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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole 15 février 1999 vol. 25 numéro 2


DES TÉMOINS POUR NOTRE TEMPS
De nos jours encore, des jeunes et moins jeunes cherchent à orienter leur vie vers quelque chose de beau, de bien, de grand et d'utile.

Cette rubrique qui se veut mensuelle souhaite piquer au vif l'intérêt de chacun, et contribuer à la découverte que la sainteté, dans l'Église de Jésus, est aussi un appel pour notre temps.
N.D.L.R.


Pierre Goursat, fondateur de la Communauté de l'Emmanuel

Pierre Goursat est un parisien, un converti, un évangélisateur. Parisien, il l'est né, et il l'est resté toute sa vie. Dès sa naissance, le 15 août 1914, il habite en face de Saint-Philippe du Roule, faubourg Saint-Honoré, jusqu'aux dernières années de sa vie où il habitera la péniche. Sa conversion se situe à l'âge de 19 ans alors qu'il était soigné pour tuberculose au plateau d'Assy. Un jour, il s'aperçut brusquement qu'il ne pensait plus à son frère Bernard, son cadet de deux ans, mort soudainement à l'âge de 10 ans. Ce fut comme si son frère lui disait: "Tu ne penses plus à moi parce que tu as le coeur dur, tu es orgueilleux." Pierre se mit à genoux au pied de son lit de malade et rencontra à cet instant le Christ d'une façon telle qu'elle illumina toute sa vie. Il coupa alors avec la conception de la vie raffinée et esthétique qui était liée à son tempérament d'artiste. Il se mit à approfondir sa foi, à prier, à évangéliser.

UN ADORATEUR DE L'EUCHARISTIE

Il mena alors toute une série d'actions
d'évangélisation, notamment avec la ligue de l'Évangile de l'abbé Lécailler. Certains auraient voulu qu'il devienne prêtre mais toujours, d'une façon ou d'une autre, le Seigneur lui faisait entendre clairement que sa vraie vocation était celle d'adorateur laïc. Pendant la guerre, il rencontra le cardinal Suhard, archevêque de Paris, dont il devint intime. Le cardinal Suhard est l'un des premiers à s'être aperçu de la déchristianisation de la France et de la nécessité de ré-évangéliser le pays. A son tour, il confirma Pierre dans sa vocation de demeurer dans le monde pour y témoigner de la foi et y être un adorateur de l'eucharistie.

En 1944, Pierre sortit d'une aventure dangereuse grâce à l'intervention de la Vierge Marie comme il l'a raconté de nombreuses fois. Ce fut aussi une expérience spirituelle. Comme il avait rencontré Jésus, il rencontrait maintenant Marie. Pratiquement tous les ans, dès lors, il se rendit à Lourdes. A cette époque, il se consacra à l'évangélisation à travers les livres, les revues et la participation au Cercle catholique des Intellectuels.

Il s'orienta ensuite vers le cinéma dont il devint un grand spécialiste. Il était persuadé que le cinéma influençant de plus en plus le comportement, il était nécessaire que les chrétiens y soient présents. Il fonda une revue de critique cinématographique, devint l'ami et parfois le conseiller de plusieurs metteurs en scène et exerça pendant dix ans la fonction de secrétaire de l'Office catholique du Cinéma. Il organisait de grands débats avec présentation des films. Cependant il était toujours malade de la tuberculose et lui arrivait de quitter son lit juste pour participer à ces rencontres.

En 1970, il prend sa retraite et se met à prier dans les deux petites chambres de bonne de cinquième étage qui constituaient son pauvre logis. Son désir ardent de faire connaître Jésus le pousse à réunir des jeunes sous des prétextes divers afin de les ouvrir à l'espérance de Dieu. C'est ainsi qu'une jeune fille se convertit alors qu'il lui lit la phrase de Jésus à la Samaritaine: "Si tu savais le don de Dieu..." A une autre occasion, il aide aussi l'écrivain Maurice Clavel à prendre conscience que la crise qui le secoue est une recherche de Dieu. Clavel se convertit. Il écrira quelques années plus tard un livre intitulé "Ce que je crois" et qui allait être l'occasion à son tour de la conversion de beaucoup.

NAISSANCE DE L'EMMANUEL

Pierre était un ami du père Caffarel qui, après avoir fondé les équipes Notre-Dame, avait organisé une célèbre maison de prière à Troussures. Une jeune interne en médecine, Martine Laffitte (aujourd'hui Catta), sur les conseils du père, animait une école d'oraison à Paris, rue du Cherche Midi. Martine et Pierre firent connaissance à Troussures.
Fin 1971, Pierre entend parler du Renouveau charismatique par le père Régimbal. Il en parle à Martine qui ne comprend rien, sauf qu'il a fait une découverte très importante. Quelques mois après, les 11 et 12 février 1972, le père Caffarel organise un week-end à Troussures au cours duquel Brigitte et Xavier Le Pichon témoignent du Renouveau. A la fin de ce week-end, tous les participants demandent la prière pour l'Effusion de l'Esprit.

Pierre et Martine se retrouvent dès lors tous les jours pour prier. L'Emmanuel était né. En mai 1972, leur groupe de prière, rue du Cherche Midi, compte cinq personnes. Un an après, il en a 500. Le groupe, tout en se divisant, garde son unité et reçut le nom d'"Emmanuel". C'était un lieu de grâces. "On avait le sentiment d'y revivre la Pentecôte", témoigne Martine. Dans l'Emmanuel, sous l'intuition de Pierre, un certain nombre de membres passent progressivement à une communauté plus engagée. Parallèlement, mystérieusement naît aussi au sein de l'Emmanuel la Fraternité de Jésus qui se révèle comme le foyer stimulateur de la vie et de la croissance de la Communauté. Encouragé par Martine et par le père de Monléon qui les avait rejoint très rapidement, par Marthe Robin qu'il est allé consulter, Pierre accepte la responsabilité de l'Emmanuel qu'il assura jusqu'à 1985. Il démissionne alors volontairement estimant que sa santé ne lui permet plus d'assumer cette charge. Il est pendant tout ce temps le véritable inspirateur du charisme de la Communauté de l'Emmanuel, de son organisation. Il la pousse à évangéliser dans tous les domaines et à s'engager résolument dans le monde moderne. Les grâces fondamentales, la physionomie, les statuts de la Communauté étaient ainsi bien dessinés lorsqu'il meurt sur la péniche le 25 mars 1991. Ainsi ce grand ami de la Vierge Marie et de l'Esprit Saint était né le jour de l'Assomption et mort le jour de l'Annonciation.

TOUTE LA PLACE POUR DIEU

Une communauté, quelle qu'elle soit, garde toujours quelques traits de la personnalité spirituelle de son (ou de ses) fondateur. C'est pourquoi il est tellement important de la connaître. Pierre avait une riche personnalité dont nous ne pouvons donner ici que quelques aperçus.

Pierre était un homme complètement donné. Donné à Dieu et donné aux autres, sans aucune réserve. Lors de sa conversion radicale, Dieu prend immédiatement presque toute la place dans sa vie. Il voulait que le Seigneur grandisse en lui chaque jour. Cela ne l'empêchait pas d'être tout à fait humain avec son caractère original, difficile pour lui à canaliser. Peu à peu cependant et particulièrement sur la fin de sa vie, il s'abandonnait de plus en plus. Ce Dieu auquel il s'était donné était le Dieu d'amour, le Dieu proche. Il vivait profondément le nom de la Communauté: Emmanuel, Dieu-avec-nous. C'est lui qui relança le message d'amour du Coeur de Jésus à Paray-le-Monial, son appel aux hommes pour qu'ils deviennent ses amis.

Cette proximité avec Jésus, elle n'est nulle part plus intense que dans l'Eucharistie. Pierre a été un adorateur de l'Hostie et il en a fait le charisme premier de l'Emmanuel. "Il s'est consumé dans l'adoration", disait à ses obsèques monseigneur Albert-Marie de Monléon. Pierre passait des heures en prière, de jour comme de nuit. Là, il portait le souci de tous ses frères, les intentions de l'église, et surtout comme saint Dominique il intercédait pour les pécheurs.

Pierre, en effet, n'avait pas un coeur indifférent. Il était très présent à chacun. On avait l'impression qu'on ne pouvait jamais le déranger. Il accueillait avec compassion toutes les souffrances, les appels, les besoins des autres, et d'abord de ses frères de Communauté. Il avait parfois une forte grâce de consolation pour les autres. Quant à lui, il donnait à Jésus au fur et à mesure, tout ce qu'on lui confiait.
ADORATION ET COMPASSION ALLAIENT AINSI DE PAIR.

Pierre éprouvait une grande compassion, en particulier, pour ceux qui ne connaissaient pas le Seigneur. Il n'y a pas de plus grande misère que la misère spirituelle. Aussi Pierre parlait-il sans cesse de l'évangélisation, même et surtout avec des moyens tout simples, même et surtout avec des gens simples. Pour lui, l'Emmanuel n'existait que pour évangéliser. Dans ce domaine, il était d'une inventivité formidable. C'était réellement un visionnaire mais un visionnaire actif.

Quant à lui, il ne se prenait jamais au sérieux. Au contraire, il disait qu'il était selon l'expression de l'écriture "un pauvre vermisseau". Mais il était persuadé que la Communauté avait été voulue par Dieu, et que le Seigneur utilisait même ses maladresses et ses erreurs. Par contre, il estimait, à l'exemple de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus qu'il ne fallait pas non plus s'attarder indéfiniment sur ses misères. Il proposait d'en faire un grand feu de joie, de ne plus se contempler sans cesse dans ses faiblesses et de brûler de l'amour de Dieu dans la louange. Il a été une âme de louange. Une des grandes joies de sa vie a été de voir ses frères et soeurs de Communauté entrer dans les mêmes perspectives, et la louange s'étendre de plus en plus.
UN HUMBLE FONDATEUR

Ainsi, Pierre avait une humilité radicale et simple. On a pu dire à sa mort qu'il était "un humble fondateur", et cela est profondément juste. Son humilité devant Dieu et devant les autres lui donnait la possibilité d'accueillir des personnes très différentes, voire même humainement opposées à lui. Il a appris cela à sa Communauté, et cette richesse d'âges, d'origines, de tendances, est demeurée un des grands paris et une des grandes grâces de l'Emmanuel.
Cette humilité lui donnait une grande écoute de l'Esprit Saint. Elle rendait sa forte volonté complètement disponible à celle de Dieu. Beaucoup ont fait l'expérience qu'il n'hésitait pas à changer ses projets après avoir prié, qu'il modifiait sa propre idée quand un interlocuteur lui exposait quelque chose de plus valable.

LIBRE POUR AIMER

Enfin, Pierre était un homme très libre. Quand on le voyait, on avait le sentiment d'un être extrêmement original. Mais cette originalité était le revers de sa liberté intérieure. Il n'était coincé par aucune structure. Profondément traditionnel au meilleur sens du mot, il n'était absolument pas conservateur. Il fallait créer un monde nouveau, il fallait aller de l'avant. Il fallait renouveler l'église, qu'il aimait passionnément. C'est pourquoi il ne se laissait pas arrêter par des affaires secondaires et transitoires.

Tels sont quelques-uns des traits que Pierre a voulu transmettre à ses frères et soeurs de Communauté. On pourrait largement développer ce portrait. Mais nous ne serions pas exacts si nous ne disions que tout cela était enrobé d'une grande joie: joie de la présence de Dieu, joie de l'action de Dieu, joie de vivre avec des frères. Marthe Robin s'en faisait l'écho un jour en disant: "Je vais prier pour que l'Emmanuel évangélise avec joie."




Extrait du livre, A l'école des saints de Bernard Peyrous et Hervé-Marie Catta, reproduit avec autorisation. N.D.L.R.

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Dernière mise à jour 18 février 1999

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