L'Église est toujours au printemps...
Gérard Desrochers


Nous sommes au printemps. Nous célébrons la fête chrétienne de Pâques, la gloire de la résurrection, l'aurore d'une vie nouvelle.

L'Église, malgré les apparences, est toujours au printemps. L'histoire, maîtresse de vie, nous l'enseigne. Il est approprié de nous le rappeler quand se font entendre les prophètes de malheur et les devins d'un sombre avenir. Jetons un coup d'œil sur les tournants majeurs de l'histoire.





Il y a 2000 ans, le temps n'était pas favorable à la proclamation d'un nouvel Évangile, mais pas du tout ! Le monde était blasé, impie et immoral. En l'univers païen, le moment n'était guère propice à la création d'une religion, austère en plus. Mieux valait attendre des jours meilleurs.

Un homme de Nazareth osa s'aventurer et clamer qu'il fallait s'aimer, que nous étions tous enfants d'un même Père. Le vent de l'indifférence et de la haine étouffait ses propos, mais il ne cessait de clamer son message.

Il répétait : " Aimez Dieu et aimez-vous, soyez humbles, pardonnez, faites du bien à vos ennemis ". Il faisait passer les personnes avant les lois. Il s'aliénait les autorités religieuses et politiques ; il lui arrivait de les traiter de races de vipères (Mt 12, 34) et de renards astucieux (Lc 13, 32). " Il court après les mauvais coups ", disait-on de lui.

Pour le faire taire, on le mit en croix. On étouffa la Parole. Tout semblait fini de ses beaux discours. Il ressuscita et ce fut l'aventure de l'Église qu'il avait fondée. Elle était si faible, si fragile, une petite secte, quoi !

Jusqu'au moment de la Pentecôte... Ce jour ne fut pas comme les autres. Marie, les apôtres et d'autres disciples furent envahis de l'Esprit promis par Jésus (Ac 1, 5•8). Ils devinrent brasier. Grâce à eux, grâce à Paul, grâce à une multitude de chrétiens, la terre s'enflamma.

Ce ne fut pas facile. La persécution régnait dans tout l'empire. Il n'était pas permis d'être chrétien sous peine de tortures brutales et de mort violente. Les erreurs se propageaient comme des vérités. Il y avait des sectes et des hérésies hautes en couleur. Il n'était pas facile d'y voir clair. Il fallait vraiment s'agripper à la pensée du successeur de Pierre, l'évêque de Rome. Autrement, il ne restait plus de critère universel de vérité.

L'Esprit saint suscitait les Pères de l'Église, les champions de l'orthodoxie. Il créait le monachisme. La course à la conquête pacifique du monde commençait, grâce à lui, l'Esprit !

L'Église vivait le printemps...

Une scène universelle de carnage

Vint l'affreuse nuit du Moyen Âge, l'Âge de fer.

Les barbares, nos ancêtres bien-aimés, chevauchaient partout. Chassés par les Huns de Mongolie, ils franchissaient le monde obscur de l'Europe du Nord. Ils pénétraient en hordes féroces dans l'empire romain dissolu et affaibli, s'emparaient des richesses, dévastaient terres et routes, détruisaient les églises. Rome devint un village presque abandonné. Que de drames ! Les chrétiens criaient à qui mieux mieux que c'était la fin du monde.

L'Esprit, pourtant, était là. L'Esprit, on l'oublie si souvent ! Quand la noirceur vient et que tout s'écroule, on panique. On rêve d'un passé qu'on idéalise ; on désespère de la survie de l'Église. On ne se remémore plus les promesses de Jésus : " Je ne vous laisserai pas orphelins " (Jn 14, 18) ; " Vous recevrez le don du Saint-Esprit " (Ac 2, 38) ; " Je bâtirai mon Église et les portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle " (Mt 16, 18). On oublie. On se crie des conseils éperdus, comme les apôtres dans la barque agitée par la bourrasque.

Le Moyen-Âge fut un temps de violence et d'immoralité. L'Église était ballottée par la mer en furie, la mer de ce monde.

Mais, par-dessus les hautes vagues, l'Esprit soufflait. Comme à toutes les époques de l'histoire, il peuplait le ciel de saints et de saintes : martyrs, missionnaires et mystiques. Saint Grégoire VII et saint Bernard suscitèrent un renouveau profond. Les Ordres Mendiants et les Tiers-Ordres furent créés. Une pépinière de saints bâtirent cathédrales et abbayes et nourrirent la piété populaire. S'instaura le temps de la chevalerie et celui de Notre-Dame. L'aurore chassait la nuit.

En Europe qui se christianisait, les nations modernes voyaient le jour. L'Esprit faisait lever la pâte de l'humanité du levain de l'Évangile.

L'Église vivait le printemps...

La robe du christ est déchirée

Jamais l'Église ne vécut de paix absolue, jamais elle n'en vivra avant le grand jour d'éternité, alors qu'elle deviendra " toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée " (Ép 5, 27).

Si, au 11e siècle, le monde orthodoxe se sépara de Rome, les brisures devaient se multiplier des siècles plus tard.

D'autres pans d'Église s'effondrèrent au 16e siècle. Il fallait s'y attendre après les lézardes causées par le grand schisme d'Occident, la période conciliaire, la renaissance païenne et la diminution de l'autorité papale.

Des pays entiers quittèrent avec fracas Rome et le pape. L'Église anglicane et les Églises réformées naissaient au grand jour. Les problèmes de foi et de mœurs divisaient les esprits ; se durcissaient les positions doctrinales ; régnait l'incompréhension des cultures. Les grands convoitaient les biens de l'Église. Les guerres de religion durèrent plus d'un siècle. L'avenir n'était que ténèbres. L'Adversaire se frottait les mains de joie. L'Église, robe du Christ, était déchirée.

Mais l'Esprit veillait. L'édifice de l'Église se relèverait. Le feu pétillerait de nouveau des cendres toujours chaudes. Il y eut, grâce à l'Esprit vivant, le concile de Trente, la réforme catholique, la fondation des Jésuites, la présence de saints et de saintes comme Charles Borromée, Robert Bellarmin, Pie V, Ignace de Loyola, François Xavier, Jean de la Croix, Thérèse d'Avila, Vincent de Paul, Louise de Marillac, François de Sales, Jeanne-Françoise de Chantal, plus tard Alphonse de Liguori et Marie-Céleste, Grignion de Montfort, Marguerite-Marie Alacoque, et tant d'autres. Ce fut une explosion missionnaire et mystique. L'Église se relevait, purifiée et plus vigoureuse que jamais.

L'Église vivait le printemps...

La fin d'un monde

L'Ennemi de tout bien ne se tient jamais pour battu. Vint un jour la Révolution française qui, comme un feu de brousse, se propagea à toute l'Europe. Les têtes royales tombaient aux cris de " Vive la liberté, vive la démocratie ! ". Un monde s'écroulait ; rien ne semblait présager un avenir meilleur. Le pape était traîné en exil et mourait abandonné de tous. On disait de lui, Pie VI, qu'il avait été le dernier pape et que l'Église s'éclipsait à tout jamais. Quelques années plus tard, on dira la même chose de Pie IX. On le proclame encore aujourd'hui.

Dieu, du haut du ciel, regarde les pauvres humains qu'il a créés et qui se rebellent sans cesse. Il regarde, il a pitié de leur folie et il ne cesse d'aimer.

Il sait que, sans son Esprit, nous ne pouvons rien. Il nous donne cet Esprit en abondance, l'Esprit source de vie, l'Esprit qui rallume sans cesse la flamme de l'espérance.

Un monde prenait fin ; un autre monde surgissait.

Il y eut un nouvel élan missionnaire, en Asie, en Afrique et en Amérique. Se multipliaient les communautés d'enseignement et de miséricorde, illustrées par tant de religieux et de religieuses. Des papes au long pontificat dirigeaient l'Église avec sagesse et sainteté. Le Mouvement d'Oxford facilitait le retour d'Anglicans au bercail de l'Église. La vie industrielle, froide et dure, n'empêchait pas les chrétiens de s'inspirer de la justice sociale de l'Évangile. De nouveaux saints surgissaient : Clément-Marie Hofbauer, le curé d'Ars, Jean Bosco, Bernadette, la Petite Thérèse... L'Église se nourrissait des fruits de l'Esprit.

L'Église vivait le printemps...

La déchristianisation, mort de l'église ?

Nous entrons dans le nouveau millénaire, fatigués d'une route interminable et rude, la route poussiéreuse de l'humanité. Les guerres se multiplient, plus meurtrières que jamais ; des génocides témoignent d'une barbarie sans nom.

Alors, pourquoi la foi en Dieu ? La vie matérielle, les développements technologiques, les découvertes en génétique, les voyages interplanétaires, l'éclatement de l'informatique, la force grandissante du laïcisme, tout porte à croire que Dieu devient inutile. On oublie que la vie est éphémère, on oublie la mort. Et puis, à bien y penser, pourquoi la craindre ? N'y a-t-il pas la possibilité de réincarnations ? Pourquoi la prière ? Tournons la page d'un monde chrétien rétrograde, d'une société chrétienne réactionnaire. Un Nouvel Âge est commencé. L'homme se suffit à lui-même.

Pendant ce temps, le monde est abasourdi par le fracas des arbres d'Église qui tombent ; on n'entend pas la forêt qui pousse. La forêt grandit sans cesse sous la force de l'Esprit ; sans bruit. La multitude des arbres de la forêt se balancent au vent de Dieu, sous le soleil divin. Des renouveaux surgissent, des mouvements et des communautés. Des fleurs de sainteté percent, malgré leur fragilité, le macadam de la vie païenne : Pie X, Maria Goretti, Charles de Foucauld, Maximilien Kolbe, Gemma Galgani, Frère André, Padre Pio, Marthe Robin, Mère Teresa, Jean Vanier. Nous avons un pape qui galvanise les foules, à la grande surprise de ceux qui croient l'Église agonisante. Des jeunes se rassemblent par milliers au nom du Christ.

Beaucoup ne vivent plus que pour le pain et les jeux, c'est vrai ; mais des laïcs, plus nombreux que jamais dans l'histoire, assument leurs responsabilités de baptisés et professent ouvertement leur foi au Seigneur. Le Saint-Père n'en finit pas de proclamer la sainteté de chrétiens et de chrétiennes de nos temps modernes, martyrs de la foi, confesseurs du Christ et de l'Évangile. Que dire du renouveau de la dévotion mariale, source de vitalité chrétienne !

L'Église vit son printemps.

...

Demain, dans mille ans, dans un million d'années, si Dieu continue de créer ce monde, on dira de notre époque qu'elle fut agitée sans doute, une époque de changements profonds et rapides, de déchristianisation massive, mais on ajoutera qu'elle fut une période de ferveur pour tous ceux qui ont dit oui au Christ et se sont ouverts à l'Esprit de sainteté.

Fernand Dumont écrivait : " Pour apprécier la santé d'un arbre, il ne suffit pas de faire porter son regard sur les feuilles, les branches, le tronc ; il faut examiner aussi la vie des racines ". Si, à certaines époques de l'histoire, les feuilles de l'Église accusent un peu de couleur rouille, toujours les racines sont en santé, car elles puisent dans l'humus de l'Esprit. " Là où est l'Église, là est l'Esprit ", disait saint Irénée.

La résurrection du Christ : un événement d'hier, une vie aujourd'hui.

Nous sommes privilégiés de vivre en ce temps d'Église.

L'Église est toujours au printemps...



Rédemptoriste, le père Gérard Desrochers s'occupe de la pastorale du sanctuaire et dirige le secrétariat à la basilique Ste-Anne-de-Beaupré. Généreux collaborateur du Renouveau charismatique, il est membre du Comité de rédaction de Selon Sa Parole.





Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 26 numéro 2


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Dernière mise à jour 30 mai 2000

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