Lecture des Pères de l'Église sur Jésus et la Samaritaine
L'abbé Jean Brassard



Chez Jean Chrysostome, la perspective est différente. Nous avons affaire à un prédicateur et à un homme profondément spirituel, attaché à la lettre des Écritures. Son approche de la Samaritaine se centre sur la Personne même de Jésus dont il montre l'humanité profonde : Observez encore dans Jésus Christ, outre sa patience dans les fatigues et les travaux, son extrême éloignement pour le faste. Associant la samaritaine à sa capacité d'entendre la Parole de Dieu, Jean Chrysostome la présente en la comparant un peu à Nicodème qui doit découvrir la personne de Jésus et se mettre à son écoute. Elle et lui , tous deux doivent apprivoiser la personne de Jésus. Ensuite, à son écoute, ils découvriront Le MAÎTRE. La Samaritaine écoute avec persévérance jusqu'à ce qu'elle trouve ce qu'elle cherche (...) Cette femme attend et demande.

Il est bon de voir comment Jean Chrysostome met en lumière l'approche théologique et pastorale de Jésus. C'est une grande leçon de celle qu'il faut avoir quand on doit vivre sa mission. Lisons simplement : Faites attention à ceci : d'abord Jésus Christ ne découvre pas tout ; il met l'auditeur en suspens, il le jette dans le doute, afin qu'après avoir commencé à chercher le sens de ce qu'il a entendu, tourmenté par l'incertitude, il reçoive avec plus d'empressement et de joie l'explication qu'il cherchait et redouble d'empressement à écouter.

Ce pasteur est sobre : il parle avec le goût de faire grandir ses auditeurs ; il ne joue pas au dissertant. Et ses propos cherchent à faire connaître le Christ comme un enseignant, un pasteur doux et humble, qui connaît ses brebis et cherche à faire entrer dans la Bergerie ceux qui n'y sont pas encore, comme il l'a fait pour la samaritaine.

Origène a combattu les gnostiques, Augustin fait de même avec les donatistes. Le combat des hérésies est une motivation pour lui : ainsi, il se relève de ses propres luttes qui l'avaient empêché d'adhérer au baptême de l'Église. Chez lui, l'adulte savant et spirituel, l'évêque et le pasteur d'âmes se révèlent au long de ses commentaires sur la Samaritaine à laquelle il se compare, sachant que, pour lui aussi, Jésus a ouvert les Écritures. Et il peut maintenant s'abreuver à Sa source et à Sa personne. On doit souligner cette habileté d'Augustin à se dire à travers ce qu'il enseigne.

De la Samaritaine, Augustin dira dans ses Homélies sur saint Jean : Bien qu'elle comprenne dans un autre sens et qu'elle juge charnellement, elle frappe en quelque sorte pour que le Maître ouvre ce qui est fermé. Elle frappe par son ignorance et non par ses désirs, plus digne encore de compassion que d'instruction ... Vient une femme. Figure de l'Église qui n'était pas encore justifiée, mais qui allait bientôt le devenir, car telle sera l'œuvre de la Parole. Elle vient sans rien savoir, elle le rencontre, et il s'entretient avec elle.

La lecture d'Augustin des cinq maris est variable ; il suggère les cinq livres de la loi de Moïse ou les cinq sens et dira que cette femme demeurait en effet dans l'erreur, elle songeait à l'eau du puits quand le Seigneur lui parlait de l'Esprit saint. Approfondissons l'approche d'Augustin avec le merveilleux passage suivant :... nous pouvons plus facilement, me semble-t-il, regarder les cinq premiers maris de l'âme comme les cinq sens du corps. Quand quelqu'un vient au monde en effet, tant qu'il ne peut pas faire usage de sa pensée et de sa raison, il n'est dirigé que par les sens corporels. L'âme du petit enfant désire ou repousse ce qui frappe l'ouïe, la vue, l'odorat, ce qui est sensible au goût et au toucher : elle désire tout ce qui flatte les cinq sens, elle repousse ce qui les blesse... L'âme commence par vivre soumise à ces cinq sens comme à cinq maris parce qu'elle est dirigée par eux. Mais pourquoi les appelle-t-on ses maris ? Parce qu'ils sont légitimes : c'est Dieu qui les a créés, Dieu qui les a donnés à l'âme.

Saint Augustin exhorte, disant que nous voulons prier et adorer dans un temple : Prie en toi-même. Mais commence par être un temple de Dieu, car c'est dans son temple qu'il exaucera celui qui le prie.

Jésus a soif de la foi de la samaritaine et le pasteur a soif de la foi de ceux qui lui sont confiés. S'il ne peut boire dans son seau, c'est pour ne pas prendre le risque de devenir impur. Chez Augustin, l'analyse des symboles est systématique et sa synthèse le conduit aussi à cette attitude de l'adorateur qui ne cesse de parler de son dieu et, comme la Samaritaine, de grandir constamment.

Dans un si court article, on ne peut passer à travers une lecture plus profonde des textes des Pères.

J'espère seulement avoir donné le goût de lire ces géants de la pensée chrétienne. Tous les trois montrent que s'attacher aux Écritures passe d'abord par l'expérience de Jésus Christ. Car, comme le dirait Clément d'Alexandrie, il est le seul Pédagogue.

Le Renouveau charismatique doit constamment retourner au Puits pour retrouver l'importance de la Source. Chez les Pères, la Parole est vivante et elle convertit. L'application au texte de la Samaritaine est constante et nous permet de comprendre qu'il nous faut aussi nous laisser convertir ainsi. Car, selon Origène, la Samaritaine, en rencontrant Jésus, est maintenant prête pour la mission. Et nous, avons-nous suffisamment vécu notre rencontre avec le Christ pour devenir de vrais missionnaires?



L'abbé Jean Brassard est répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de Chicoutimi. Il est aussi modérateur des paroisses Notre-Dame-d'Hébertville, Saint-Wilbrod et Saint-Bruno.



Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole sept. oct. vol. 27 numéro 4


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Dernière mise à jour 16 octobre 2001

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