Cette histoire est une histoire vraie. C'est une histoire d'amour
avec le Seigneur, peut-être pas comme on en voit dans les
films, mais tout de même une histoire d'amour. Cela commence
lorsque je me suis retrouvé à vingt ans, faisant
un bilan de ma vie jusque là. J'étais l'unique enfant
d'un famille à l'aise, fils de parents qui s'étaient
convertis au début des années 80; je connaissais
donc depuis mon plus jeune âge une belle relation avec le
Seigneur grâce à mes parents. J'avais reçu
une bonne éducation et j'avais, à 20 ans, en ma
possession tous les atouts qu'un jeune pouvait désirer:
permis de conduire, de bons amis garçons et filles, une
belle relation avec mes parents, un réfrigérateur
bien garni, des sanctions minimales à ma liberté,
une belle relation avec Dieu que j'entretenais à Marie-Jeunesse
depuis quelques années, bref, j'avais tout pour être
heureux. Mais je n'étais pas comblé. J'avais un
désir d'absolu...
DES PROJETS, UN BESOIN
J'étudiais à l'université pour devenir
sociologue: en effet la société me fascinait. Mais
en même temps que je tentais de faire quelques prévisions
pour l'avenir, il me semblait que le cheminement à faire
manquait un peu de piquant: étude, mariage, emploi, enfants,
vieillesse, retraite, décès. Ce n'était pas
exactement ce que je voulais faire, mais c'est tout ce que je
voyais pour moi, je m'alignais donc sur la voie du contentement...
Pourtant j'ai toujours eu un besoin viscéral de me donner,
de tout donner. J'ai tenté de mettre un peu de saveur à
mon devenir en anticipant la réforme du système
social, en imaginant la fondation d'une firme de sociologues (ce
qui n'existe pas...), en désirant remettre sur pied les
familles nombreuses au Québec par mon exemple, etc. Par
des moyens finis j'essayais de me construire un avenir à
saveur d'absolu qui, j'espérais, m'aurait comblé.
IL EST DANS MA VIE
J'avais aussi un autre amour dans ma vie: Le Seigneur Dieu
de l'Univers. J'avais tant reçu de lui que je ne savais
comment lui rendre. Une chose habitait mon coeur depuis ma tendre
enfance qui me brûlait de plus en plus que je le fréquentais
dans la prière: c'est la mission. Donner Dieu. J'ai toujours
trouvé inconcevable qu'on puisse faire sa vie sans Dieu.
C'est une vie que je ne souhaite à personne, et pourtant,
tant de personnes aujourd'hui passent à côté
de ce bonheur indicible d'aimer Dieu et de se savoir aimé
de lui. Et pourtant, voilà un défi qui a une véritable
saveur d'absolu: "évangéliser", prêcher
comme Jésus le faisait longuement sur la montagne, car
prêcher la Parole de Dieu, c'est nourrir! Et Dieu sait qu'on
vit dans une monde affamé... Jésus est Verbe et
Pain; je me suis donc mis à avoir le désir ardent
de vouloir lui ressembler.
Mais la question était de savoir comment concilier tout
ça. Serais-je plus tard, un époux et père
de famille, sociologue, entrepreneur, réformateur, et en
plus prêcheur de la Parole de Dieu? Que faire? Pourtant,
je ne voulais rien céder, je voulais tout! Tout faire,
tout vivre, tout donner. Mais je ne voulais surtout pas céder
cet éventuel désir de mariage, j'avais trop besoin
d'amour...
APPEL A LA FIDÉLITÉ
Un soir, à la fin d'août, je me suis retrouvé
sur le bord de l'eau avec un vieil ami. J'étais heureux
de ce que j'avais vécu dans ma première année
d'engagement dans la communauté Marie-Jeunesse. Il n'en
restait plus que trois pour l'engagement que j'avais pris. Le
vieil ami m'interpella sur une relation d'amitié que j'avais
tissée avec une jeune fille de l'extérieur de la
communauté. En effet, ce que je croyais être simplement
une relation simple et discrète s'est révélé
soudain une source de préoccupations constantes; je me
suis aperçu que j'allais passer complètement à
côté de mon engagement. Le Seigneur ne pouvait plus
travailler mon coeur car il était ailleurs. Je me suis
rendu compte que j'étais plus amoureux de la jeune fille
que du Seigneur à qui j'avais donné ces quatre années
de ma vie. J'ai alors ressenti le malaise qu'on vit lorsqu'on
est infidèle, mais en même temps, sa grande patience
et sa grande miséricorde. Tout est alors devenu clair:
j'avais à faire un choix entre cette fille ou mon Dieu
bien-aimé. Et pour la première fois de ma vie, j'ai
dit: "oui". J'ai vécu alors une grande paix et
en même temps un très grand dérangement, car
le mot a commencé dès l'instant à danser
dans mon esprit. Devant cette chance incroyable que je lui donnais,
le Seigneur m'a demandé l'impossible: "Prêtre"-moi
ta vie!". Et je ne sais sur quel coup de tête j'ai
répondu, comme séduit par le Tout-Puissant, j'ai
encore dit oui, sachant le désir d'amour infini en moi
et voyant en Dieu l'amour, l'absolu que j'ai tant recherché
sans le trouver. Je cherchais à l'extérieur de moi
ce qui se trouvait au-dedans de moi.
PORTER LA PAROLE
Ce fut pour les mois qui suivirent un détachement terrible;
j'ai fait brûler en holocauste mon désir du mariage.
Mais cela en valait la peine, car je croyais abandonner bien des
choses en abandonnant à Dieu le mariage, mais lui, ne se
laissant jamais vaincre en générosité, m'a
tout redonné... avec une valeur d'absolu. Mon désir
d'être époux a vu se lever cette promesse: par l'ordination,
le prêtre devient époux de l'Église. Mon désir
d'être père a lui aussi repris vie par le fait que
le prêtre est père d'une multitude. N'était-ce
pas ce que j'espérais, vivre d'abondance? Dans son immense
amour, le Seigneur a fait éclater les frontières
de mes désirs pour leur donner une portée d'éternité
et les accorder aux siens. Et c'est ça, je crois, rechercher
la volonté de Dieu, se laisser séduire par lui pour
que mes désirs deviennent progressivement ses désirs.
Mais ce n'est pas tout. Mon désir de la Parole a connu
dès lors un épanouissement total dans la perspective
de devenir prêtre, et une grande paix s'en est suivie. Bien-sûr
pour l'instant, c'est le silence; la Parole me brûle tranquillement
l'intérieur sans sortir par ma bouche, ce qui est douloureux
et savoureux à la fois. Je vis un peu mon Nazareth. Mais
c'est une grande joie.
PRÉSENCE INDICIBLE
Il me faut révéler un secret excessivement important.
Donner sa vie à Dieu ne signifie aucunement se priver à
tout jamais d'amour. Sinon je serais déjà mort...
Mais au contraire. Si le Seigneur Dieu de l'Univers a créé
l'homme et la femme avec l'extraordinaire mystère d'amour
qui les entoure, s'il a créé les bonheurs indicibles
d'aimer une femme, bonheurs qui ont nourri tous les poèmes
depuis les prémices du monde, comment se fait-il que lui,
le Seigneur Dieu de l'Univers, ne serait-il pas capable de combler
ceux qu'il appelle à se consacrer à lui? C'est absurde,
ou Dieu n'existe pas! J'ai le goût de le crier: je suis
amoureux du Seigneur mon Dieu, moi, pauvre jeune homme quelconque!
Et j'en pleure de bonheur! Depuis ces événements,
aucun regret n'a effleuré mon coeur, moi qui étais
tant attaché aux amourettes de passage, mais au contraire,
le Seigneur est venu me séduire en profondeur, et m'a saisi
le coeur là où aucune fille ne m'a touché.
Et c'est un bonheur en crescendo qui m'est terriblement difficile
à exprimer... c'est de l'ordre de l'absolu.
Et maintenant je suis séminariste pour la communauté
de Marie-Jeunesse. J'ai terminé mon baccalauréat
en sociologie et j'ai commencé mes études en théologie.
Je marche aujourd'hui dans ce clair-obscur de la foi car l'appel
ne sera vraiment clair que lorsque les mains d'un évêque
se poseront sur ma tête. Mais d'ici là je marche
d'un pas décidé vers un objectif qui dépasse
mes attentes, mon espérance, mon imagination. Une seule
chose que je sais... je serai heureux à cause du Seigneur
Dieu de l'Univers.
J'en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. Espère le Seigneur, sois fort et prends courage, espère le Seigneur (Ps 26,13-14).
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Dominic LeRouzès
23 ans
NOTE D'AUTEUR
Dominic LeRouzès est âgé de 23 ans. Il est engagé dans Marie-Jeunesse et habite actuellement Québec. Il a terminé des études en sociologie à l'Université Laval de Québec. Il aspire à devenir prêtre et est, depuis quelques mois, séminariste.