REPERES

Deux articles des plus intéressants l'un sur l'expérience de la beauté par Ronald Young, notre graphiste, Il est marié et père de trois enfants. Il habite Ste-Foy (Québec). Depuis plusieurs années, il fait régulièrement la conception graphique de la Revue Selon Sa Parole. Le second sur les chemins de la beauté: la Clarté-Dieu par Pierre Loiselle de la Clarté-Dieu. Pierre Loiselle est marié et habite Saint-Nicolas (Québec). Il a participé à quelques activités de la Clarté-Dieu. Il est secrétaire du Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. A titre d'artiste, il témoigne de l'importance d'un ministère qui soit porteur d'une espérance, d'une charité , d'une beauté et d'une sagesse pour les hommes et les femmes de ce temps.

L'EXPÉRIENCE DE LA BEAUTÉ

Ronald Young

Il y a des moments où mon épouse et moi, nous regardons les enfants et nous les trouvons beaux. Orgueil de parents direz-vous. Cela ne dépend pas du fait qu'ils soient objectivement beaux ou non. A nos yeux, ils le sont à cause de l'amour que nous avons pour eux. Pendant ces moments le temps s'arrête. Nous vivons un court instant de contemplation... Alors, ce ne sont ni leurs chicanes, ni leurs "traîneries" ou leurs petites malices qui ressortent. C'est plutôt le cadeau qu'ils représentent dans nos vies. Toutes les contraintes que leur présence nous impose laissent place à un sentiment de plénitude qui dure au-delà du temps de réflexion. Ces moments nous font apprécier la richesse de vivre avec des enfants. L'instant d'après, le rythme de la vie reprend son cours.

Faire l'expérience de la beauté, c'est vivre un moment de plénitude. C'est vivre un temps privilégié qui vient rompre le quotidien. Nous ne réagissons pas tous de la même façon face à telle manifestation de la beauté. Pour des parents ce sera leurs enfants, pour d'autres ce peut-être la nature dans ses manifestations, pour d'autres encore, la générosité d'un geste, la richesse d'une réflexion ou encore l'harmonie d'une oeuvre d'art. Peu importe la cause de cette expérience, celle-ci provoque en nous le même sentiment de bien-être. Et quand nous la relions à la manifestation de Dieu dans nos vies, la beauté nous fait entrer en communion intime avec Dieu, avec celui qui est source de toute beauté.

LA BEAUTÉ

Notre éducation, notre milieu de vie, la formation de nos goûts nous rendent sensibles à des expressions différentes de la beauté. Cependant faire l'expérience de la beauté est une expérience que nos avons tous en commun. Le philosophe chrétien Thomas de Koninck nous décrit, dans un article sur la beauté, la raison pour laquelle celle-ci nous attire tant. Il nous dit: "Pourquoi nous aimons la beauté, au lieu de simplement la contempler ou même la désirer? Parce qu'elle manifeste Dieu, et que nous sommes ordonnés à l'amour de Dieu" (Pour l'amour de la beauté, Communio no VII, novembre-décembre 1992). Nous reconnaissons, nous qui sommes chrétiens, que la beauté est une manifestation privilégiée de l'amour de Dieu.

LA JOIE ET LA BEAUTÉ

La joie accompagne l'expérience de la beauté. Celle-ci vient du fait que nous expérimentons un sentiment de plénitude. Trop souvent la vie nous fait expérimenter la brisure, le manque, l'absence, la finitude, dirait le philosophe Paul Ricoeur. Nous en gardons souvent un sentiment de tristesse. A l'opposé, l'expérience de la beauté nous met en contact avec cette dimension de nous-mêmes qui aspire à la plénitude, à l'éternité. Cette découverte suscite en nous la joie. Faire l'expérience de la beauté aura illuminé un temps notre expérience du contingent, de ce qui est limité, imparfait, pas complètement satisfaisant. Parfois la nostalgie s'installe après que nous ayons vécu cette expérience. Cette vision trop brève ne nous comble pas complètement. Ce qui nous comblera vraiment, c'est cette vision totale, complète que nous aurons de notre Dieu dans l'éternité.

LE REGARD SUR LA BEAUTÉ

La beauté se regarde avec tout son être. Il y a bien une beauté qui se découvre avec les yeux: une oeuvre d'art inspirante, un spectacle, un beau visage, une vue magnifique sur un paysage. Pour ces expériences de la beauté nous parlons d'une vision puisque c'est le sens de la vue qui nous apporte la majorité des connaissances du monde.

Il y a aussi la beauté qui surgit des sons: une prose qui émeut, une pièce musicale qui nous saisit, le chant d'un artiste. Voir est plus que la perception issue de la vue. Cela fait référence aussi à l'expérience que nous faisons avec l'esprit, avec l'intelligence, les émotions que nous ressentons dans notre corps.

Regarder n'implique donc pas seulement le regard: c'est investir tout son être, se laisser attirer par le spectacle qui s'offre à soi. Regarder implique les yeux de l'âme. En effet, comment découvrir la beauté dans la bonté d'un coeur, dans l'intention du coeur, dans des petites choses qui font du bien?

Souvent c'est par le regard de l'autre que nous entrons en contact avec la beauté. L'autre jour, Raphaël, le plus jeune de mes enfants, était en contemplation devant la neige qui tombait. Quant à moi, plutôt harassé par deux heures de pelletage pour dégager l'entrée de la maison, je voyais cette masse blanche davantage comme un obstacle que comme qu'un objet de contemplation. Ce regard émerveillé sur cette manne blanche fit changer mon regard. Je redécouvrais la neige si généreuse, ce don que Dieu nous prodiguait avec tant de largesse. Je ne pouvais pas lire tout ce qui se cachait derrière la vision de Raphaël mais je partageais pourtant sa joie devant le spectacle de la neige qui tombait.

L'EXPÉRIENCE SPIRITUELLE DE LA BEAUTÉ

Admirer la beauté qui nous entoure, c'est adopter le regard de Dieu sur sa création. "Et Dieu vit que cela était bon." Bon veut dire bien fait, qui correspond à la finalité que lui destinait le Créateur. Puisque Dieu crée par amour, sa bonté est inscrite dans la beauté. Faire l'expérience de la beauté nous met sur la piste de Dieu. Contempler un coucher de soleil nous ramène à la sagesse de Dieu qui crée toutes choses pour une fin particulière: "Tu aimes en effet tout ce qui existe, car si tu avais haï quelque chose, tu ne l'aurais pas formé. Et comment aurait-elle subsisté, si tu ne l'avais voulue? Ou comment ce que tu n'aurais pas appelé aurait-il été conservé? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître amie de la vie!" (Sg 11,24-26).

Mais la beauté véritable ne se laisse voir qu'avec les yeux de l'esprit. "Je vous enverrai mon Esprit. Il vous enseignera tout", dit Jésus au moment de quitter ses disciples. L'expérience de la beauté nous révèle la présence de Dieu. Elle en est la manifestation. L'Esprit nous fait ressentir l'amour de Dieu, qui se manifeste par lui. Par lui se manifeste la beauté de Dieu, son oeuvre d'amour. Dans la prière nous faisons l'expérience de la beauté. La contemplation d'un texte de la Parole, la prière harmonisée en assemblée nous font vivre une expérience de beauté. Qui n'a pas ressenti une joie profonde à l'écoute d'une Parole de Dieu qui le rejoint profondément dans son expérience spirituelle? Qui ne s'est pas extasié devant la sagesse des chemins de Dieu dans sa vie? Qui n'a pas ressenti comme une grâce un moment fort vécu en communauté?

Des saintes et des saints comme saint Jean de la Croix ont traduit leur expérience spirituelle par des voies artistiques dans des formes qui expriment la beauté. Pour elles et pour eux, c'était une façon de tenter d'exprimer l'expérience extrêmement intense qu'ils faisaient de l'amour de Dieu. Tout ce qu'ils vivaient s'apparentait à la beauté. Et nous, nous pouvons puiser dans la richesse de la Parole de Dieu, dans l'héritage précieux laissé par ces hommes et ces femmes de Dieu pour enrichir notre propre sens spirituel de la beauté. Pour moi, un de ces textes forts de la Bible est le Cantique des Cantiques. Il exprime dans le dialogue d'un amoureux et d'une amoureuse toute la beauté de la relation entre l'âme et Dieu.

LA BEAUTÉ DE DIEU

Dieu, personne ne l'a vu, sinon le Fils. Il est le plus grand signe qui nous a été donné que Dieu est avec nous. Dieu, nous ne pouvons le contempler, mais nous pouvons contempler les signes de sa présence. La beauté en est la manifestation: la beauté d'un geste, la beauté de la nature, la beauté d'une prière, la beauté d'une personne, la beauté d'une oeuvre d'art.

Toutes ces manifestations nous mettent en communion avec Dieu. Et ces manifestations nous conduisent à la vraie expérience de la beauté: le coeur à coeur que notre âme peut entretenir avec son Seigneur.

NOTE D'AUTEUR

Ronald Young est marié et père de trois enfants. Il habite Ste-Foy (Québec). Depuis plusieurs années, il fait régulièrement la conception graphique de la Revue Selon Sa Parole.

LE CHEMIN DE LA BEAUTÉ

LA VOIE DE CLARTÉ-DIEU

Pierre Loiselle

En apposant au mot chemin un terme aussi abstrait que le mot "beauté", une réalité tellement immédiatement saisissable dans l'expérience de vie de toute personne, on ne fait qu'effleurer au passage une manifestation de cette mystérieuse osmose s'opérant dans la vie de personnes solidement enracinées dans leur terreau tout en étant aspirées par un puissant souffle spirituel. Oui, ces humains que nous sommes cherchent tous à son rythme et à sa façon, une direction pour conduire sa vie à bon port.

L'INTUITION DE LA VIE

Dans cette perspective, la reconnaissance de la beauté représente une étape importante dans la voie de la quête de sens. On reconnaît facilement à la beauté la faculté d'animer, d'émouvoir, d'émerveiller les gens. Il s'agit d'une expérience intérieure, individuelle, dont l'intensité varie d'une personne à l'autre, mais dont l'efficacité demeure commune. Qui n'a ressenti comme une vibration profonde, qui n'a été transporté un jour dans une forme d'extase, au contact de ses sens avec la beauté? Ainsi, certaines personnes seront sensibles à tel objet, d'autres à telles couleurs, à telle odeur, à telle forme, à tels sons ou à tel paysage. D'autres ressentiront une vive émotion à l'écoute de mots ou des musiques alors que leurs voisins se verront bouleversés par la qualité de tels sentiments, de tels gestes individuels ou collectifs, de telle cause sociale. Bref, au contact de ces beautés diversifiées, la femme, l'homme se sentiront transformés à tel point que consciemment ou non, ils chercheront à perpétuer, à accentuer, voire à renouveler cette extraordinaire expérience. La beauté guidera leurs pas sur les chemins de la vie.

Les artistes, ces hommes et ces femmes dont les sensibilités vibrent aux accents des émotions qui les habitent, ont la chance, parce qu'ils côtoient fréquemment et assidûment la beauté, de trouver en elle une raison suffisante pour mener à bien leur vie. Ils y puisent le réconfort dans les détresses et l'illumination dans les jours heureux. Ainsi, les artistes s'avèrent précieux dans un monde trop souvent distrait, obstinément rivé à des intérêts et à des préoccupations immédiates et bassement matérielles.

TÉMOIGNER DE LA VIE

Parce que son âme s'émeut peut-être plus simplement de la vie, l'artiste, dans son acte de création, se dit à lui-même, et au monde autour de lui, qu'il existe une réalité qui dépasse les apparences saisissables. L'artiste témoigne alors de valeurs essentielles à la vie humaine en dévoilant une beauté fondamentale qui réveille les torpeurs, apaise les tensions et réjouit les coeurs. L'artiste, en exprimant divers visages de la beauté, fait appel à la noblesse du coeur et au discernement de l'intelligence pour que la communauté des humains parvienne, par delà la diversité des opinions et des perceptions, à plus de générosité et de dialogue.

Cette beauté du monde doit être dite, rappelée avec insistance, démontrée inlassablement. L'oeuvre d'art devient un événement suscitant la rencontre, un temps de paix, une fête du coeur et de l'esprit, un appel à la solidarité dans la conviction que le monde est beau en dépit de certaines apparences.

DIEU EN FILIGRANE

Ce chemin de la beauté conduit donc les hommes et les femmes à l'essentiel, à ce qui donne sens à la vie de tous les jours, à la vie tout court. De là il n'y a qu'un pas pour nommer "l'Invisible", celui par qui tout est dit et tout est fait. L'artiste participe alors, à sa façon, à la mission créatrice et salvatrice de Dieu, sur le chemin de la beauté.

Ce pas à franchir mérite toutefois un effort considérable puisqu'il s'agit d'un saut dans le grand vide de l'inconnu et de l'inaccessible, par la foi. Cette démarche de rencontre et d'épanouissement de l'artiste avec son Seigneur dans l'oeuvre de sa vie peut-être soutenue, guidée et stimulée grâce à ce repère, ce chemin qui est l'Église. Au nombre des témoins dont le rôle consiste à révéler Dieu dans la vie des hommes et des femmes de ce temps, la Clarté-Dieu relève le défi d'une mission bien particulière.

LA CLARTÉ-DIEU

En 1994, un prêtre du diocèse d Québec, l'abbé Roger Chabot, constate autour de lui un immense besoin chez des femmes et des hommes de partager leurs expériences et d'exprimer leurs questions relativement à la vie spirituelle ou à la foi. Profondément ému par la démarche pédagogique de Jésus dans sa relation avec les disciples d'Emmaüs, l'abbé Roger Chabot, lui-même un artiste, chemine avec ceux et celles qui à quelque degré que ce soit, lui demandent un conseil, un appui, ou tout simplement une oreille bienveillante. Cette préoccupation pour les artistes en quête de la signification profonde de la vie, qu'ils expriment par ailleurs avec une singulière profusion de moyens, devient la voie par laquelle l'abbé Chabot choisit de témoigner de l'Évangile. Ainsi naît la Clarté-Dieu.

Depuis 1996, l'abbé Chabot préside aux destinées de la Clarté-Dieu depuis ses locaux situés sous le toit du Centre des services diocésains, à Québec. De là, avec l'aide et le support de personnes qui partagent sa confiance en la pertinence de cette oeuvre, il organise des retraites, des conférences, des expositions; il visite des artistes dans leur atelier, leur consacre du temps et leur démontre de l'intérêt pour leur oeuvre et surtout pour la vie. Avec le courage et la conviction d'un âme sensible aux besoins de ses frères et de ses soeurs et aux voies qu'emprunte le Seigneur pour exprimer sa vie aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui, l'abbé Chabot et la Clarté-Dieu cheminent sur des voies inédites sous la mouvance de l'Esprit.

Comment, dans ce cas, décrire la Clarté-Dieu? Ne pouvant prétendre être à l'origine d'un mouvement ni d'une institution, l'abbé Chabot répondra qu'il s'agit d'un "dynamisme". Comment peut-il en être autrement, d'ailleurs, lorsqu'il devient aussi évident que tant d'hommes et de femmes lui expriment quotidiennement leur soif d'une Parole qui les apaise, les réconforte et guide leur motivation à poursuivre l'oeuvre de leur vie. Preuve de pertinence, de sa valeur et de sa nécessité, la Clarté-Dieu ne cesse de rassembler des personnes qui se proposent, avec l'abbé Chabot, de mettre l'épaule à la roue. Voilà une façon bien réelle de proclamer la beauté de "l'Invisible" sur les chemins d'aujourd'hui.

NOTE D'AUTEUR

Pierre Loiselle est marié et habite Saint-Nicolas (Québec). Il a participé à quelques activités de la Clarté-Dieu. Il est secrétaire du Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. A titre d'artiste, il témoigne de l'importance d'un ministère qui soit porteur d'une espérance, d'une charité , d'une beauté et d'une sagesse pour les hommes et les femmes de ce temps.

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