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SELON SA PAROLE 15 février 1998 Volune24 numéro 2

LA PETITE THÉRÈSE, Docteur DE L'ÉGLISE

Gaspard Martin

Aux Journées mondiales de la Jeunesse, à Paris en août 1997, des centaines de milliers de jeunes ont applaudi le pape Jean-Paul II pendant huit minutes sans interruption. Il venait d'annoncer qu'il proclamerait très prochainement sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus docteur de l'Église.

Effectivement, le 19 octobre 1997, dimanche des Missions, sur la Place Saint-Pierre de Rome, devant une foule enthousiaste de 40 000 personnes, le pape disait: "Avec la plénitude de l'autorité apostolique, nous déclarons sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la sainte-Face docteure de l'Église." Pour l'entrée de l'Église dans le troisième millénaire, le pape qui a béatifié et canonisé tant de saints et de saintes, proposait au peuple de Dieu un nouveau docteur, un docteur de l'amour, un docteur de la sainteté, un docteur de la mission, un docteur pour notre temps.

Cette annonce officielle a peut-être surpris certains savants, mais elle a provoqué de grandes joies aux pauvres et aux petits.Pour cueillir les fruits dont cette proclamation est porteuse, il importe de se poser trois questions. Quelles conditions faut-il remplir pour mériter cet honneur dans l'Église? À quel titre la petite Thérèse a-t-elle pu mériter ce doctorat? En quoi cette proclamation répond-elle aux besoins et aux attentes de l'Église d'aujourd'hui?

CONDITIONS À REMPLIR

Le titre de «docteure de l'Église» est traditionnellement conféré à des écrivains ecclésiastiques qui se sont signalés par leur science, par leur sainteté éminente et aussi par leur position brillante ou leur défense courageuse de la saine doctrine. Ce titre a été conféré pour la première fois en 1297 par le pape Boniface VIII. Il y a actuellement 33 docteurs de l'Église. Les derniers saints à recevoir ce titre sont trois femmes, sainte Thérèse d'Avila et sainte Catherine de Sienne en 1970 et enfin la petite dernière, «la plus grande sainte des temps modernes» Thérèse Martin, en octobre 1997.

Trois qualités sont donc recherchées pour être candidats à ce titre prestigieux de docteur de l'Église: être un saint ou une sainte reconnue, avoir présenté sous forme d'écrits une doctrine éminente et utile à l'Église universelle en théologie ou en spiritualité et enfin cette doctrine doit avoir été examinée avec soin et recommandée par des personnes compétentes.

Quand à Longchamp, en banlieue de Paris, le 17 août 1997, le pape a annoncé qu'il déclarerait sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus docteur de l'Église, ce n'était pas là l'expression d'un sentiment personnel et spontané, mais bien la conclusion d'une longue étude qui se poursuivait depuis des années dans l'Église. Le dossier du doctorat de la petite Thérèse était ouvert depuis longtemps. Mgr Guy Gaucher, évêque-auxiliaire du diocèse de Bayeux-Lisieux, était responsable du dossier. Une «positio», c'est-à-dire un dossier très étayé sur le sujet, avait été présentée à la Congrégation romaine pour la cause des saints, qui l'avait étudiée conjointement avec la Congrégation pour la doctrine de la foi. La «positio» a été passée au crible par les cardinaux des deux Congrégations romaines et un jugement positif avait été porté à la connaissance du pape en avril 1997. Le pape a choisi un grand rassemblement de jeunes pour annoncer sa décision.

Docteur DE L'AMOUR

Pie XII a déjà dit: "Thérèse a redécouvert le coeur de l'Évangile; mais avec quelle fraîcheur!" Le pape Pie XI avait vu en elle «une parole vivante de Dieu». Thérèse n'apporte rien de nouveau: tout est dans l'Évangile et le Nouveau Testament. Ce qui est neuf chez Thérèse, c'est l'éclairage, le regard personnel qu'elle porte sur l'Évangile et la vie chrétienne.

Le charisme de Thérèse, c'est l'amour. «Dans le coeur de l'Église, ma mère, je serai l'amour». En lisant les chapitres 12 et 13 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens, elle a découvert sa vocation: se laisser aimer et aimer.

Parce qu'elle brûlait d'amour pour le Christ, la petite Thérèse a épousé les deux passions du Coeur de Jésus: aimer son Père et aimer tous ses frères et soeurs. En contemplant le Père, elle a fait l'expérience de sa miséricorde. Cette expérience la lancera sur la voie de la confiance et de l'abandon d'elle-même à l'amour miséricordieux. En découvrant l'amour miséricordieux du Père, elle apprit une nouvelle manière de vivre: vivre comme une enfant qui se sait aimée inconditionnellement et qui fait confiance en tout. Cette attitude de confiance totale et d'abandon continuel entre les mains du Père est précisément la petite voie d'enfance que le peuple lui attribue avec raison.

La petite Thérèse a écrit: "La plus grande grâce que Dieu m'a faite, c'est de me montrer ma petitesse." C'est une grâce à demander! Ni notre péché, ni notre pauvreté foncière ne sont des obstacles à la vie chrétienne. Quand notre petitesse, notre incapacité à faire le bien est reconnue, acceptée et offerte à Dieu, qui est «un papa qui nous aime comme une maman», la miséricorde peut alors nous envahir et nous donner des «entrailles de mère» pour les autres.

C'est là le message particulier de la petite Thérèse, docteur de l'amour. Elle s'est laissée aimer et elle a aimé. Par sa vie et par ses écrits, elle parle toujours de l'amour de Dieu, de cet amour qu'Il déverse dans les coeurs des pauvres et des petits pour que cet amour soit converti en tendresse pour nos frères et soeurs et en zèle missionnaire pour faire mieux connaître, aimer et servir Jésus-Christ, l'unique Sauveur du monde.

Docteur POUR NOTRE TEMPS

En quoi la proclamation de Thérèse docteur de l'Église répond-elle aux attentes de l'Église? Jusqu'à nos jours, la petite Thérèse a été connue comme thaumaturge, comme celle que tout le monde aime parce qu'elle est simple et répand sur terre une pluie de pétales de roses. Maintenant qu'elle est proposée comme maîtresse de vie spirituelle, cela provoque une certaine indisposition. En effet le monde cherche à se donner des maîtres, et en mettant Thérèse en avant, l'Église dit que nous avons plus besoin de témoins que de maîtres. En proposant Thérèse comme théologienne, l'Église souligne qu'elle a plus besoin de saints que de théoriciens. En dirigeant les projecteurs sur la petite sainte, qui n'a jamais voyagé, qui n'a jamais fréquenté les hautes écoles, qui n'a écrit que par obéissance, qui n'a jamais gagné un salaire, qui est morte jeune, l'Église indique qu'un revirement s'impose dans le choix des valeurs à privilégier.

Puisque le hasard n'existe pas dans la Providence de Dieu, il faut dire que le doctorat de petite Thérèse arrive en son temps et qu'il est porteur de riches promesses. Le grand théologien Hans Urs von Balthazar a déjà écrit que nous n'avons pas fini d'explorer les pistes ouvertes par la simplicité géniale de Thérèse. Parmi ces avenues que la valorisation de sa vie et de son oeuvre spirituelle ouvrent devant nous, il y a, entre autres, la reconnaissance de l'apport féminin dans l'Église, la justification de la petite voie de l'enfance spirituelle, la priorité à accorder à la prière dans la vie chrétienne, et enfin la docilité à l'Esprit Saint qui donne la vie.

Une leçon qui se dégage de la proclamation de Thérèse docteur est la reconnaissance par l'Église de l'apport des femmes mystiques. Les femmes apportent souvent à l'Église des intuitions profondes, notamment sur la bonté et la miséricorde. La théologie a tout à gagner de l'apport féminin. La contribution de Thérèse est évidente. Grâce à elle, à l'histoire de son âme, des millions de gens peuvent découvrir le vrai visage de Dieu.

Notre époque a voulu tuer le rôle du père. En étant à l'écoute de l'Esprit, Thérèse a découvert le visage de Dieu. Elle a vu en Lui un Père qui, avec respect, cherche par tous les moyens à faire accéder ses enfants à la stature d'hommes et de femmes libres, responsables et heureux. Il est un père qui n'écrase pas, mais qui remet debout. De plus il permet de construire la communauté, car aucune fraternité ne peut vraiment vivre sans paternité.

Se sachant aimé, plus qu'on s'aime soi-même, il devient possible à l'être humain de s'engager dans la petite voie de l'enfance spirituelle, où l'on accepte sa pauvreté et l'on peut s'abandonner entre les mains du Père. La découverte du Père a des effets thérapeutiques insoupçonnés aussi. Quoi de plus guérissant que l'abandon confiant au Père qui peut utiliser les péchés et les blessures pour faire de nous des petits chefs-d'oeuvre de miséricorde et des instruments contagieux d'évangélisation. Avec le Père qui aime, avec Jésus qui apprend à aimer et avec l'Esprit qui éclaire et fortifie, nous n'avons plus besoin de chercher à nous sauver par nos propres moyens et puis, il n'y a plus de place pour la peur, les scrupules et l'angoisse dans nos coeurs.

En tournant le monde chrétien vers Thérèse, le pape valorise aussi la prière. Elle est au coeur de la vie chrétienne. La petite Thérèse a obtenu par sa prière la conversion d'un assassin notoire (Henri Pranzini qui avait commis trois meurtres à Paris et qui est monté sur l'échafaud le 31 août 1887). On sait encore que les 18 derniers mois de sa vie ont été vécus dans une sécheresse spirituelle profonde: ce qui ne l'a pas détournée de Dieu qu'elle continuait de prier dans ses souffrances. Thérèse nous apprend la puissance de la prière et la nécessité de persévérer dans la prière, car c'est par la persévérance que nous sauverons nos vies (cf. Lc 21,19).

La petite Thérèse répond enfin à notre attente d'une vie spirituelle axée sur l'amour et d'une théologie plus existentielle, plus inspirée par le souffle vivant de l'Esprit Saint. L'oxygène spirituel dont les saints et les saintes ont besoin pour vivre en amour, c'est l'Esprit Saint qui le donne au jour le jour.

À la fin de sa vie, la grande petite Thérèse écrivait: "Je ne me repens pas de m'être livrée à l'amour... Je n'ai cherché que la vérité..."

Il doit y avoir convergence entre la vérité et l'amour, entre la doctrine et l'expérience concrète, entre l'enseignement et la pratique. C'est cette convergence vécue par sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus qui fait d'elle un modèle attrayant, spécialement pour les jeunes et pour ceux et celles qui cherchent à donner le vrai sens à leur vie. C'est probablement ce que l'Église veut nous dire en nous la proposant comme docteur et maîtresse de vie spirituelle.


NOTE D'AUTEUR

Le père Gaspard Martin est membre de la Congrégation des Eudistes. Il a été répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de Québec de 1990 à 1996. Il collabore régulièrement à la revue Selon Sa Paole. Il est actuellement aumônier à la Maison provinciale des religieuses de la Charité de Saint-Louis à Lévis.






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Dernière mise à jour 25 février 1998



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