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Selon Sa Parole juin-juillet 1998 vol. 24 numéro 6


REPERES
ACTE D'ESPÉRANCE
Dominic LeRouzès
L'hiver. C'est la saison froide, saison où tout semble mort. Lorsque novembre s'enfile après l'automne, les oiseaux cessent de chanter, les braves outardes lèvent le camps vers de plus chauds horizons, et nous, nous attendons patiemment l'avènement d'un froid hivernal, sentence inévitable du cycle de la nature. C'est la morosité qui succède à l'enthousiasme, cette dernière ayant capitulée avec les dernières feuilles tombant à terre. C'est la mort qui s'installe peu à peu autour de nous, froide et cruelle, lente et irrémédiable. Et pourtant, devant ce spectacle terrible à voir, il y a quelque chose en nous, une lumière qui ne veut pas s'éteindre. Nous savons...

LE PRINSTEMPS REVIENDRA

Nous savons que ce n'est pas fini. Nous savons que le printemps reviendra... nous en avons l'assurance. Mais!!! D'où vient donc cette certitude? Comment se fait-il nous soyons si sûr de la mort inévitable de cet ennemi hivernal sans scrupule? Chaque hiver, malgré son empire, nous le savons destiné à mourir vaincu. Et il est fascinant de voir comment cette froide dictature se laisse vaincre. Un réchauffement — pour nous très doux — est littéralement fatal pour l'hiver. Aussi, des milliers et des milliers de bourgeons recroquevillés sur eux-mêmes se mettent à timidement braver le froid. Chacun s'ouvre et dévoile l'intimité de sa faiblesse au risque d'être blessé par les derniers relents de l'hiver agonisant. Par l'audace d'une confiance inouïe de millions de faibles bourgeons, la saison froide voit marqué d'un vert tendre son acte de condamnation à mort. C'est la victoire écrasante de la faiblesse courageuse sur un empire outrageux.

Pourquoi cette parabole pour parler de l'espérance? Si souvent, Jésus nous a indiqué les choses de la terre pour expliquer celles du ciel: les lys des champs, l'ivraie, les montagnes, les oiseaux, etc. Cette parabole traduit un signe des temps pour toute l'Église. Nous sommes à la fin d'un long hiver ecclésial. Et il est des chrétiens, de nombreux chrétiens, qui semblent sombrer dans la morosité. Les chants d'espérance se font frileux, la joie de vivre en communion avec Dieu est couverte de givre, l'amour fraternel est parfois pris dans une terre gelée qui l'empêche de s'épanouir.

SITUATON DE DÉTRESSE D'OÙ JAILLIT L'ESPERANCE

Dans le livre d'Habaquq, l'auteur y décrit une situation qui semble très difficile. Situation bien semblable à la nôtre dans laquelle nous pouvons nous y reconnaître comme Église:

«Le figuier n'a pas fleuri;
pas de récolte dans les vignes.
Le fruit de l'olivier a déçu;
dans les champs, plus de nourriture.
l'enclos s'est vidé de ses brebis,
et l'étable, de son bétail.»
(Ha 3,17)

Le parallèle que l'on peut faire avec aujourd'hui est saisissant. En effet, le figuier qui n'a pas fleuri, ce sont les jeunes massivement absents de la vie de l'Église; la pénurie de récoltes des vignes traduit le manque de vocations; le fruit de l'olivier qui déçoit, ce sont toutes les tentatives pastorales qui échouent; l'enclos et l'étable qui se vident révèlent la baisse dramatique de la pratique religieuse et le "crash boursier» du clergé et des communautés religieuses. Ces faits sont réels et pourraient être la cause de beaucoup de tristesse au sein de l'Église. Mais c'est là, précisément là, qu'Habaquq nous interpelle violemment:

«Et moi, je bondis de joie dans le Seigneur,
j'exulte en Dieu mon Sauveur!
Le Seigneur mon Dieu est ma force;
il me donne l'agilité du chamois,
il me fait marcher dans les hauteurs.»
(Ha 3,18)

La joie! La joie! Il bondit de joie! Devant cette situation complètement perdue, il bondit de joie, criant: «Espérance!» contre toute espérance! Malgré le désespoir «hivernal» qu'il constate autour de lui, il exulte en Dieu. Et pour nous, il en va de même. Devant tout ce que nous voyons, il nous faut exulter de joie parce que Dieu agira. Même qu'il nous faut d'abord exulter de joie au milieu de la détresse, c'est là l'enseignement d'Habaquq. Pourquoi? Parce que notre exultation aura comme unique carburant la foi. La foi que Dieu seul peut agir. En exultant ainsi, nous nous mettons en marche.

UN DIEU D'ABONDANCE EXAGÉRÉE

Nous l'avons vu à une multitude de reprises, notre Dieu est un Dieu d'abondance... d'abondance exagérée! À Cana, il change six cents litres d'eau en six cents litres de vin; de quoi cuver pour l'année entière! Proche de la mer de Tibériade, il nourrit cinq mille personnes et il en reste douze corbeilles. À la Pentecôte, c'est l'abondance d'audace qui est déversée sur les disciples, eux qui étaient peureux comme des lièvres! Et aujourd'hui, cela n'a pas changé. Il est encore, aujourd'hui, un Dieu d'abondance; il sait également combien nous souffrons de multiples pénuries.

Il nous suffit simplement d'exulter de joie à cause de lui, le Seigneur de l'abondance. La foi n'est-elle pas posséder déjà ce que l'on espère? En fait, en tant que chrétiens, nous n'avons pas le droit d'être tristes, car si les chrétiens sont tristes, qui alors peut être heureux? Nous savons que nous avons reçu en Jésus-Christ la plénitude des plénitudes, nous avons reçu grâces sur grâces, nous possédons en notre foi tout ce dont notre monde se meurt d'avoir. Un millième de ce que nous avons reçu comblerait à en faire pleurer de joie tous les dépressifs de la terre! Il est colossal le don de Dieu!

Comment alors? Comment alors être triste? Comment pleurer sur l'état de notre Église? Ce drame est une poussière à côté du meurtre du Fils de Dieu en croix. Et si Dieu a pu récupérer cette atrocité pour en faire la source profonde de notre salut, combien plus est-ce qu'il pourra récupérer la situation que nous vivons? «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Lui qui n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout?» (Rm 8,31-32)

UNE ESPÉRANCE FOLLE EN NOTRE ÉGLISE

C'est donc dans la prière de louange et d'action de grâce — avant même d'avoir obtenu quoi que ce soit — que nous obtiendrons de Dieu abondamment plus que nous n'osons demander. Et spécialement pour les vocations... elles pleuveront à ne plus savoir où les «caser», car notre Dieu est un Dieu d'abondance. Il sait et peut nous combler jusque dans le superflu; laissons-lui la chance de s'exprimer à sa guise! Si nous avons l'espérance qu'à chaque hiver qui commence suivra le printemps, encore bien plus ayons cette «espérance» que notre Église refleurira. Et déjà, partout mais très discrets, des signes annoncent ce printemps de l'Église avec son mouvement aussi irréversible que le changement des saisons.

En cette année consacrée à l'Esprit Saint, laissons-nous saisir par cette espérance folle en l'Église. Le temps est venu d'être exagéré dans notre espérance comme le Père est exagéré dans l'abondance de ses dons. «Nous obtenons de Dieu ce que l'on en espère», disait saint Jean de la Croix. Alors, espérons tout et nous aurons tout. Espérons Dieu et nous aurons Dieu...
«Réjouissez-vous dans le Seigneur,
en tout temps;
je le répète, réjouissez-vous!»
(Ph 4,4)

Dominic LeRouzès
Marie-Jeunesse
NOTE D'AUTEUR

Dominic LeRouzès est âgé de 23 ans. Il est engagé dans Marie-Jeunesse et habite actuellement Québec. Il a terminé des études en sociologie à l'Université Laval de Québec. Il aspire à devenir prêtre et est, depuis quelques mois, séminariste.

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Dernière mise à jour 21 aoùt 1998

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