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Selon Sa Parole le 15 mars 1998

LE BAPTÊME DANS L'ESPRIT:
UNE GRÂCE POUR TOUTES LES ÉGLISES CHRÉTIENNES
Peter Hocken


Peter Hocken, prêtre et théologien anglais, accorde la même importance au baptême dans l'Esprit que le Père Cantalamessa, mais il en explique autrement le sens.

On s'accorde pour reconnaître que l'élément central du Renouveau charismatique est ce que l'on appelle communément le baptême dans l'Esprit.

Cela veut dire que d'autres éléments caractéristiques tels que la manifestation des dons spirituels, parler en langues, prophétie et guérison, ne sont pas le coeur du Renouveau, mais des dons auxquels les chrétiens deviennent accessibles par la grâce fondatrice du baptême dans l'Esprit.

Cependant, alors que les personnes qui ont été remplies de l'Esprit Saint reconnaissent d'un commun accord que la grâce ainsi expérimentée est le coeur du Renouveau, elles ne sont pas toutes d'accord ni sur le terme approprié pour la décrire ni sur les définitions à donner. En ce qui concerne la terminologie, de nombreux catholiques et d'autres chrétiens d'Églises sacramentelles sont mal à l'aise devant l'expression "baptême dans l'Esprit Saint", craignant une confusion avec le sacrement du baptême ou "baptême de l'eau" (expression rejetée par les catholiques). En même temps, beaucoup d'Évangéliques répugnent à utiliser ce terme, y voyant une invitation à recevoir deux baptêmes, l'un dans l'eau et l'autre dans l'Esprit, ce qui contredit le "un seul baptême" de Éphésiens 4,4 et nie la descente de l'Esprit Saint au moment de la conversion-régénération.

Ces hésitations au sujet de la terminologie "baptême dans l'Esprit", que ce soit chez les catholiques ou les évangéliques sont venues du fait que ce terne était lié à une théologie pentecôtiste des "deux étapes" (ou "trois étapes") qu'ils ne pouvaient accepter. Beaucoup cherchèrent donc à élaborer une théologie différente pour la même expérience et la même réalité spirituelle.

BAPTÊME DANS L'ESPRIT OU EFFUSION?

Chez les catholiques, ceci a été plus fréquent en Europe continentale que dans le monde anglophone. Ainsi la plupart des charismatiques catholiques parlent de "l'effusion de l'Esprit" et les Italiens ont une expression analogue, signifiant aussi "l'effusion" ou "la surabondance" de l'Esprit. Assurément, beaucoup d'Européens continentaux pensent que l'attachement du monde anglophone à la terminologie pentecôtiste reflète notre indifférence pragmatique à la rigueur théologique, alors que de nombreux catholiques anglophones parmi nous ont peut-être senti l'importance pour l'oecuménisme que tous les "baptisés dans l'Esprit" utilisent une même terminologie pour la même grâce, quelle que soit la tradition chrétienne à laquelle ils appartiennent. Utiliser une terminologie différente chez les catholiques est un premier pas vers une remise en cause de l'identité de cette oeuvre de l'Esprit Saint et cela revient donc à affaiblir sérieusement un élément central du message du Renouveau.

Prêtre enseignant la théologie dans un séminaire quand j'ai rencontré "l'expérience pentecôtiste", j'ai éprouvé beaucoup de ces hésitations au cours de mes premières années dans le Renouveau. Je n'ai jamais été convaincu qu'un projet d'initiation en deux étapes découle obligatoirement de la lecture du Nouveau Testament, bien qu'il me parût évident que pour de nombreux chrétiens le baptême dans l'Esprit ne marquait pas le début d'un engagement chrétien adulte. Plus tard, j'ai aussi découvert qu'une proposition en deux étapes relève peut-être d'un souci pastoral de sagesse, il me semble peu souhaitable de proposer aux gens l'accès aux dons spirituels dès la première fois où on leur parlait de Jésus Christ et du salut.

Cependant, les explications théologiques du baptême dans l'Esprit qui semblaient les mieux admises chez les catholiques m'ont toujours mis mal à l'aise. La première de ces explications, majoritaire, consistait à dire que le baptême dans l'Esprit est la prise de conscience et l'appropriation personnelle des grâces conférées objectivement par les sacrements de baptême et de confirmation; la seconde, minoritaire, se référant à saint Thomas d'Aquin, affirmait qu'il s'agit d'une nouvelle mission de l'Esprit Saint faisant suite à l'initiation.

POURQUOI N'ÉTAIS-JE PAS CONVAINCU PAR CES THÉORIES?

D'abord parce que si la théologie peut prétendre expliquer, révéler le sens ou la signification, ces théories ne semblaient pas expliquer grand'chose.

Deuxièmement, et c'est peut-être plus important, j'étais convaincu du caractère essentiellement oecuménique de cette oeuvre de Dieu que nous appelons le Renouveau charismatique. L'expérience et les recherches que j'ai menées par la suite montraient à l'évidence que la même grâce était répandue sur les chrétiens de pratiquement toute appartenance. Une explication qui n'aurait été acceptable que pour une partie de ceux qui recevaient cette bénédiction et non les autres était, me semblait-il, forcément inadéquate. Il ne s'agit pas ici de faire accepter une explication théologique qui poserait problème aux catholiques mais de chercher une explication oecuménique à un niveau "plus élevé" qui soit acceptable pour tous. Seule une explication de cette sorte pourrait préserver et développer l'immense potentiel de réconciliation oecuménique du Renouveau.

Troisièmement, j'avais découvert dans le Renouveau un immense défi concernant tous les aspects de la vie chrétienne et j'avais le sentiment qu'il fallait qu'il fût un défi tout aussi grand pour chaque Église dans laquelle il se manifestait. Mais ces explications théologiques, somme toute ne représentaient pas un défi; elles étaient trop anodines, incitant les catholiques à accepter cette grâce, et permettant de garder notre théologie de l'initiation sans bouleversement. Finalement, au bout de quelques vingt ans dans le Renouveau, j'ai découvert un moyen de résoudre ce problème. Il consistait à revenir aux Écritures pour voir ce qu'elles disent au sujet du "baptême dans l'Esprit". J'ai été frappé par plusieurs points.

- Alors que l'expression "baptisé dans l'Esprit Saint" n'est pas fréquemment utilisée, et uniquement sous forme verbale, elle l'est dans des occasions de très haute importance, à savoir le baptême de Jésus (les quatre évangiles), la période entre Pâques et la Pentecôte (Ac. 1, 5) et dans la référence à la Pentecôte qui suit la venue de l'Esprit sur Corneille et sa maisonnée (Ac. 11, 16).

- Aucun de ces contextes n'est d'ordre narratif, c'est-à-dire qu'il n'est pas fait mention que X ou Y ou un grand groupe de croyants aient été baptisés dans l'Esprit, comme on le fait pour des convertis recevant le baptême de l'eau.

- Toutes les citations ont un élément prophétique. La mention relative au baptême de Jésus fait partie des déclarations prophétiques de Jean le Baptiste. Les deux autres exemples dans les Actes font tous deux écho à la prophétie de Jean; le premier est annonciateur de la Pentecôte ("sous peu de jours...") et le second rappelle la Pentecôte comme accomplissement de la prophétie du Baptiste.

- Les deux exemples qui font référence au jour de la Pentecôte et à "la Pentecôte des Gentils" à Césarée sont tous deux des exemples d'intervention divine souveraine.

- J'ai également découvert que cette prophétie de Jean le Baptiste était dans la tradition des prophéties concernant l'Esprit chez les prophètes de l'Ancien Testament (spécialement Jérémie, Ézéchiel, Joël et Zacharie), qu'elle était intrinsèquement eschatologique, c'est-à-dire qu'elle parlait des derniers jours; ceci apparaît dans le libellé de Matthieu et Luc: "il vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu", et que Jean le Baptiste, comme les prophètes de l'Ancien Testament, n'imaginait pas qu'il y eût deux venues du Messie, avec l'ère de l'Église entre les deux.

Ces cinq points démontrent un lien direct entre la terminologie "baptême de l'Esprit" et l'événement de Pentecôte, confirmant ainsi l'intuition, toujours présente dans notre mouvement, qu'il est d'une certaine manière une Pentecôte du XXe siècle. Ce fait explique aussi la relation intrinsèque entre le baptême dans l'Esprit et les dons spirituels de 1 Co 12.

UNE PENTECÔTE DU XXe SIÈCLE

Ce retour aux sources bibliques m'a alors conduit à me demander à la suite de quelle inspiration les pentecôtistes et les charismatiques ont adopté ce terme de baptême dans l'Esprit pour décrire cette grâce que Dieu répandait à profusion à notre époque. J'ai compris que l'usage de ce terme était plus prophétique qu'exégétique, c'est-à-dire qu'appeler cette expérience baptême dans l'Esprit n'était pas tant le résultat d'une étude des Écritures suivie d'une recherche sur l'expérience, qu'un exemple plutôt, de ce que fit Pierre le jour de la Pentecôte, à savoir une reconnaissance prophétique qu'un événement présent est l'accomplissement de la promesse prophétique. Ainsi Pierre déclara: "C'est cela dont parlait le prophète Joël." Ainsi quand nous appelons cette effusion de grâce "baptême dans l'Esprit" nous disons; "C'est cela dont parlaient Joël et Jean le Baptiste et que Pierre a reconnu le jour de la Pentecôte." Comme les deux exemples des Actes, l'effusion pentecôtiste-charismatique du XXe siècle représente une forme d'intervention divine souveraine.

Ainsi il y a dans ces exemples bibliques deux types distincts d'activité prophétique. Le premier est la proclamation de la parole de Dieu et de sa promesse, par un prophète (Jérémie, Joël, Jean le Baptiste). Le second est la reconnaissance prophétique de l'accomplissement de la promesse prophétique (Pierre dans Actes 2 et 11). Dans le second exemple, l'Esprit Saint rend le croyant capable de reconnaître les événements contemporains comme accomplissement de la promesse prophétique antérieure.

Je compris bientôt que cette interprétation prophétique et eschatologique apportait bien le niveau "plus élevé" potentiellement acceptable par toutes les dénominations chrétiennes (pourvu qu'elles acceptent la possibilité d'interventions divines à notre époque et de la prophétie dans le monde actuel). Pour tous les chrétiens baptisés dans l'Esprit, la signification de ce don est la même; c'est une effusion de l'Esprit Saint qui réalise le règne de Jésus Christ sur les chrétiens et sur l'Église.

Ce caractère "prophétique" de cette Pentecôte moderne met en valeur le caractère communautaire de cette effusion de l'Esprit. Ce n'est pas seulement une multitude d'individus faisant la même expérience spirituelle, mais c'est le Seigneur répandant la même grâce sur son peuple pour le renouvellement, l'édification et l'unification de l'Église comme Corps du Christ.

Les deux "explications" catholiques du baptême dans l'Esprit ne sont pas totalement fausses; mais je les trouve, quant à moi, inadéquates. L'opinion dominante selon laquelle c'est une prise de conscience des grâces objectivement reçues dans les sacrements de baptême et de confirmation reconnaît bien que dans la vision catholique quelque chose de fondamental est conféré par ces sacrements. Elle reconnaît aussi que ce qui est donné dans le baptême dans l'Esprit s'appuie sur cela et a besoin de s'y rattacher. L'autre théorie selon laquelle c'est une nouvelle "mission de l'Esprit Saint" met l'accent sur la nouveauté de ce qui est maintenant donné par Dieu, mais elle n'indique pas suffisamment ce qui est spécifique à cette mission et son lien avec Pentecôte.

Ni l'une ni l'autre de ces théories n'accorde assez d'attention au rôle de l'enseignement pour éveiller l'attente et le désir de recevoir. Bien que quelques personnes aient été baptisées dans l'Esprit sans jamais avoir entendu parler des mouvements pentecôtistes ou charismatique, la procédure normale se situe plus ou moins au terme d'une prédication approfondie de la Parole. Ceci montre aussi que le baptême dans l'Esprit n'est pas simplement une libération de ce qui est déjà à l'intérieur de la personne.

DIEU QUI DÉROUTE LES THÉOLOGIENS

Ainsi pour les catholiques - et les autres chrétiens appartenant à des traditions liturgiques - la question se pose donc de la relation entre cette grâce "pentecostale" et les sacrements d'initiation. Cette question doit être posée et résolue. Mais quand il s'agit d'une grâce répandue de manière inattendue et à profusion comme le baptême dans l'Esprit, il faudra peut-être bien des années aux charismatiques et théologies catholiques pour répondre à cette question de manière adéquate et convaincante. L'idée même que nous devons être capables de fournir une réponse rapidement relève d'une surestimation de nos capacités intellectuelles dans le domaine théologique et d'une sous-estimation du caractère déroutant, pour nos modes de pensées, des actes souverains du Dieu insondable.

Il semblerait que la réponse catholique de la "prise de conscience" subordonne le baptême dans l'Esprit aux sacrements d'initiation tandis que l'expression "baptême dans l'Esprit" et le caractère souverain que lui attribue le Renouveau dans l'ensemble de l'Église et du monde soulignent que la Pentecôte est un paradigme à la lumière duquel les sacrements doivent être compris. Comme le baptême dans l'Esprit manifeste de manière visible la Royauté de Jésus Christ, c'est un signe appelant à soumettre toute la vie de l'Église à la Royauté du Christ.

Il ne s'agit donc pas seulement de comprendre le baptême dans l'Esprit à la lumière des sacrements, mais de comprendre les sacrements à la lumière de la Pentecôte. C'est une tâche qui fera avancer la réconciliation oecuménique plutôt que la retarder.

Qu'est-ce donc, dans ce nouvel éclairage, qu'être baptisé dans l'Esprit? Cela signifie que l'on fait l'expérience personnelle de la grâce spécifique que Dieu répand à notre époque sur les chrétiens de toutes appartenances. Cette grâce est comme une Pentecôte moderne en ce qu'elle est une intervention souveraine du Seigneur. Sa spécificité historique est également évidente dans le rôle particulier des dons spirituels, auxquels les fidèles sont rendus disponibles par cette grâce pentecostale.

DANS LES SIÈCLES PASSÉS

Qu'en est-il des autres chrétiens militants qui n'ont reçu cette grâce particulière? On peut avoir une idée de la réponse en demandant si les saints tout au long de l'histoire du christianisme ont été baptisés dans l'Esprit. De nombreux catholiques ont dit ðoui" parce qu'il semblerait impensable que ces chrétiens héroïques, dont les vies ont souvent manifesté des interventions du Seigneur, n'aient pas reçu tout ce que le Seigneur avait à donner sur cette terre. Cependant, même si cette vue "prophétique" est juste, nous pouvons souligner que la question ne rime pas à grand chose; cela ne veut rien dire d'affirmer que les saints des siècles passés ont été baptisés dans l'Esprit à la manière connue des chrétiens charismatiques, à moins qu'ils n'aient participé en leur temps d'une effusion de l'Esprit qui portât les marques distinctives de la Pentecôte.

Saint François d'Assise fournit un excellent exemple. Sa vie toute de simplicité et de pauvreté dans une recherche radicale de Jésus était un exemple remarquable d'un large mouvement de renouveau dans l'Église occidentale aux XIIe et XIIIe siècles. Ce mouvement fondé sur l'Évangile (évangélique) était centré sur la personne de Jésus, particulièrement son humanité et sa souffrance, et invitait les croyants à imiter son abaissement. C'était, de toute évidence, un courant profond de renouveau de l'Église produit par l'Esprit Saint. Qualifier de "baptême dans l'Esprit" la grâce propre à ce mouvement ne serait pas approprié, non seulement parce qu'on ne le décrivait pas en ces termes, mais parce qu'il n'était pas centré sur l'événement de Pentecôte.

S'il est un autre événement dans l'histoire de l'Église qui pourrait être décrit en relation avec la Pentecôte, c'est l'Effusion de l'Esprit chez les Moraviens de Herrnut au cours de l'été 1727, qui donna l'impulsion décisive au mouvement missionnaire protestant de l'ère moderne, et il est intéressant de noter qu'il avait aussi une dimension oecuménique.

Cette interprétation n'est nullement réductrice de la sainteté et de la béatitude des saints; car ils étaient mus et emplis par le même Esprit Saint quand ils répondaient jusqu'à l'héroïsme à l'amour et à la grâce de Dieu dans leur vie. Beaucoup de saints ont sans doute atteint à un plus haut degré de sainteté qu'aucun chrétien pentecôtistes ou charismatique. La terminologie "baptême dans l'Esprit" est simplement une référence à une forme, spécifique dans l'histoire, d'effusion de l'Esprit Saint sur le peuple de Dieu pour le renouveler, le sanctifier et l'envoyer en mission.

Texte original, traduit de l'anglais par M.-C. Lasbleis

Cet article, tiré de Thychique, la revue de formation au service des groupes de prière et des communautés du Renouveau charismatique, juillet 1997, pages 8 à 15, est reproduit avec autorisation. N.D.L.R.

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Dernière mise à jour 25 mars 1998

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