Comment je vois en saint Jean un homme de foi ?
par l'abbé Jean Brassard, répondant diocésain à Chicoutimi

De façon habituelle, on nous présente saint Jean comme un homme doux. Il est le plus jeune du groupe des apôtres. On le voit se tenir près de Jésus qui semble être son protecteur. D'autre part, le livre L'Apocalypse le fait tout autre-ment : il choisit la figure de l'aigle au regard perçant, qui semble aller au cœur de celui ou celle qu'il regarde ; la figu-re de l'oiseau de proie plein de force.
Personnellement, je vois davantage en saint Jean un homme de force. Ses textes d'évangile révèlent une pleine maturité probablement celle d'un homme d'âge mûr, fort d'une nouvelle sagesse amassée au cœur de son expérience spirituelle vécue avec Jésus et les autres disciples. Connaissant le monde juif, il saura combattre à la fois la gnose et la philosophie de Philon. Son texte réaffirme que Jean le Baptiste n'est pas la lumière mais qu'il rend témoignage à la lumière (Jn 1, 6-8).
Jean affirme un attachement inconditionnel envers Jésus ; il est le seul évangéliste à s'affirmer de manière aussi inconditionnelle envers Jésus ; on lit son texte un peu comme une plaidoirie contre Judas qu'il pourfend avec tant d'acharnement, contre les Juifs (signe des non-croyants comme terme générique). Il ne semble pas tolérer que Jésus ait des ennemis. Chez lui, le discours de l'amour rejoint le discours de la foi et jamais il ne semble séparer l'un de l'autre. Dans les discours ultimes de Jésus, Jean met dans la bouche de Jésus ces paroles terribles : " celui qui a de la haine contre moi a aussi de la haine contre mon Père. Si je n'avais pas fait parmi eux ces œuvres que personne d'autres n'a faites, ils n'auraient pas eu de péché " (Jn 15, 23-24). Il affirme de Dieu qu'il est amour que tout amour vient de Dieu (Première Lettre de Jean). Ailleurs, on l'entend dire qu'il ne suffit pas d'aimer avec des paroles et des discours, mais en esprit et en vérité.
Des thèmes majeurs se dégagent de l'évangile de Jean comme celui du témoignage. Jésus rend témoignage à la vérité ; ses personnages sont des témoins fidèles de la puissance de Jésus, Christ et Seigneur : " Et vous aussi, vous rendrez témoignage à la vérité, vous qui êtes avec moi depuis le commence-ment " (Jn 15, 27). Des personnages comme l'aveugle-né, la samaritaine évoluent dans leur expérience de foi. Jean nous les montre comme des gens qui, d'abord, rencontrent Jésus de Nazareth. Puis, au fil de l'événement, ils proclament Jésus comme Fils de l'homme, Messie, Christ. Présenté au chapitre troisième, Nicodème réapparaît à divers moments de l'histoire de Jésus ; par lui, Jean nous présente le nouveau disciple s'attachant à Jésus comme lui-même l'a fait.
Jean est aussi un témoin et il affirme avoir été le premier au tombeau vide. Il détaille l'événement avec soin et grande minutie pour que nous nous attachions à son récit comme à un témoignage ultime. Pour que nous croyions, nous aussi, il a écrit son Évangile. Parmi tous les signes qu'a accomplis Jésus, il affirme que " ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom " (Jn 20, 31). Le lien entre Jean et Pierre se montre indéfectible depuis le lavement des pieds jusqu'au récit de la résurrection, sauf au moment du renie-ment. Et là, pendant que Pierre renie Jésus, Jean se montre présent au pied de la croix avec Marie. Pierre et Jean sont les compagnons que montrent les Actes des Apôtres : ils guérissent au nom de Jésus et expérimentent sa Promesse, " Tout ce que vous demanderez en invoquant mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en invoquant mon nom, moi je le ferai " (Jn 14, 13-14).
Le seul fait que Jean mette Jésus au centre de son récit, qu'il le fasse parler sans cesse indique que le " disciple que Jésus aimait " est celui qui s'est mis à l'écoute de Jésus d'une manière exceptionnelle. Il raconte Jésus et, en même temps, il met en place son acte de foi ; il développe sa théologie et sa spiritualité. Il est un chef spirituel qui s'assure que d'autres se mettront à son école. Placé après la rédaction de l'évangile dans son entier, le très beau texte du Prologue semble être une hymne, fruit de la prière des disciples de Jean.
Aussi, Jean s'affirme personnellement dans ses lettres et le premier verset de la première est particulièrement éloquent :
Ce qui était au commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie ... ce nous nous avons vu et entendu nous vous l'annonçons afin que vous soyez en communion avec nous. Quant à notre communion elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ (1 Jn 1, 1 • 3).
Depuis quelques années, je me suis mis moi aussi à l'école de saint Jean, d'une manière dévouée. Car ce personnage me fascine autant qu'il a fasciné Irénée de Lyon, Clément d'Alexandrie. Augustin livre un commentaire majestueux sur cet Évangile et sur son auteur. Et Origène nous dit : " Nul ne peut saisir le sens de l'Évangile de Jean s'il ne s'est renversé sur la poitrine de Jésus et n'a reçu de Jésus Marie pour Mère ". L'Évangile de Jean, ses Lettres et l'Apocalypse (même si on prétend que ces textes ne sont pas tous de sa plume, ils sont au moins de son école de foi) nous révèlent un personnage de foi et un homme engagé au nom de Jésus. Moi aussi, je peux témoigner que ma relation au Christ est devenue tout autre depuis que je me suis laissé éduquer par l'apôtre et le chef spirituel. À travers Jean, on voit Jésus ; à travers Jésus, on voit Jean. Les deux se découvrent mutuellement ; Jean est tellement à l'écoute de son Maître qu'il devient pour nous le maître de l'écoute.


Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 27 numéro 2

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Dernière mise à jour 15 avril 2001

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