L'Eucharistie... mystère splendide de la foi !

par le Père Raniero Cantalamessa

Nous avons le bonheur de vous présenter l'homélie du père Raniero Cantalamessa au congrès tenu à Ottawa, du 5 au 9 août 1998.
Nous remercions vivement Noëlla et Raymond Houde qui ont avec patience tiré le texte entier de la cassette du congrès. Ils ont conservé le langage parlé pour un plus grand réalisme. Toutefois, les titres sont d'eux.
Nous vous le présenterons en deux parties : l'une, dans la présente édition ; l'autre, dans l'édition de mai - juin 2001.


Commentaire sur Matthieu 17, 14-21
Dans cet évangile, Jésus nous rappelle l'importance de la foi. " C'est à cause de votre manque de foi que vous n'avez pas pu délivrer cet homme d'un esprit mauvais ", dira-t-il aux disciples. Je me suis personnellement senti reproché cela par le Seigneur lorsque, après un échec dans mon service pastoral, je me suis demandé comme les apôtres : Pourquoi, Seigneur, je n'ai pas pu libérer cette personne, pourquoi je n'ai pas pu aider cette personne ? La réponse que j'ai entendue au fond de moi-même est précisément celle que Jésus donne dans l'Evangile : C'est à cause de ton manque de foi.
Il faut vraiment écouter souvent cette parole du Seigneur et la prendre comme une parole adressée à nous ; si nous avions plus de foi, il n'y aurait pas de limite à notre pouvoir spirituel. Pas de limite, cela ne veut pas dire que nous guérirons tout le monde et que nous réglerons tous les problèmes, mais il y aura une dimension spi-rituelle dans laquelle nous sortirons toujours vainqueurs à cause de la foi. La foi partage la prérogative même de Dieu. Dieu peut tout, rien n'est impossible à Dieu, nous le savons ; mais dans cet évangile, nous avons une autre dimension : rien ne vous sera impossible à vous aussi, si vous croyez. Donc, à la foi est promise la toute-puissance de Dieu lui-même ; c'est une toute-puissance de grâce, de condescendance. Il faudrait s'apercevoir, nous les chrétiens renouvelés dans l'Esprit, que nous avons dans nos mains une toute-puissance pour sortir vainqueurs de nos luttes personnelles dans notre ministère, dans les problèmes de nos familles. Il n'y a pas de problèmes si terribles, comme le divorce, par exemple, qui ne peut pas être changé par la foi de quelqu'un des membres.
Le mystère de la foi, l'Eucharistie
Je veux vous parler d'un objet de foi particulier et non de la foi en général, je veux précisément vous parler du mystère de la foi. Quel est le mystère de la foi ? À quelle occasion proclamons-nous le mystère de la foi ? À l'occasion de l'Eucharistie. Nous devons réfléchir sur l'Eucharistie, sur ce mystère de la foi. L'Eucharistie, dans un certain sens, c'est tout pour la vie chrétienne. Dans l'Eucharistie, nous revivons toute l'histoire du salut : la préparation, la Pâque juive, l'exode, l'agneau immolé, la manne qui tombe du ciel, l'eau qui sort du rocher, tous sont des symboles, des prophéties, des figures qui deviendront réalité dans la mort du Christ, dans la Résurrection du Christ qui est vivant. Tout cela nous est donné dans les sacrements : il y a la figure, l'avènement historique ; l'eucharistie rend pré-sente toute cette histoire du salut pour nous.
Elle avait bien raison, cette carmélite béatifiée il y a quelques années, sœur Marie du Crucifix ; cette petite arabe comme on l'appelle aimait tellement l'Eucharistie que ses compagnes avaient de la peine à la tenir à son poste jusqu'à la communion ; sitôt après la consécration, elle s'élançait et l'on avait peine à la retenir tant elle avait hâte de s'approcher et de recevoir le Christ. Dès qu'elle avait reçu le corps du Christ, elle retournait à son poste et on l'entendait dire à voix basse : " Maintenant, j'ai tout ! Maintenant, j'ai tout ! " et son visage rayonnait. Elle avait raison, car en recevant l'Eucharistie, nous avons tout : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
C'est notre mystère qui se célèbre sur l'autel. C'est une expression qu'employait souvent saint Augustin. Il ne voulait pas simplement dire que c'est le mystère parce que vous allez le recevoir, le partager dans la communion. Non, non, il voulait dire, c'est vous qui célébrez avec nous les prêtres. Vous êtes des protagonistes de ce mystère, pas seulement des spectateurs. C'est votre mystère qui se célèbre non seulement à la communion, mais aussi à la consécration.
Avant et après le concile
Lorsque je fus ordonné prêtre, c'est avant le concile évidemment, on célébrait alors la messe face au mur et en latin. Au moment de la consécration, le prêtre était invité par les rubriques à baisser la voix, à baisser la tête, à faire abstraction de tout ce qui se passait à l'entour et de s'identifier avec le Christ du Cénacle en prononçant les paroles : " Prenez et mangez... Prenez et buvez " en latin. Il n'y avait pas de communication du prêtre avec les fidèles. Le prêtre s'identifiait avec le Christ et, au nom du Christ, il prononçait ces paroles.
La réforme liturgique est venue changer beaucoup de choses. On a commencé à célébrer la messe face à l'assemblée, et en langue vernaculaire (langue du peuple). Puis aux prêtres, les rubriques ne disent plus que l'on doit baisser la voix, mais au contraire de parler à voix normale, en regardant l'assemblée, en prononçant ces paroles : " Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous... Prenez et buvez ".

Et le célébrant de la messe, c'est le Christ vivant, le Christ total
Cela m'a aidé à comprendre une chose assez importante, c'est que je ne pouvais pas m'identifier au Christ du Cénacle ; ce Christ est mort ; celui qui célèbre dans l'Eucharistie, c'est le vivant. C'est le Christ qui se définit lui-même dans l'Apocalypse comme étant : " Ce-lui qui était mort et qui maintenant est vivant pour les siècles " (Ap 1, 18).
Alors, le célébrant de la messe, c'est le Christ vivant, et si c'est le Christ vivant, il est toujours tête et corps uni, on ne peut jamais les séparer, c'est le Christ total. Alors lorsque le Christ parle dans la messe, il y a aussi l'Église qui par-le avec Lui. Le moi, le sujet de ces paroles de la consécration, c'est en même temps le Jésus historique, celui qui fut conçu de la Vierge Marie, qui est mort et ressuscité pour nous, mais il y a aussi le Christ mystique, ce " je ", c'est moi, c'est aussi le moi de l'Église. Donc, dans ces paroles il y a aussi mystérieusement mon sujet, mon moi, je dois même prononcer ces paroles à la première personne.
À partir de ce moment-là, j'ai cessé de fermer les yeux, de faire abs-traction de tout. J'ai commencé à regarder les gens. Et j'ai compris qu'en même temps que je disais au nom du Christ comme prêtre or-donné par l'Église et que je répétais les mots de l'institution, je devais aussi, comme chrétien, comme baptisé, m'unir au Christ et dire aux gens : " Mes frères, mes sœurs, prenez, mangez, ceci est mon corps, mon petit corps de pécheur, mais mon corps que je vais livrer pour vous, que je vais dépenser pour vous ; prenez, buvez, ceci est mon sang, mon sang personnel que je vais répandre pour vous. " j
( À suivre... )

Le père Raniero Cantalamessa, né en 1934, religieux capucin, a été professeur et directeur du département des Sciences religieuses à l'université catholique du Sacré-Coeur à Milan et membre de la Commission théologique internationale de 1975 à 1981. Depuis 1980, il est prédicateur de la Maison pontificale où il donne une méditation, chaque semaine de l'Avent et du Carême, devant le Pape, les cardinaux et évêques de la curie et les supérieurs généraux des Ordres religieux.


Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 27 numéro 2


Retour à la page d'accueil

Dernière mise à jour 15 avril 2001

Page d'accueil| Sommaire|Activités| Informations nationales| Informations internationales| Moteur de recherche