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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole 15 janvier 1999 vol. 25 numéno 1

QUAND L'ÉPREUVE FRAPPE
Annette Chiasson
Au cours de notre vie, nous avons tous vécu des moments où nous avons été dépassés par des événements imprévus et déconcertants.

Nous publions ici le témoignage d'une famille acadienne durement éprouvée au cours des années. À l'âge de 45 ans, la mère est décédée laissant derrière elle plusieurs enfants, dont sept de moins de douze ans; un des fils, Claude, a été emporté par le cancer à l'âge de 26 ans; et entre les années 1979 et 1997, quatre tragédies de la mer ont affligé ces gens. Ils nous partagent les sentiments vécus lors de l'épreuve récente de la noyade d'un frère survenue au cours de l'été 1997, qui laissait dans le deuil une épouse, trois enfants, deux petits-enfants, sept soeurs et cinq frères.

TRAGÉDIE EN MERS

Cette journée-là, le ciel était bleu et le soleil radieux. Cette nature si belle semblait inviter notre frère Eldège à aller sur l'eau "chercher une traite de homard", comme il disait. Malheureusement, sous les traits d'une mer calme et sereine se cachait la tragédie. Sans le savoir, Eldège s'en allait entreprendre le grand voyage de l'éternité. Un accident absurde fit tomber à l'eau le capitaine expérimenté qui disparut et fut emporté par les flots. Heureusement, la foi nous fait croire qu'en cet instant suprême, le Dieu d'amour et de tendresse attendait sur l'autre rive les bras grand ouverts ce brave pêcheur mort en tenue de service comme ses deux autres frères.

C'est vers la fin de l'après-midi du 26 juin dernier 1997 que l'on nous annonçait par téléphone: "On vient de trouver le bateau d'Elphège à la dérive et il n'y a personne à bord". Telle est la désolante nouvelle que l'on nous apprenait. Réunis aussitôt sur le quai, nous regardions dans le lointain, criant notre chagrin à pleins poumons. Une fois de plus, la mer nous bousculait, jetant la tristesse et la désolation dans nos vies. Elle venait nous ravir un autre frère auquel nous étions si attachés.

Rappelons ici que nous vivions une quatrième tragédie de la mer dont trois victimes n'ont jamais été retrouvées. En 1969, notre frère Disma, âgé de 29 ans, s'est noyé dans les eaux de Terre-Neuve. En 1971, c'est notre capitaine Aristide, 44 ans, qui perdait la vie dans un naufrage; et en 1979, son fils René, âgé de 21 ans, périt au large des côtes du Cap-Breton. Puis maintenant, la disparition de notre frère Eldège, un événement douloureux accompagné de circonstances très difficiles. En effet, pendant dix-sept jours consécutifs on ne pouvait trouver son corps. Des efforts surhumains ont été fournis par des pêcheurs qui sillonnaient la baie, et par des équipes de plongeurs volontaires. Et presque toute la région s'était impliquée dans des recherches intenses le long des côtes.

Les réseaux de prières étaient bien branchés. Quelques-uns des membres de notre famille qui font partie du Renouveau charismatique participaient au congrès charismatique sui se tenait à Bathurst au début de juillet. Une foule de fervents imploraient le ciel et nous avions l'impression que c'était toute l'Église qui nous supportait. Dans le Bulletin paroissial, nous pouvions lire cette prière inspirée du psaume 33: "Dieu, qui es notre force dans la faiblesse et notre consolation dans l'épreuve, relève notre espérance et soutiens cette famille. Nous te confions celui que nous aimons, assurés que tu veilles sur lui comme un fils bien-aimé."

VIVRE DANS LA FOI

Cette quatrième noyade a beaucoup ébranlé notre famille. Même si devant ce choc brutal et le cauchemar de ne pas retrouver le corps, nous avions souvent le coeur à marée basse, nous gardions toujours confiance en celui qui est le maître de notre destinée. Nous avons donc essayé de vivre ce drame dans la foi, redoublant la prière et le jeûne.

Dieu s'est montré présent à nous dans cette dure épreuve. Il se manifestait parfois dans un songe ou à travers une prière en nous donnant des messages comme ceux-ci: "Sa main le conduira dans des eaux tranquilles", ou encore "Vous trouverez Eldège dans les coquillages." Il s'est également manifesté dans les paroles réconfortantes des gens sympathiques, il a pris le regard d'un proche qui venait apporter de la nourriture; il était dans le coeur d'un plongeur qui travaillait jusqu'à l'épuisement et il prenait la voix d'un ami qui pleurait au bout du fil.

Favorisés de la présence de notre frère prêtre, nous nous rendions prier avec la famille d'Eldège. Pendant tout le temps où s'effectuaient les recherches, nous allions célébrer la messe dans sa maison. Nous gardions espoir que le ciel finirait par écouter nos supplications et qu'un bon matin, la mer ramènerait sur le rivage le corps de notre frère. C'est justement ce qui s'est produit le dix-septième jour, alors que nous étions rassemblés dans l'église un samedi matin, accompagnés d'amis et d'enfants. Nous avons prié, pleuré et supplié durant plus de deux heures. C'est vers la fin de ce même après-midi qu'on nous apprenait que le corps d'Eldège venait d'être trouvé sur la grève. Nous étions soulagés, même si les plaies s'ouvraient à nouveau devant cette dure réalité. Les jeunes étaient convaincus que c'est parce que l'on avait prié très fort que le corps de leur oncle Eldège avait été trouvé. Cela venait confirmer que rien ne résiste à la puissance de la prière. Le bon Dieu avait aussi permis que le corps soit présent le jour des funérailles, dont la date avait été inspirée et décidé deux jours auparavant.

Dès le début, le Seigneur nous avait donné des signes qui nous ont permis de croire que sa Providence avait tout guidé et que ce n'était pas pour rien qu'Eldège était resté tout ce temps dans la mer. Non seulement il avait bénéficié de la prière de toute l'Église, mais que de personnes ont été interpellées à chercher Jésus davantage! Ses funérailles furent un vibrant témoignage de l'amour et de la foi d'une foule de parents et d'amis. Ce fut un moment d'une communion spirituelle très enrichissante avec lui et un temps de grâce pour tous.

Le Seigneur avait certainement préparé Jacqueline, l'épouse d'Eldège, à cette grande épreuve. Ayant déjà fait partie du Renouveau, elle a gardé le goût de se nourrir de la Parole de Dieu et tous les matins c'est cette Parole qui la fait vivre.

Le déchirement que la mort soudaine de cet autre frère a provoqué, nous fait prendre conscience du caractère unique et de la grandeur de chaque être humain. Le rôle que nous avons à jouer pour assurer le bonheur de nos proches est très important. Tout ce que nous faisons peut concourir à rendre la vie des autres plus belle et plus agréable. Puisque nous sommes un reflet des la bonté et de la tendresse de Dieu; on peut dire que toute personne est une histoire d'amour.

À cause de sa belle personnalité et de ses nombreuses qualité, Eldège a su toucher notre vie de bien des façons. Au-delà de la mort, il continuera à vivre dans le coeur de tous ceux qui l'ont aimé.

Cher Eldège, ton départ si tragique nous cause une blessure profonde, mais avec le secours de Dieu, le temps saura apaiser notre chagrin. La terre nous sépare; mais il nous semble encore t'entendre chanter là-haut sur ta guitare. On dirait que le ciel est plus proche de nous depuis que tu y es! Tu laisses en nous tant de beaux souvenirs: un père merveilleux, un mari exemplaire, un frère aimé, et un ami comme toi, ça ne se remplace pas.

Nous nous consolons à la pensée que désormais tu goûtes à la plénitude du bonheur et que tu jours d'un émerveillement continuel. Pour nous qui restons, il faudra poursuivre notre route et continuer d'oeuvrer sous le soleil jusqu'au jour où ce sera notre tour de passer sur l'autre rive.

Merci Seigneur d'avoir été là pour nous soutenir. Merci pour tous les gestes de compassion et de solidarité humaine remarquables dont nous avons été témoins. Merci pour ce frère merveilleux que tu nous as donné. Puisqu'il est ton enfant, nous le confions à ton coeur de Père. Reçois-le bien car il était lui aussi un papa chéri.

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Dernière mise à jour 20 janvier 19998

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