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Selon Sa Parole septembre 1998 vol. 24 numéro 7

DES TÉMOINS POUR NOTRE TEMPS

De nos jours encore, des jeunes et moins jeunes cherchent à orienter leur vie vers quelque chose de beau, de bien, de grand et d'utile.

Cette rubrique qui se veut mensuelle souhaite piquer au vif l'intérêt de chacun, et contribuer à la découverte que la sainteté, dans l'Église de Jésus, est aussi un appel pour notre temps.
N.D.L.R.

UN PASTEUR SELON L'ESPRIT DES APOTRES
le bienheureux François de Laval (1623-1708)
Hermann Giguère

François de Laval, naît à Montigny-sur-Avre en France en 1623. Après avoir fait ses Lettres et sa Philosophie au collège de Laflèche, il entreprend sa Théologie au collège de Clermont à Paris en 1641. Destiné à l'état ecclésiastique, il doit toutefois à la suite de la mort de ses deux frères aînés prendre la responsabilité de la famille des Montigny. Il continue son cheminement vers le sacerdoce qu'il reçoit en 1647. Il renonce plus tard à la Seigneurie de Montigny et à ses droits, il séjourne à l'Ermitage de M. de Bernières à Caen de 1654 à 1658. Il est choisi comme vicaire apostolique au Tonkin, puis par la suite il accepte d'aller plutôt au Canada qu'on appelait alors la Nouvelle-France. Il est sacré évêque à Paris dans la chapelle de la Vierge (aujourd'hui disparue) de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le 8 décembre 1658 à l'âge de 35 ans. Il arrive à Québec le 16 juin 1659. Il y demeure jusqu'à sa mort si l'on fait exception de ses trois voyages en France. L'évêché de Québec est érigé en 1674. Après sa démission en 1685, Mgr de Laval revient au Canada en 1688, se retire au Séminaire de Québec qu'il avait fondé et y meurt en 1708.

PRIS TOUT ENTIER PAR SON MINISTERE

Cet évêque du dix-septième siècle, très lié aux milieux de la renaissance religieuse en France et aux efforts missionnaires qui accompagnent l'ouverture de nouvelles contrées au commerce et à la colonisation, nous présente un visage de pasteur remarquable.

François de Laval n'a pas laissé d'écrits spirituels majeurs. On a conservé de lui surtout des mandements, des lettres, des rapports au Roi de France ou au Pape. En les parcourant, on découvre une activité pastorale innovatrice et intense. Il a été pris tout entier par son ministère de pasteur et son expérience spirituelle, dont il parle peu, a été continuellement modelée par la tâche pastorale qu'il a choisie ou qui s'est imposée à lui. Bien qu'ayant fréquenté les milieux des Aa, l'Ermitage de Caen de M. de Bernières, les Jésuites auxquels il resta toujours très attaché, il garde une heureuse liberté vis-à-vis ces influences. C'est son ministère qui est premier. Et s'il est bien un homme du XVIIe siècle par ses pratiques de mortification, par exemple, que le frère Houssart se plaît à répertorier d'une façon minutieuse ou encore pas ses dévotions comme la dévotion à la Sainte-Famille et aux saints Anges, François de Laval est aussi un pasteur comme le souhaite le Concile Vatican II, accomplissant son ministère "dans la sainteté, avec élan, humilité et courage" et y trouvant "un moyen idéal de sanctification."

Le bienheureux François de Laval en effet s'est laissé totalement pénétrer par son ministère. Les témoignages des contemporains insistent sur ce point. La Mère Juchereau admire en lui "toutes les vertus que saint Paul demande à un évêque." Monsieur de Vilermaula, prêtre de Saint-Sulpice à Montréal, à la mort de Mgr de Laval, regrette "un pasteur plein de l'esprit des apôtres et tout semblable à ces saints évêques qui sont aujourd'hui l'objet de notre culte." Le rayonnement de François de Laval est perçu à partir de son ministère de pasteur parce que son expérience spirituelle personnelle est entièrement imprégnée par son ministère.

ANIME PAR LA CHARITÉ PASTORALE

On peut dire, que François de Laval, sans être bérullien au sens strict, illustre la vision bérullienne du pasteur dont la vie n'est pas séparée de la fonction et où "ce qui compte avant tout pour un prêtre c'est d'être prêtre, comme ce qui importe à une créature est d'être créature et à un chrétien d'être chrétien: ratifier son état." Il y a chez François de Laval une unité et une harmonie de vie qui est le fruit d'une charité pastorale sans cesse en éveil. Il ne peut, comme plusieurs évêques le font en son temps, séparer le ministère pastoral (la "cura animarum") de sa charge d'évêque.

C'est pourquoi, il s'emploie à faire plusieurs fois la visite pastorale dans ces régions où la faible densité de la population dispersée sur un immense territoire rend l'entreprise des plus ardues (environ 2 000 habitants en 1659, partagés entre trois centres de peuplement, Québec, Trois-Rivières et Montréal, sur une distance d'environ 250 kilomètres). On le voit "mené dans un petit canot d'écorce par deux paysans, sans aucune suite que d'un ecclésiastique seulement" nous raconte les Relations des Jésuites. Il s'arrête pour les confirmations même là où il n'y a que 3 ou 4 familles. A son arrivée à Québec, il n'avait eu rien de plus pressé que de visiter les 60 à 75 familles qui formaient l'agglomération principale de la colonie de ce temps. Puis, il se lançait "sur les neiges dès son premier hiver pour visiter ses ouailles, non pas à cheval ou en carrosse, mais en raquettes et sur les glaces".

Démissionnaire, l'évêque de 65 ans, après un séjour de 4 ans et demi en France, demande à se retirer à Québec. C'est avec son peuple qu'il veut terminer sa vie. "Si je retourne, ce n'est uniquement que pour y achever de finir mes jours en repos et avoir la consolation de mourir dans le sein de mon Église" écrit-il au Ministre du Roi Louis XIV, M. de Seigneley. A quatre-vingts ans, il fait encore une fois, le voyage de Québec à Montréal pour aller confirmer en l'absence de l'évêque Mgr de Saint-Vallier retenu en France.

AU SERVICE DE TOUS

François de Laval se situe dans le sillage d'un Charles Borromée à Milan, "la lumière des Prélats de nos derniers temps" dira-t-il. Pasteur d'un immense territoire aux dimensions de l'Amérique dont on voulait faire une province de France, il a consacré toute sa vie et ses énergies a son peuple. Aucune catégorie de personnes n'échappait à sa sollicitude.

L'évangélisation des Amérindiens lui tenait à coeur. Il y voyait "l'emploi le plus important dans l'Église". Il a combattu pour faire respecter leur dignité d'homme en s'opposant aux commerçants qui les exploitaient par la traite de l'eau-de-vie "pour tirer d'eux des castors", comme dit Marie de l'Incarnation dans une lettre à son fils Dom Claude Martin en 1662.

De même avec les colons et le reste de la population, il a maintenu un contact étroit et suscité une solidarité qui s'est manifestée dans la mise sur pied de confréries comme celle de la Sainte-Famille.

Pour les prêtres diocésains, il a voulu qu'ils soient regroupés dans un Séminaire rattaché au Séminaire des Missions-Étrangères de Paris "pour servir de Clergé à cette nouvelle Église".

Cette sollicitude pour les personnes est la marque authentique d'un pasteur. Le P. Ragueneau reconnaît avec admiration en Mgr de Laval "un modèle parfait des véritables évêques".

Comment ne pas reconnaître ici chez le bienheureux François de Laval la disponibilité et l'esprit de service qui modèleront toute son expérience spirituelle personnelle.

"...Au milieu de toutes ces agitations, écrit le bienheureux François de Laval lui-même, à l'occasion des tensions avec son successeur après qu'il soit devenu évêque retraité, nous ne devons pas nous abattre si les hommes ont du pouvoir pour détruire, la main de Notre-Seigneur est infiniment plus puissante pour édifier. Nous n'avons qu'à lui être fidèles et le laisser faire." Après le premier incendie du Séminaire, le supérieur de Paris témoignera de la constance qu'ont montrée "nos Messieurs du Canada" et "surtout Mgr l'ancien Évêque, qui a vu de ses yeux son ouvrage de quarante ans détruit en peu d'heures, en bénissant Dieu sans verser une larme ni jeter un soupir, quoiqu'il soit âgé de quatre-vingts ans".

On retrouve de façon éminente dans sa vie ce que le Concile Vatican II propose aux prêtres; "A la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des événements de l'existence" (Décret sur le ministère et la vie des prêtres du Concile Vatican II, numéro 18). C'est cette expérience de foi confiante que François de Laval a vécue au long de sa vie. Découvrir à travers les événements la "main de Notre-Seigneur ... puissante pour édifier" et lui être fidèle, voilà une des lignes dominantes de l'expérience spirituelle de François de Laval.

A mesure que Mgr de Laval avance en âge, les fruits d'une ouverture amoureuse à la volonté de Dieu à travers les événements se manifestent dans une constance, une patience et un abandon qui grandissent.

CONCLUSION

Tout en étant consacrée en grand partie à l'établissement d'institutions, l'oeuvre pastorale du saint évêque, François de Laval, visera surtout à rejoindre les coeurs et à les ouvrir à la Bonne Nouvelle vécue fraternellement, fidèlement et radicalement. C'est pourquoi, il rappellera, avec un brin d'humour peut-être, aux missionnaires Claude Trouvé et François de Salagnac que, si "la langue est nécessaire pour agir avec les Sauvages, c'est toutefois une des moindres parties d'un bon missionnaire, de même que dans la France, de bien parler français, n'est pas ce qui fait prêcher avec frui."
NOTE D'AUTEUR



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Dernière mise à jour 29 septembre 1998

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