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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole juin-juillet 1999 vol. 25 numéro 6


RENOUVEAU DES CHARISMES RENOUVEAU DES MINISTÈRES

Point de vue catholique
Joseph Boishu

"Le Renouveau, une chance pour l'Église"... Le père Boishu cueille les fruits du Renouveau, qui nous a recentrés sur le Dieu vivant. L'Esprit Saint a bien revivifié l'Église par le Renouveau, et en particulier les ministères, mais l'expérience de l'effusion de l'Esprit n'est pas encore, hélas, un bien d'Église.

Depuis plus de vingt ans, le Renouveau charismatique vit et se développe dans l'Église catholique. Il essaie d'être fidèle à sa grâce mais ce n'est pas toujours sans tensions et sans difficultés. Malgré tout, si on regarde en arrière, on peut considérer qu'il fut et qu'il reste "une chance pour l'Église", selon la formule de Paul VI lui-même. Le premier fruit visible fut une redécouverte de la prière pour de nombreux chrétiens. Une redécouverte ou un nouvel approfondissement. Au moment où le Renouveau est arrivé en France, alors qu'on développait avec une certaine complaisance le thème de la mort de Dieu, c'est tout juste si on ne se culpabilisait pas de "perdre du temps" à prier. L'engagement apostolique avait pris le relais de la prière en beaucoup de vies chrétiennes. Ou bien, elle avait tendance à se réduire à une réflexion sur l'évangile ou sur la vie.

RETROUVER L'INTÉRIORITÉ CHRÉTIENNE

Et voilà qu'on osait, et en public, s'adresser à Dieu se trouvait comme réinstaurée la relation "JE-TU". Dieu n'était plus seulement un "IL" dont on parlait mais un "TU" auquel on s'adressait. Si pour beaucoup, la source de la prière a été ainsi réouverte, c'est qu'ils ont fait concrètement l'expérience d'une parole qui leur était adressée de la part de Dieu. L'Écriture, nous en parlions et parfois savamment mais celle-ci devenait parole vivante et efficace. La prière devenait alors réponse à quelqu'un qu'ils avaient rencontré ou plutôt qui les avait rencontrés: le Verbe fait chair, le Christ vivant et vrai. Cette prière s'ouvrait en même temps à la nouveauté de la louange. Quelle surprise pour certains qu'on puisse ainsi louer le Seigneur! Elle donnait alors une dimension vraiment théologale à la vie chrétienne. Elle permettait d'apprendre à se décentrer de soi pour donner à Dieu sa vraie place. Vu le nombre important de ceux qui ont fréquenté un groupe de prière, on peut dire que le Renouveau a permis - avec d'autres lieux - ce retour vers l'intériorité chrétienne dont la soif se faisait sentir si cruellement dans les paroisses catholiques de France. Des revues sont nées dans le Renouveau, puis hors du Renouveau, pour soutenir ce mouvement. Ceci ne veut pas dire que tout soit fait.

UN SOUPÇON DEMEURE

Je retiens deux points. Il n'est pas toujours facile à un "charismatique" de proposer de prier au début d'une réunion de travail. Il reste un soupçon sur les "priants" : ne seraient-ils pas des "planqués"? Cette mentalité teintée du semi-pélagianisme dont parlait alors Monseigneur Coffy, est loin d'avoir disparu: faire confiance en ses propres capacités d'engagement plus qu'en la grâce. Celle-ci est trop souvent réduite à être un moteur auxiliaire de la vie chrétienne. L'Église catholique n'a pas fini de s'expliquer avec cette tendance. Et sans doute est-ce souvent à l'arrière-plan des discours et des conflits que fait naître la présence du Renouveau. Comme on dit souvent dans le Renouveau: "S'agit-il de faire des oeuvres pour Dieu ou de faire l'oeuvre de Dieu?"

GROUPES DE PIÉTÉ OU CÉNACLES DE PENTECÔTE

Mais il faut aussi marquer le risque qui guette les groupes de prière celui de devenir des groupes de piété où rien ne se passe, et non plus des "cénacles" à partir desquels on ose partir évangéliser. Ils deviennent plus "acceptables" par les autres catholiques. On sait les classer dans les "groupes spirituels". Mais ils ne sont plus fidèles à la grâce originelle et originale du Renouveau de Pentecôte. En effet, il y a plus que de la prière. Dans ces groupes qu'il faudrait appeler "de Pentecôte", l'essentiel est l'effusion de l'Esprit une expérience de Pentecôte, à la fois celle que les Apôtres ont faite par l'annonce, dans la puissance de l'Esprit, du mystère de Jésus mort et ressuscité. et celle que les spectateurs attirés par le caractère exceptionnel de l'événement, ont fait en étant touchés au coeur par cette annonce. Ce qui veut dire que la grâce de ces groupes est d'être des lieux d'évangélisation. Beaucoup plus que des groupes de prière. Qui dit évangélisation dit pour ceux qui en assurent l'ossature, exigence de sainteté, relation vivante à la Parole, exercice des charismes, vie fraternelle, amour de l'Église et de ce monde à évangéliser... Ces groupes ont été pour beaucoup, en effet, un lieu de naissance à la foi; ou de renaissance après un temps passé loin de l'Église ou un engagement qui avait perdu son sens profond. Il m'est arrivé, à l'occasion du document "Dagens", de parler des "recommençants" avec des confrères. Et j'ai réalisé combien ma fréquentation du Renouveau m'avait permis de rencontrer de nombreux "recommençants" une chance que peu de mes confrères ont eue dans les ministères qui étaient les leurs.


REVIVIFICATION DE LA PASTORALE

Cette expérience a remis en valeur les sacrements de l'initiation chrétienne au point que certains auraient aimé revivre le sacrement de confirmation reçu dans l'enfance sans grande foi. Beaucoup de ces chrétiens renouvelés se sont mis au service de la catéchèse et de la préparation aux sacrements. L'effort pastoral, fait par l'Église
catholique de France en direction des jeunes à confirmer, a bénéficié de cet apport. Et il n'est pas jusqu'aux théologiens qui n'ont été stimulés pour reprendre à nouveaux frais la théologie de l'Esprit Saint. Mais là encore, deux questions se posent: Toute cette expérience dont bénéficient les paroisses, souvent sans le savoir, a-t-elle été reçue explicitement dans l'Église catholique? On admet que le Renouveau existe. Mais quelle place lui donne-t-on? Peu de paroisses, par exemple, proposent à leurs fidèles cette démarche de l'effusion de l'Esprit alors qu'on est en recherche d'un élan missionnaire nouveau.

L'EXPÉRIENCE DE L'EFFUSION DE L'ESPRIT N'EST PAS ENCORE UN BIEN D'ÉGLISE

Des choses se font, comme par exemple ce colloque à la "Catho de Paris" sur le "baptême dans l'Esprit" Mais il faut continuer... Il est nécessaire de continuer à approfondir la théologie de l'expérience spirituelle pour ne pas seulement s'en méfier; a-t-on entendu ce que le Renouveau veut dire par "pastorale de Pentecôte"? Le Cardinal Danneels écrivait déjà en 1985: "Nous avons besoin de nouvelles méthodes et de nouveaux types d'évangélisateurs. Notre mal, ajoutait-il, c'est probablement une sorte de néo-pélagianisme et le manque de foi dans la toute-puissance de la Parole de Dieu." L'expérience fondatrice du Renouveau est de ce type et celui-ci pourrait la partager plus largement si on le lui permettait. Le Cardinal reprenait ce thème récemment pour le journal "La Croix": "A côté des catéchistes, il nous faut des évangélistes... qui auraient l'art de toucher les coeurs pour éveiller à la foi." C'est urgent.

IL NE FAUT PAS OUBLIER LA GRÂCE COMMUNAUTAIRE

Quelle chance pour l'Église catholique que ces lieux de vitalité évangélique que sont les communautés issues du Renouveau. La reconnaissance juridique reçue n'empêche pas qu'elles puissent encore parfois tâtonner. Mais en proposant des nouvelles formes d'apostolat adaptées à notre culture et aux problèmes actuels, elles témoignent avec force, chacune selon sa grâce. du mystère de l'Esprit renouvelant l'Église. Les jeunes y sont à l'aise. Les charismes et les vocations au ministère presbytéral trouvent aussi à s'épanouir dans ces lieux fraternels exigeants. Bien sûr, leur intégration dans les "organigrammes" pastoraux n'est pas toujours facile. Mais le dialogue aidant, la persévérance et une certaine conversion mutuelle, on peut espérer qu'elles continueront, en conjuguant audace et sagesse, apporter un fruit abondant.

DES PRÊTRES RETROUVENT LA GRÂCE ET L'ÉLAN DE LEUR ORDINATION

J'ajouterais volontiers que l'importance des communautés ne doit pas faire oublier aux responsables pastoraux catholiques la chance
que représentent aussi les petits groupes disséminés et proches des réalités paroissiales, surtout dans le rural. Dans ces communautés
comme en dehors, des prêtres ont pu retrouver, si je puis dire, la grâce et l'élan de leur ordination. Je pense en particulier aux retraites lancées par le Père de Monléon, devenu depuis, évêque de Pamiers. "Ravive le don de Dieu qui est en toi depuis que je t'ai imposé les mains", écrit Paul à Timothée (2 Tm 1-6). C'est cette expérience d'une nouvelle effusion de l'Esprit de Sainteté qu'ils ont pu faire dans un climat priant et fraternel, redécouvrant alors que le fondement du ministère est charismatique. Ce qui implique à la fois l'appel à une sainteté toujours plus grande et l'exercice confiant des charismes, liés à la mission reçue. Quelle joie pour certains d'entre eux de sortir d'années de doute sur la validité de leur ministère. Quel dommage que le Renouveau n'ait pas pu atteindre plus largement ces prêtres fatigués et parfois amers de tant de difficultés rencontrées dans la période de l'après Concile.

DES LAÏCS MIS EN ROUTE,
PRENANT DES RESPONSABILITÉS

L'expérience du Renouveau a aussi donné à beaucoup de s'ouvrir à un ministère ou un service. Je pense d'abord au presbytérat et au diaconat permanent. L'expérience spirituelle ouvre l'oreille aux appels du seigneur. Mais aussi aux ministères de guérison, d'enseignement, d'accompagnement... Sans oublier le "ministère" de la prière, qu'elle soit louange ou d'intercession. Autant de fruits de l'effusion de l'Esprit. Qui ne voit aujourd'hui ce besoin d'accompagnement qui s'exprime de plus en plus? Et des laïcs se sont mis en route pour répondre à ce besoin nouveau. Qui ne saisit la soif nouvelle d'être enseigné? Et c'est merveille de voir comment le Seigneur donne "l'esprit de prophétie à des personnes qui n'ont pas toujours de grands diplômes. On pourrait encore évoquer tous ces bergers et serviteurs des multiples groupes de prière qui ont une authentique responsabilité spirituelle au milieu de leurs frères et soeurs. En s'appuyant sur la grâce de l'initiation chrétienne, ils donnent à tant de pauvres de venir se désaltérer à la source de l'Esprit. Mais aussi ces chrétiens qu'un nouvel amour du Christ à envoyés non seulement auprès des pauvres mais au milieu d'eux. Et ces couples qui ont pris conscience que leur mission éducative auprès de leurs enfants était un authentique ministère. Et il faut souligner enfin comment le Renouveau a permis à de nombreuses femmes de trouver leur place au service du Royaume. On les retrouve dans les secteurs traditionnels de la catéchèse, de la liturgie ou de la compassion... Mais aussi dans des fonctions souvent nouvelles pour elles, comme l'accompagnement spirituel, l'enseignement et les responsabilités d'ordre pastoral. Et c'est le plus souvent avec harmonie que s'opère l'articulation de ces nouvelles fonctions avec les ministères ordonnés. N'est-ce pas une chance pour l'Église? Une chance qui probablement n'a pas encore produit tous ces fruits.

PORTER VAILLAMMENT LE FLAMBEAU DE L'OECUMÉNISME

Mais, je me contenterai de terminer en soulignant l'oecuménisme. Dans les premières années, on a vu fleurir un certain nombre de groupes oecuméniques. Un grand nombre a disparu. L'enthousiasme des débuts a été vite mis à mal. Mais certains groupes et communautés continuent à porter vaillamment le flambeau contre vents et marées. Pourtant ce ne sont pas les difficultés qui manquent. Et quand les groupes ne sont pas oecuméniques, il y a souvent une plus grande ouverture aux autres confessions que dans beaucoup d'autres lieux catholiques. C'est aussi une chance pour l'Église catholique. Je voudrais encourager le Renouveau à retrouver un peu plus d'audace dans ce domaine. Et même avec le Pentecôtisme qu'on ne peut ignorer quand on a rencontré David Duplessis ou Thomas Roberts et quand on sait la vague de conversions que suscite le Pentecôtisme dans le monde, en particulier en Chine et en Amérique latine chez les plus pauvres et les jeunes. Nous avons humblement besoin les uns des autres. Bien sûr, cela ne s'improvise pas. Ce travail oecuménique demande réflexion et formation. Mais on pourrait déjà s'inspirer de l'encyclique "Ut Unum Sint" qui est prophétique d'un chemin encore à parcourir et que le Pape urge! Et pourquoi les instances diocésaines de l'oecuménisme catholique n'aideraient pas le Renouveau à marcher avec sagesse en ce sens?

Le Renouveau, une chance pour l'Église? Le père Bodin du Secrétariat Général de la Conférence des Évêques de France répondait à cette question l'an dernier dans une interview télévisée: "Ces gens nous ont rendu de grands services dans l'ensemble, malgré les bavures possibles à tel ou tel moment de l'histoire (...), le grand service de nous avoir ramenés à l'essentiel qui est la vie de relation à Dieu. C'est-à-dire d'avoir donné la priorité à l'Esprit Saint sur l'institution, sans la brader. D'avoir donné la priorité à l'être chrétien sur le savoir-faire chrétien, sans pour autant inviter les gens à la passivité du rituel. De nous avoir par conséquent ramenés aux sources de la prière." Alors, ne laissons pas perdre cette chance. J'ai envie de dire aux responsables pastoraux de mon église: "Ne vous contentez pas de supporter le Renouveau ou même de le laisser vivre. Attendez vraiment quelque chose de lui pour l'avenir de l'Évangile dans le monde... Et dites-le."

Cet article, tiré de Tychique, revue de formation au service des groupes de prière et des communautés du Renouveau charismatique, no 134, juillet 1998, pages 3 à 10, est reproduit avec autorisation. N.D.L.R.


Joseph Boishu est prêtre. Il est recteur du Séminaire diocésain de Rennes.

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Dernière mise à jour 2 août 1999

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