SSP 2001 n.3 Les âges de la foi. Gérard Desrochers, C.Ss.R.

Les âges de la foi
Gérard Desrochers, C.Ss.R.

En ce début du IIIe millénaire, Selon sa Parole nous entretient de la foi. Ce thème est fondamental dans notre vie chrétienne. La Parole de Dieu ne cesse de nous instruire sur la valeur primordiale de la foi. La foi nous ouvre au Seigneur, nous justifie, nous fait vivre. " Mon juste vivra par la foi " (He 10, 38).

Si la foi est notre vie comme enfants de Dieu, sommes-nous toujours conscients de son importance ? Voulons-nous croître dans la foi ? Pauvres de nous ! Notre foi est facilement incomprise, contrefaite, polluée, sous-alimentée !

Dans la vie de foi, il y a des enfants, des adolescents, de jeunes adultes, des gens qui ont atteint la maturité. Où en sommes-nous ?

Comme l'aveugle de naissance

L'évangile nous raconte qu'un jour Jésus guérit un homme aveugle de-puis sa naissance. Les pharisiens s'approchèrent de cet homme pour savoir qui l'avait guéri. L'aveugle d'autrefois ne connaissait pas encore la divinité de Jésus ; il se contenta de dire : " Celui qui m'a guéri est un homme du nom de Jésus ". Connaissance bien rudimentaire que celle-là ! Un peu plus tard, on l'approcha de nouveau pour identifier son guérisseur. L'aveugle, mieux renseigné, de répondre : " C'est un prophète ! ". Une troisième fois, la question lui fut posée : " Qui t'a guéri ? ". Et lui d'affirmer : " C'est un homme de Dieu ! " Il saisissait de plus en plus la grandeur de Jésus. Alors Jésus révéla sa divinité. L'aveugle guéri proclama sa foi " et se prosterna devant lui " (Jn 9).

Les hommes et les femmes d'aujourd'hui admirent Jésus, mais beaucoup ne le connaissent que superficiellement. Ils voient en lui l'homme de bien, ils le proclament même prophète, ils le déclarent homme de Dieu. Ils s'arrêtent là, car la faiblesse de leur foi ne leur permet pas de découvrir en Jésus le Fils de Dieu, notre unique Sauveur.

Foi sociologique ou foi adulte personnelle

La foi s'est transformée, du moins extérieurement. Elle éclatait au grand jour dans la société d'il y a quelques décennies. Elle se vivait de façon ostensible et uniforme dans un univers chrétien. Nos institutions étaient catholiques, nos hôpitaux étaient catholiques, nos écoles étaient catholiques. La foi ne semblait pas varier d'un individu à l'autre, même si certains paraissaient plus fervents.

La société a changé. Elle évolue à un rythme accéléré dans une civilisation marquée par la laïcité et l'individualisme. La foi s'absente de la vie sociale et publique ; beaucoup s'efforcent de la reléguer au seul secteur privé.

Autrefois fortement sociologique, la foi, don de Dieu, s'avère de plus en plus une réponse personnelle à Dieu. Pour résister au raz-de-marée paganisant, elle se doit d'être une foi grandissante, adulte et aguerrie.

La foi dans ses langes

Malheureusement, notre foi chrétienne et catholique est souvent restée dans ses langes. Permettez-moi l'expression : c'est alors une foi en culottes courtes ! Nous avons grandi dans nos connaissances humaines et professionnelles sans le faire dans notre foi. Souvent, nous n'avons que les croyances apprises dans l'enfance. Nous nous sentons mal à l'aise dans notre foi, comme tout adulte se sent mal à l'aise dans des vêtements d'enfant. Gênés par une foi étriquée, nous la dédaignons, nous la cachons, nous la rejetons.

Nombreux ceux et celles qui condamnent l'éducation chrétienne reçue dans leur enfance ! Comme s'il fallait enseigner aux enfants comme à des adultes ! Comme s'il ne nous fallait pas poursuivre notre éducation chrétienne pour qu'elle s'enrichisse et soit permanente !

Plusieurs, devenus adultes, sont éblouis par la foi dont ils découvrent toute la richesse, lors d'une retraite, d'une session, au contact d'un mouvement chrétien ou d'amis fervents. Parmi ces adultes, certains rencontrent le Seigneur dans une religion nouvelle, hors de l'Église qu'ils accusent de leur avoir caché la Parole de Dieu. Ils ouvrent leurs yeux émerveillés au soleil de la vérité et de l'amour. Ils " cliquent " enfin pour Jésus, de façon totale et définitive ! Ayant découvert le Christ, plusieurs de-viennent ses apôtres.

Et si nous étions en croissance

.Il y a des âges de la foi, m'enseignait un professeur. C'est vrai, mais cette réalité échappe à beaucoup. Plusieurs, néo-convertis ou non, se croient établis dans les 7e Demeures dès qu'ils se convertissent au Seigneur, souvent après plusieurs années de négligence religieuse. Ils sont convaincus d'être au sommet, dans la voie unitive, dans le mariage spirituel et l'union transformante ! Je ne nie pas qu'il puisse en être ainsi, car l'Esprit saint est libre de projeter en avant les âmes qu'il choisit. Lui seul fait la sainteté.

Mais il est normal, selon la Parole de Dieu, celle de la Bible et celle de la Tradition, et selon l'enseignement de l'Église, que l'âme passe par la purification spirituelle et la pratique des vertus, avant de s'unir au Seigneur dans une intimité stable et toujours croissante. Le chemin de la croix est le chemin indiqué par le Christ Jésus. Seul ce chemin assure la fidélité au Seigneur, la croissance spirituelle et la ressemblance avec lui. " Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive " (Mc 8, 34).

Le jour où nous avons été " baptisés dans l'Esprit ", on nous a dit que cette effusion de l'Esprit était un début de vraie vie chrétienne. Emballés, nous avons cru que c'était le sommet, le couronnement de la vie avec Jésus. Pourtant, le Grand Amoureux a bien d'autres dons !

Il y a des âges de la foi. L'ignorer, c'est se leurrer, c'est vouloir sauter des étapes, c'est cesser de grandir spirituellement. Faute de le savoir, de nombreux parents souffrent d'une angoisse mortelle face à leurs enfants qui en sont au commencement d'une vie de foi. Les édifices ne se construisent pas à partir du toit. Il faut creuser le sol, établir les fondations, puis élever les murs, ériger le toit et enjoliver.

L'époque du lait et du miel

Beaucoup de chrétiens, même aux cheveux blancs ou clairsemés, ne goûtent dans leur foi que le lait de l'enfance, incapables de digérer des aliments plus soli-des (He 5, 12-14). Saint Paul s'en plaint (1 Co 3, 2). Ne sommes-nous pas du nombre ? Ne laissons pas l'anxiété et le découragement nous envahir. Réjouis-sons-nous ! Le Seigneur a une réserve infinie de cadeaux pour nous. Ne cessons pas de nous émerveiller et de grandir dans la foi.

Les enfants sont merveilleux. Mais ils ne vivent que pour l'immédiat. Ils babillent et fredonnent en autant qu'ils reçoivent. Ils ne songent pas encore à donner.

Il y a encore des chrétiens qui sont enfants, non pas de cette enfance spirituelle dont parle la petite Thérèse, mais des enfants dans la foi, peu enclins à l'engagement. Ils attendent sans cesse des consolations ; ils se troublent et se découragent lorsque surviennent la désolation et l'épreuve. Ils cessent parfois de prier. Sommes-nous du nombre ?

Ils vivent de lait et de miel ; ils n'acceptent que du " tout cuit ". Leur vie chrétienne est plutôt d'ordre sentimental. C'est bien, mais Dieu veut mieux ; il veut une foi et un christianisme plus en profondeur. La foi est une vie qui, loin de stagner, croît sans cesse jusqu'à devenir parfaite dans le Christ (Col 1, 28).

Les turbulences de la croissance

Physiquement, nous ne sommes pas toujours des enfants. Nous entrons un jour dans le monde de l'adolescence, d'une adolescence qui se poursuit de longues années, peut-être plus que jamais, quelles que soient les connaissances acquises.

Cette chère adolescence, comme elle nous captive avec ses rêves en couleurs, ses idéaux sublimes, la découverte de la beauté sous toutes ses formes ! Comme elle nous char-me avec son romantisme et son radicalisme ! Comme elle nous surprend avec ses hauts et ses bas les plus imprévus ! Comme elle nous inquiète avec son rejet sans compromis de toute autorité ! Comme elle affiche une certaine insécurité et la conviction d'être incompris ! L'adolescence, cette longue traversée du désert avant d'atteindre la terre promise. Que les parents ne tirent pas sur la fleur pour qu'elle pousse plus vite ! Qu'ils soient des témoins authentiques et heureux des valeurs humaines et chrétiennes !

Dans la vie de foi, que d'adolescents et d'adolescentes parmi les personnes qui ont atteint les 40, 60 et même les 80 ans ! Nous les trouvons à l'extérieur et à l'intérieur des mouvements religieux. Nous sommes peut-être nous-mêmes de ces adolescents spirituels ! Il y en a tant. Certains sont plus radicaux : ils s'enflamment contre l'Église, la condamnent vertement, critiquent avec force son passé et les traditions les plus sacrées !

Je me permets de répéter que tout âge de la foi est beau, pourvu qu'on ne cesse pas de croître.

Il est merveilleux de voir ces adolescents spirituels, épris d'idéal, enflammés pour le Christ, soucieux de transformer l'Église et le monde. Mais le radicalisme de leur adolescence spirituelle ne leur donne souvent que des résultats frustrants. Leur foi, malgré les apparences, n'a pas encore atteint sa maturité. Sommes-nous du nombre ?

Il faut retrousser hardiment ses manches

La foi continue de grandir ; du moins, espérons-le. Elle quitte l'adolescence. Le chrétien et la chrétienne deviennent alors de jeunes adultes, bouillonnants de vie, avec le sens du devoir et de la responsabilité. Quel que soit l'âge physique, ne l'oublions pas ! Ces jeunes adultes dans la foi se dévouent pour l'Église et le monde, pour le diocèse et la paroisse, dans les mouvements, au sein de leur foyer. Leur foi bien vivante brille dans l'éducation de leurs enfants ; elle se révèle dans une multitude d'œuvres, au service du Seigneur et de l'Église. C'est merveilleux ! Ils sont, apparemment, nos meilleurs chrétiens et chrétiennes !

Mais, un jour, se révèle avec acuité la crise de leurs limites. Ainsi, en est-il pour nous tous. Que ces jeunes adultes soient prêtres, religieux, religieuses ou laïques, ils s'étaient juré de changer l'Église et le monde, le diocèse, la paroisse et leur communauté. Rien n'a changé, rien ne change !

Alors, des adultes spirituels se suicident spirituellement ; déconcertés, ils lâchent tout, ils ne veulent plus s'occuper de quoi que ce soit ! D'autres veulent résister, ils s'obstinent, multiplient leurs efforts et se brûlent !

Cependant, il y a des adultes spirituels qui traversent la crise de leurs limites en continuant leur ascension dans la foi, en s'ouvrant totalement au Seigneur et à son Esprit. Ils se souviennent de ce beau texte biblique : " Si Yahvé ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs " (Ps 127, 1). Alors vraiment, ils atteignent la maturité de la foi ! Par la force de l'Esprit, ils se sanctifient et ils deviennent de grands apôtres.

Le temps serein de la récolte

Quand un homme ou une femme grandissent dans leur vie de foi, dépassent l'étape de l'enfance fragile, quand ils s'élèvent au-dessus des turbulences de l'adolescence et ne se contentent pas de leurs propres efforts de jeunes adultes de la foi, quand ils sortent victorieux de la crise de leurs limites chrétiennes, ils atteignent la maturité de leur foi chrétienne. Ainsi, forts de la présence reconnue de l'Esprit saint et de son action primordiale, ils s'établissent dans la confiance et la sérénité. Quel que soit leur âge physique, ils ont atteint le sommet de leur vie de foi ! Remplis d'Esprit saint à qui ils donnent la première place, ils produisent alors des fruits savoureux qui goûtent Dieu. Leur amour est oblatif.

Ne faut-il pas admirer ces prêtres, ces consacrés, ces laïcs nombreux et engagés qui brûlent d'amour de Dieu et du prochain ? Ils ont cheminé dans leur foi, ils ont grandi dans leur foi, ils ont revêtu le Christ. Grâce à l'Esprit saint, ils sont devenus d'autres Christs.

Oui, la foi a des âges ! L'oublier, c'est souvent nous enliser, ne pas avancer, risquer d'être de perpétuels enfants ou adolescents spirituels ! Disons avec saint Paul : " Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être " (Ph 3, 13).

Rédemptoriste, le père Gérard Desrochers s'occupe de la pastorale du sanctuaire et dirige le secrétariat à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré. Généreux collaborateur du Renouveau charismatique, il est membre du Comité de rédaction de Selon Sa Parole.

Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mai-juin vol. 27 numero 3


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Dernière mise à jour 10 octobre 2001

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