Page d'accueil| Sommaire | Jubilé| Activités | Informations nationales | Informations internationales


Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole 15 mai 1999 vol. 25 numéro 5


L'ESPRIT-MISSIONNAIRE...ET MISSIONNAIRES DE L'ESPRIT
Germain Grenon

Jésus a dit qu'il nous enverrait son Esprit et que celui-ci témoignerait de lui (cf. Jn 15,26). L'Esprit est donc un envoyé, un témoin; il est missionnaire. Le Concile, suite à la grande tradition de l'Église, parle de la mission de l'Esprit (Ad Gentes #4) et, à son tour, l'Esprit fait de l'Église une Église missionnaire. C'est le sens que nous pouvons donner à l'événement de la Pentecôte annoncé par Jésus: "Vous recevrez une force, celle du Saint-Esprit qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins" (Ac 1,8). Et plus tard, saint Paul de dire à Timothée, et donc à nous aussi: "Ce n'est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné mais un Esprit de force, d'amour et de maîtrise de soi. Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à Notre-Seigneur" (2 Tm 1,7). Oui l'Esprit reçu fait de nous des témoins.

Je voudrais dans cet article attirer votre attention sur quelques aspects importants de notre mission comme disciple de Jésus que nous sommes.

NOMMER JÉSUS CHRIST

Au nom de notre foi nous agissons, nous posons des actes et cela, bien souvent, sans dire aux autres que nous nous engageons ainsi à cause de notre foi. C'est ce que nous pouvons appeler de l'évangélisation implicite. Je pense à ces nombreuses personnes qui oeuvrent dans des services caritatifs telle la St-Vincent-de-Paul. Mais il arrive parfois que l'on nous demande: "Pourquoi viens-tu ici tous les mercredis pour rendre service?" Certes nous pouvons répondre: "Parce qu'il y a des besoins." Mais l'occasion nous est donnée de témoigner d'une façon explicite de notre engagement: "C'est à cause de ma foi en Jésus Christ." Le Pape Paul VI, dans son exhortation apostolique sur l'évangélisation dans le monde moderne, disait que "le plus beau témoignage se révélera à la longue impuissant s'il n'est pas éclairé, justifié ..., explicité par une annonce claire, sans équivoque, du Seigneur Jésus" (# 22).

Est-ce que nous rougissons de nommer le nom de Jésus pour rendre compte de nos engagements? Avons-nous ce courage humble et joyeux de la foi conduisant à un témoignage explicite de notre engagement?

MISSION D'AMOUR

La mission ou tout engagement apostolique ne se situe pas au niveau d'une fonction ou d'un "job". Si le premier fruit de l'Esprit est l'amour, tout engagement apostolique doit être empreint de cette charité répandue en nos coeurs.

Isaac de l'Étoile disait que l'amour est "l'unique critère selon lequel tout doit être fait ou ne pas être fait, changé ou ne pas être changé. C'est le principe qui doit diriger toute action, et la fin à laquelle elle doit tendre. Quand on agit selon la charité ou quand on est mû par la charité, rien n'est désavantageux et tout est bon."

Sans cet amour de charité, notre engagement apostolique risque fort d'être imprégné d'une recherche de soi-même et de satisfaction personnelle.

COMMUNION MISSIONNAIRE

Dans ce même esprit, il est important de signaler que notre façon de vivre ensemble est déjà témoignage, est déjà mission. Ce que nous sommes ensemble parle plus fort que ce que nous pouvons faire. Le Pape le rappelait aux communautés religieuses dans Vita Consecrata: "... La communion (fraternelle) s'ouvre à la mission, elle se fait elle-même mission, ou plutôt la communion engendre la communion et se présente essentiellement comme communion missionnaire" (#46).

Ceci vaut pour tous les lieux où des chrétiens se retrouvent ensemble dans un projet pastoral ou apostolique. Si une équipe de pastorale paroissiale se considérait non seulement comme des gens qui font quelque chose pour la paroisse mais d'abord comme des personnes appelées à vivre de communion fraternelle, je suis certain que leur engagement apostolique aurait infiniment plus de poids. Ceci serait un écho à la parole de Jésus: "Que tous soient UN... afin que le monde croie" (Jn 17,21).

Il est important d'éveiller de plus en plus nos communautés chrétiennes (paroissiales ou de base) à cette responsabilité missionnaire dans un monde de plus en plus séculier, marqué par le matérialisme et l'indifférence religieuse. Cependant l'engagement apostolique ne peut porter de fruit si le corps ecclésial souffre d'anémie fraternelle. Je suis convaincu que nos communautés chrétiennes auraient un impact missionnaire extraordinaire si, par la charité du Christ, elles arrivaient à faire en sorte qu'il n'y ait plus parmi ses membres cet écart entre riches et pauvres que nos sociétés engendrent.

Le "Voyez comme ils s'aiment" du début de l'Église serait contagieux pour nos contemporains, il serait missionnaire.

LES MOTIFS DE LA MISSION

Dégager les motivations profondes de notre agir n'est pas toujours facile. Une prière de la liturgie dit que "toutes nos oeuvres ont des taches à tes yeux, Seigneur." Il est vrai qu'une action bonne ou un engagement apostolique peut être entaché par des motifs qui ne sont pas toujours désintéressés. Nous sommes alors invités à exercer un discernement spirituel face à nos divers engagements. Il y a quelques années un jésuite américain faisait cette distinction entre le "God's work" et le "work for God". Ces deux expressions sont très éclairantes pour notre réflexion. Il y a une grande différence entre le travail ou l'oeuvre de Dieu et le travail ou l'oeuvre pour Dieu. Nous pouvons nous engager à faire beaucoup de choses POUR Dieu, mais est-ce là ce que Dieu veut? Faire (ce que je veux) pour Dieu et faire ce que Dieu veut...quelle différence!

Le coeur humain est complexe. Nous pouvons nous étonner à certains jours de constater que, sous de nombreux engagements ou de grandes générosités, se cachent une recherche de soi, une revalorisation du moi, une reconnaissance sociale, une fuite de sa vie de couple ou de famille ou, que sais-je? Si nous ne faisons pas un tel discernement spirituel pour nos engagements apostoliques, nous risquons de nous essouffler. Faire le discernement de nos motivations apostoliques va nécessairement nous conduire à prendre du recul par rapport à nous-mêmes, à entrer davantage dans la volonté du Père (God's work) et ainsi à compter sur l'Esprit qui sera reconnu comme étant à l'oeuvre avec nous dans cet engagement apostolique.

MISSION EN VUE DE "TOUT L'HOMME"

Dieu est attentif à tout ce que nous sommes en tant qu'être humain et rien de ce que nous sommes ne lui est étranger. Dans l'Évangile, nous voyons comment Jésus est présent à toutes les dimensions de l'être humain. Devant la solitude de la veuve de Naïm portant en terre son fils unique, Jésus est pris de compassion. Quand il voit la foule qui a faim, il lui donne à manger. Il guérit les malades, il pardonne les péchés. Jésus tient ensemble la réalité matérielle et spirituelle. Si d'une part, il dit que l'homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, il n'en demeure pas moins attentif à la réalité du pain matériel, nourrissant les foules et nous enjoignant de donner à manger à celui qui a faim.

La mission du chrétien doit le rendre attentif à tout ce qui concerne l'être humain. D'ailleurs, l'évangélisation concerne toutes les dimensions de la personne: sexualité, affectivité, réalité familiale, le travail, la vie de communauté...tout est appelé à être évangélisé. Dieu a droit de parole sur toutes les composantes de notre être. L'Évangile de Jésus Christ nous appelle aussi à être attentif à tout l'homme.

Jean-Paul II nous rappelle que l'Église, par conséquent les chrétiens, ne peut se dissocier de la transformation des structures sociales. Il y a des liens profonds entre l'évangélisation et la promotion humaine. Dans l'épisode de Zachée, il y a là un bel exemple de l'impact de la présence de Jésus tant au plan spirituel qu'au plan social. Jésus lui pardonne ses péchés et Zachée s'engage vis-à-vis les pauvres. La présence de Jésus ne le conduit pas seulement dans une démarche individuelle et intérieure mais elle l'engage vis-à-vis les autres, au plan social, en partageant avec les pauvres.

Ainsi en est-il pour la mission du catholique; elle nous éveille à tout ce qui concerne l'être humain.

MISSION EN VUE DE TOUS LES HOMMES

À la fin de l'Évangile de saint Marc, la parole de Jésus est claire concernant les destinataires de l'évangélisation: "Allez par la monde entier, proclamez l'Évangile à toute la création" (Mc 6,15). L'Église est catholique, c'est-à-dire universelle. Elle est faite pour rassembler les gens de toutes races, langues et cultures; comme disait Jésus, "pour rassembler dans l'unité, les enfants de Dieu dispersés" (Jn 11,52). Ainsi la mission a en vue tous les êtres humains.

Cependant l'Église nous invite à porter une attention particulière aux pauvres. Une expression est mise en évidence: "l'option préférentielle pour les pauvres et les exclus." Ceci nous situe dans le grand courant biblique où l'on voit Dieu prenant soin de la veuve, de l'étranger, de l'orphelin, personnes qui en Israël vivaient dans une grande pauvreté. Jésus lui-même en commençant sa mission, cite le prophète Isaïe: "l'Esprit du Seigneur est sur moi... pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres..." (Lc 4,18).

La situation actuelle de notre société et de notre monde en général, nous ouvre beaucoup de portes sur la vie des pauvres et des appauvris. Et notre engagement vis-à-vis eux donne de la force à notre témoignage de foi. Qu'est-ce qui a tant touché les gens dans la vie de Mère Teresa? N'est-ce-pas son engagement vis-à-vis les pauvres. Pourquoi dit-on qu'il s'agit d'une sainte? Ce n'est pas à cause de ses élans mystiques exceptionnels mais à cause de son amour de charité qui l'a portée vers les plus petits. Nous ne sommes pas tous appelés à être des "Mère Teresa" mais chacun dans son milieu, selon sa situation de vie et en tant que membre de Jésus-Christ est appelé à reprendre à son propre compte cette parole et cet engagement du Christ-tête-missionnaire: "L'Esprit m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres."

L'option préférentielle pour les pauvres peut se traduire pour un grand nombre par des gestes de solidarité et de partage. Nous sommes très sollicités dans notre société de consommation pour acheter ceci ou cela...qui nous est présenté avec tellement d'attrait. Notre mission d'Évangile en ce monde nous demande alors de faire des choix, de prendre une option en faveur des pauvres. Alors cela peut se traduire par "ne pas acheter ceci ou cela" pour qu'un pauvre puisse avoir le nécessaire... se priver du superflu pour que le pauvre ait le nécessaire.

Mais il ne suffit pas de donner de l'argent. L'option préférentielle pour les pauvres est aussi une affaire de coeur. Voici un petit fait qui peut illustrer cela et qui a été rapporté bien humblement par le cardinal Marty lui-même, alors archevêque de Paris. Un jour qu'il sortait de sa voiture, un itinérant s'approche et lui tend la main. Le cardinal plonge sa main dans sa poche pour prendre de la monnaie. L'itinérant lui dit: "Non, Cardinal, ce n'est pas de l'argent que je veux; je cherchais seulement la main d'un ami." Et il continua son chemin. L'option préférentielle pour les pauvres nous conduit à partager réellement avec eux mais alors même que nous partageons, comment le faisons-nous? en frère? avec joie?

En terminant cette réflexion sur cet aspect de la mission, il est important de se rappeler qu'une option préférentielle pour les pauvres n'est pas à sens unique: nous vers eux. Le Père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD-Quart-monde (Action Toute Détresse) disait: "Dans la réalité des hommes les plus rejetés, Dieu ne s'exprime pas seulement, Il se révèle. Il se découvre non pas objet ni idée mais être à aimer." Ceci fait écho à la parole de Jésus dans l'Évangile: "Ce que vous fait à l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). Les pauvres nous révèlent le visage de Jésus, ils nous interpellent à vivre l'Évangile,...ils nous évangélisent.

Voilà quelques aspects de la mission. Si nous nous laissons guider par l'Esprit Saint qui est le principal agent de l'évangélisation, il nous conduira sûrement à nommer Jésus-Christ, à agir par amour, à rendre témoignage par une vie communautaire fraternelle, à discerner les motifs de notre mission, à nous engager en faveur de tout l'homme et de tous les hommes, en particulier les plus pauvres. L'Esprit est missionnaire pour que nous soyons missionnaires de l'Esprit.

Joyeuse et fructueuse mission.




NOTE D'AUTEUR
Le père Germain Grenon, prêtre de la Société des Missionnaires des Saints-Apôtres, a d'abord été responsable de la pastorale des jeunes et des vocations dans le diocèse d'Ottawa, puis missionnaire au Cameroun de 1980 à 1988. Par la suite, il a été chargé de la formation dans sa communauté et depuis 1995, il en est l'animateur provincial.

Retour à la page d'accueil

Dernière mise à jour 6 juin 1999

Page d'accueil|Sommaire| Jubilé|Activités| Informations nationales| Informations internationales