à la manière dont les autres nous regardent. Il ne faudrait pas oublier que les autres aussi sont bien sensibles à la manière dont nous les regardons. Pour avoir le sentiment d'exister, chacun de nous a besoin d'être regardé par les autres. En vieillissant, nous ne pouvons pas changer la couleur de nos yeux... mais peut-être pouvons-nous améliorer la qualité de notre regard? Moins pressés par le temps nous avons le loisir d'arrêter un regard chargé d'amour sur les autres. Sorti du travail professionnel on est sorti de la lutte, de la méfiance, de la rivalité: alors c'est plus facile de regarder les autres avec sympathie.

Pour changer son regard, il faut changer son coeur. Pour nous aider, nous pouvons contempler le modèle par excellence: le Christ Jésus qui a un regard de bonté qui transforme. Nous n'avons qu'à penser aux effets du regard de Jésus sur Zachée, la Samaritaine, sur ses disciples. Comme chrétiens, nous avons à approcher toute personne avec le plus grand respect et nous avons à porter sur les autres un regard plein d'amour, de miséricorde et de tendresse.

NOTRE ÉCOUTE

En vieillissant, nous perdons tous plus ou moins notre capacité auditive. Par contre, nous avons plus de temps pour apprécier et comprendre en profondeur ce que les autres veulent nous partager. Savoir écouter, c'est être capable de nous détacher de nos préoccupations personnelles pour nous arrêter et suivre en profondeur ce que l'autre nous partage. Écouter, c'est partager le vécu de l'autre. Mais il est important de faire un pas de plus et savoir aussi écouter "l'autre", le "tout-autre". Dieu, nous ne pouvons pas le voir. mais nous pouvons l'écouter. Il parle de différentes manières, mais surtout par les Saintes Écritures. S'il nous parle, sans doute lui aussi comme nous, Il désire être écouté. Plus nous l'écouterons, lui qui est la source de tout amour, plus nous serons amenés à devenir de vrais agents/es de la communion fraternelle. À partir du moment de la retraite, nous avons davantage le temps de lire des ouvrages religieux d'assister à des sessions, etc.

CONCLUSION

De nos jours, on peut facilement avoir une longue retraite. Il devient donc important de se préparer à "bien vieillir" afin de s'assurer que ces années soient épanouissantes et riches, à la fois pour la personne à la retraite et pour les autres autour d'elle. Malgré les diminutions physiques et intellectuelles, il est possible pour les gens âgés de se renouveler intérieurement de jour en jour de devenir des artisans de communion fraternelle et de travailler au renouvellement de notre monde. De façon concrète, tout cela se vit au niveau de l'accueil des autres, du regard que l'on porte sur les autres et de l'écoute de nos frères et soeurs. Le pape Jean-Paul II disait aux gens âgés: "Vous êtes un trésor pour l'Église, vous êtes une bénédiction pour le monde."

Terminons notre réflexion avec une comparaison de Françoise Derkenne: "un meuble ancien peut être moins fonctionnel qu'un meuble neuf et perdre à ce point de vue un peu de son utilité, et pourtant il peut avoir beaucoup de prix: certains vins eux aussi gagnent en vieillissant: pourquoi n'en serait-il pas de même pour les humains?" (p. 9). Il en sera ainsi si nous savons bien vieillir. -
Note d'auteur

Le Père Valéry Vienneau est vicaire général de l'archidiocèse de Moncton au Nouveau-Brunswick. Il est aussi curé de la paroisse Notre-Dame de l'Acadie et donne de nombreuses conférences à des auditoires variés au Nouveau-Brunswick.

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Dernière mise à jour 18 février 1999

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