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Selon Sa Parole 15 octobre 1998 vol. 24 numéro 8

Rencontre avec Mgr Albert-Marie de Monléon, o.p., évêque de Pamiers

Au cours du Congrès des mouvements ecclésiaux et nouvelles communautés (27/29 mai 98) qui a précédé la grande rencontre de vigile de Pentecôte où le Saint-Père avait invité tous les mouvements à se rassembler (cf. liste p. 13), vous êtes intervenu sur le thème: les mouvements, lieux d'une humanité transfigurée. Qu'entendez-vous par là?

Une des caractéristiques communes à tous les mouvement ecclésiaux est d'amener leurs membres à une rencontre personnelle avec le Christ, source de vie nouvelle. Cette rencontre a un retentissement sur la personne et se perçoit jusque sur son visage. Comme le dit le psaume 34,6, "Qui regarde vers lui resplendira!" Cette rencontre conduit à une transformation de la personne et de sa vie qui s'origine dans un certain nombre de réalités du mystère du salut. Le baptême et les sacrements sont redécouverts comme sources de grâces, la rencontre du Christ fait désirer la rencontre des frères et reconnaître en tout homme l'image de Dieu... Cette vie nouvelle se traduit également par le désir de vivre plus profondément l'Évangile.

L'humanité transfigurée passe par la croix, la croix du Christ d'abord puisque la Transfiguration du Seigneur au mont Thabor est le commencement de "son exode" vers sa Pâque. D'autre part, nos propres épreuves vous rendent plus sensibles au mystère du mal dans le monde et plus compatissants à l'égard de ceux qui en subissent les conséquences, ceux qui sont meurtris, blessés...

Cette transfiguration nous est donnée par le Saint-Esprit. C'est lui qui nous attire au Christ et nous donne de rayonner de sa vie.

- Dans la semaine qui précédait la Pentecôte et la rencontre du pape avec les mouvements et nouvelles communautés, est sorti votre dernier livre intitulé Rendez témoignage. Le Renouveau charismatique catholique. Pourquoi un tel livre au moment où le Renouveau dans l'Esprit est de plus en plus reconnu comme un mouvement important dans l'Église?

Ce livre, préfacé par le cardinal Lustiger, est une réflexion théologique et pastorale sur le Renouveau charismatique, situé, à partir des textes de l'Église, dans la floraison des mouvements et communautés nouvelles qui ont accompagné le concile Vatican II. J'y ai ajouté tous les documents des papes Paul VI et Jean-Paul II concernant le Renouveau.

A la suite de Paul VI, le pape Jean-Paul a vu dans "l'émergence du renouveau qui a suivi le concile Vatican II un don spécial de l'Esprit Saint à l'Église" (Jean-Paul II, 14 mars 1992).

Le coeur du livre est de montrer qu'aux sources du Renouveau se trouve l'appel universel à la sainteté, non pas d'abord comme une ascèse morale mais comme une appartenance totale à Dieu de tout son coeur et de toute sa personne.

- En quoi une telle réflexion théologique est-elle nécessaire aujourd'hui?

La réflexion vise à mieux comprendre la nature de l'expérience vécue dans le Renouveau et à voir comment elle s'insère dans la Tradition catholique. Une meilleure compréhension permet aussi une plus grande docilité à la grâce de Dieu.

L'expérience fondamentale du Renouveau est l'effusion de l'Esprit. Elle se traduit par une rencontre vivante du Christ Seigneur, une expérience concrète de la compassion et de l'amour du Père, un goût renouvelé de l'Écriture. Elle fait redécouvrir la prière, la louange, la nécessité de l'évangélisation... Même si chacun vit différemment cette expérience, on constate que tous ont le sentiment qu'une lumière nouvelle s'est levée pour eux. Tous découvrent d'une manière ou d'une autre, un appel au témoignage du Christ vivant, à l'exercice des charismes comme mise à la disposition de l'Esprit saint qui se manifeste pour le bien de tous (cf. 1 Co 12,7). C'est donc cette expérience spirituelle qu'il fallait comprendre à la lumière de la Tradition spirituelle de l'Église et par là, donner également des critères de discernement, car il ne faut pas se fier à tout esprit...

- L'insistance que l'on fait dans le Renouveau sur l'expérience ne comporte-t-elle justement pas le danger d'une subjectivité et d'une affectivité qui s'autoproclament leur propre norme?

Ce danger est réel mais il ne faut pas l'exagérer. Toute réalité quelle qu'elle soit comporte des dangers et l'on peut tout détourner de son sens, mais on ne ferait plus rien à énumérer tous les dangers qu'il y a à traverser une rue ou à faire chauffer son café. En toute chose, il est nécessaire de recourir à la régulation du bon sens et de la mesure. Dans notre cas, comme dans toutes les réalités spirituelles, la régulation vient de l'Évangile et de la foi de l'Église. Il s'agit d'établir des principes objectifs qui n'éteignent pas l'expérience authentique mais lui permet de s'approfondir. IL n'y a pas d'oppositions entre la dimension subjective de toute expérience vraie et son contenu objectif, au contraire, ils s'appellent l'un l'autre.

Et puis, ne tombons pas dans un autre danger qui serait d'éteindre les charismes par excès de prudence au moment même où le pape Jean-Paul II, dans son discours de la veille de la Pentecôte, nous a encouragés à les exercer.

En réfléchissant sur ce qui se vit dans le Renouveau depuis des années et sur la Tradition spirituelle de l'Église, j'ai essayé de donner une grille de lecture ou d'intelligence. Pour prendre une comparaison, c'est une peu comme si, après avoir écouté une symphonie, j'avais tenté d'en faire comprendre la partition pour la rendre accessible au plus grand nombre...

- Dans votre livre, vous étudiez la question des charismes et de leur discernement. Quelle est la règle le plus importante pour aider à discerner les esprits?

Dès qu'il s'agit de manifestations sensibles où la subjectivité de l'homme a sa part, il est bien évident que la question du discernement se pose. Ici encore, l'Écriture et la Tradition de l'Église nous donnent des repères solides. Le premier d'entre eux, le mystère de l'Incarnation, est la pierre de touche de la foi: "A ceci reconnaissez l'Esprit de Dieu: tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est Dieu" (1 Jn 4,2). Il faut y ajouter le fruit de l'Esprit (Ga 5,22-23), en particulier la charité. Tout ce qui entraîne déviance dans la foi, division , trouble, peur, défiguration de l'homme ne vient pas de l'Esprit Saint. Par ailleurs: "Il peut y avoir de vraies motions de l'Esprit qui ne sont pas exercées de manière conforme aux impulsions authentiques de ce même Esprit." (Christi Fideles Laici no 24).

- En outre ne peut-on pas s'imaginer à tort avoir une motion?

Bien sûr que si. Mais en général, ceux qui ont un minimum de bon sens et de vie chrétienne s'en aperçoivent assez vite. Dans quelques cas, c'est plus difficile. C'est pourquoi l'Église recommande toujours de recourir à l'autorité compétente. Le grand critère est le fruit, et pour que des bons fruits apparaissent, il faut du temps.

- Certains charismes comme le repos dans l'Esprit ont fait l'objet de mises en garde. D'autres manifestations comme la bénédiction de Toronto posent question. Qu'en pensez-vous?

Il faut distinguer les deux phénomènes que vous évoquez.

Il peut y avoir de vrai "repos dans l'Esprit". Cependant, il est dangereux de le rechercher pour lui-même, car, consciemment ou non, il peut être aisément induit, suscité par le désir de la personne ou créé par le contexte, etc.

Pour ce qui est de l'engouement de certains à l'égard des manifestations qui nous viennent de Toronto, je suis extrêmement réservé.

Tout d'abord, quiconque a un peu étudié les "Mouvements de réveil" aux États-unis, apparus au siècle dernier, sait que de tels phénomènes se sont produits - il ne faut donc pas nous les présenter comme des nouveautés - et ils ont complètement discrédité un Mouvement qui pourtant avait des racines évangéliques.

Les critères de discernement concernant ces manifestations sont toujours les mêmes: la construction de la personne et de la communauté chrétienne dans la charité, en conformité avec l'Évangile. Ce qui me paraît primordial, c'est que le Seigneur ne fait pas des choses désordonnées qui rabaissent l'homme. Il peut se manifester avec puissante (cf. conversion de saint Paul), mais il ne le déshumanise jamais. Comme dit saint Paul en 1 Co 13,5, "La charité ne fait rien d'inconvenant" ou encore en 1 Co 14,33 à propos des charismes "Car Dieu n'est pas un Dieu de désordre mais un Dieu de paix". Vouloir ignorer ces critères, c'est ignorer la manière dont l'Esprit Saint agit. On ne me fera jamais croire que chez des hommes et des femmes, des aboiements ou des cris d'animaux viennent de Dieu.

Par ailleurs, l'engouement de certains pour ces phénomènes créent des divisions, cela non plus n'est pas un signe de la présence de l'Esprit. Il ne faut pas rechercher le bizarre, l'étrange, mais à faire l'oeuvre de Dieu. Encore une fois, les signes de Dieu qui accompagnent l'évangélisation peuvent avoir quelque chose de puissant, d'étonnant (cf. la Pentecôte), mais ne sont jamais déshumanisants.

- Après plus de tente ans d'existence, on peut se demander ce que le Renouveau a apporté à l'Église? Et que peut-il encore lui apporter?

Le Renouveau charismatique a participé au renouvellement de la prière, de l'évangélisation, de l'acceptation du renouveau liturgique demandé par le Concile. Il a répondu a l'attente de beaucoup et aux besoins du monde actuel d'une vie plus fraternelle, d'une sagesse, d'un renouvellement de la famille, de l'attention à la vocation de la femme, de la collaboration entre prêtres et laïcs... D'une manière plus générale, je dirais qu'il a développé la capacité de s'ouvrir aux imprévus de Dieu. Dans un monde particulièrement rationaliste, il montre le primat de la grâce sur la domination que l'homme veut exercer sur toute chose, y compris sur son propre corps, sa sensibilité...

Le Renouveau ne s'est pas encore complètement déployé. L'insistance du pape lors de son discours à la veille de cette Pentecôte 98 à nous ouvrir aux charismes en est la preuve.

Comme le dit Jean-Paul II dans "Redemptoris Missio", bien des choses peuvent nous porter au pessimisme, mais si on voit ce que le Seigneur fait dans les mouvements ecclésiaux, les communautés nouvelles, chez beaucoup de chrétiens et de jeunes on ne peut qu'être émerveillé de la beauté et de la profondeur de ce qui se fait sans bruit et qui ne demande qu'à s'étendre largement. Depuis plusieurs années, le Pape ne cesse de répéter qu'il se prépare au grand printemps du christianisme.
Cet article, tiré da la revue "Il est Vivant, juin 1998, pages 20-21, est reproduit avec autorisation. N.D.L.R.

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Dernière mise à jour 15 octobre 1998

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