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Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole septembre-octobre 1999 vol. 25 numéro 7


L'EXORCISME
Mgr Jean-Pierre Blais

Le nouveau rite des exorcismes a été présenté le 26 janvier 1999 à Rome. Les médias se sont intéressés à cet événement afin de porter un regard sur l'exorcisme aujourd'hui. Le film "exorciste" a certainement connu du succès parce qu'il rejoint la représentation de l'imaginaire populaire: un combat s'engage entre l'exorciste et le diable dans un contexte de violence ou bien des prodiges sont au rendez-vous. L'enjeu est la liberté d'une personne.

LES ORIGINES DU MOT

"Pour éviter la guerre, il faut commencer par définir les mots", il est bon de commencer par appliquer cette pensée de Confucius avant d'aller plus loin. "Exorcisme" vient d'un mot grec signifiant "conjuration". Le conjuré est celui qui prend part à une entreprise contre quelqu'un. Les forces du mal, l'adversaire de Dieu, mènent une action pour éloigner de Dieu le monde créé par lui. L'exorcisme est l'intervention de l'Église, sous l'action du Christ, pour mettre fin à cette réalité d'éloignement voulue par le démon et le mettre en fuite.

LE RITUEL ROMAIN

A la suite du Concile Vatican II, l'Église a commencé la révision de l'ensemble du "Rituel romain". Pensons au rituel de la messe, du baptême, etc. Avec la sortie du nouveau rite des exorcismes, l'Église complète la mise à jour de l'ensemble du "Rituel romain". Ce dernier travail aura duré dix ans. Le mot "exorcismes" est au pluriel ce qui nous met sur la piste que le rite ne présentera pas une proposition unique. La première image est souvent celle du "grand exorcisme". Il faut le situer dans l'ensemble de la mission et de la prière de l'Église. Pour comprendre ce qu'est l'exorcisme, il nous faut partir de Jésus-Christ et de ce qu'il a fait. Deux mouvements peuvent l'éclairer: l'action du Christ et la prière de l'Église.

L'ACTION DU CHRIST

Les faits et les gestes du Christ donnent son sens à l'exorcisme. Le Christ annonce et réalise le règne de Dieu sur le monde et sur les hommes. Jésus-Christ a lutté pour libérer les personnes de toutes les influences du mal et du péché. La guérison d'un lépreux (cf. Mc 1,40-44) et d'un paralytique (cf. Mt 9,1-8), les guérisons multiples de Jésus (cf. Mc, 1,32-34), sont quelques exemples de la lutte du Christ contre le mal. Jésus chasse les démons dans le troupeau de porcs (Mt 8,28-34).

Jésus accorde la force de l'Esprit Saint pour permettre à l'humanité de rester ouverte aux chemins de Dieu. C'est la force spirituelle du Christ dans l'Église.

LA PRIÈRE DE L'ÉGLISE

L'Église, servante du Christ, continue la mission du Christ. Elle se doit de répondre à la foule souffrante, déçue, qui vient frapper à sa porte. Elle n'a pas de réponse directe à toutes les souffrances. Elle accueille avec compassion et travaille à libérer du mal. L'Église entre dans un combat spirituel et incontournable dont la prière adressée au Christ est le coeur. Elle se tient en prière pour invoquer l'action du Christ dans sa lutte contre le mal et les influences maléfiques.

L'exorcisme est une forme ancienne et particulière de prière, que l'Église emploie contre le pouvoir du diable. L'Église a reçu la charge d'exorciser dans la suite des apôtres: "Jésus en institua douze [...] avec pouvoir de chasser les démons" (cf. Mc 3,14-15)

Sous une forme simple, l'exorcisme est pratiqué lors de la célébration du baptême. L'exorcisme, c'est le déploiement des forces spirituelles du baptême à des situations concrètes de la vie. L'efficacité de l'exorcisme répond à la foi baptismale chez le baptisé comme marque et présence vivantes de Jésus-Sauveur qui continue de libérer du mal.

LE CONTENU DU RITUEL

Le Cardinal Jorge Arturo Medina Estévez, dans un article intitulé: "Le nouveau rituel des exorcismes dans le Rituel romain" paru dans la documentation catholique du 21 février 1999, présente ainsi le rituel:

"Dans le Rituel que nous présentons aujourd'hui, on trouve tout d'abord le rite de l'exorcisme proprement dit, que nous devons exercer sur une personne possédée. Suivent les prières qui doivent être récitées publiquement par un prêtre, avec la permission de l'évêque, quand on juge prudemment qu'il y a une influence de Satan sur des lieux, des objets ou des personnes, sans en arriver cependant au stade d'une possession véritable. Il y a outre un recueil de prières à réciter privément par les fidèles quand ils soupçonnent, avec un certain fondement, qu'ils sont l'objet d'influences diaboliques."

GRAND EXORCISME ET PRIÈRE DE LIBÉRATION 2

Comment cerner la différence entre le grand exorcisme et la prière de libération?

- Le Grand exorcisme s'adresse directement à Satan comme à une entité personnelle. Il est une prière réservée à l'évêque ou à son délégué.

- La prière de libération s'adresse à un "démon", à un "esprit" à une influence mauvaise et non à un être personnel. Lorsque Jésus dans l'épisode de la tempête apaisée s'adresse au vent et à la mer en leur disant ; "calme-toi" "tais-toi", il ne les considère pas comme des êtres personnels!" C'est là que se situe le ministère de délivrance ou libération auquel plusieurs groupes de prière s'ouvrent comme champ pastoral.

Trois considérations liées a l'exorcisme: les sacrements, la difficulté de parler du démon et la possession du diable.

LES SACREMENTS

Les sacrements sont des rendez-vous avec Dieu. Ces rencontres nous donnent la force spirituelle dont nous avons besoin dans les épreuves. Les sacrements constituent la voie normale pour obtenir les guérisons et les libérations. La vie chrétienne est la recherche d'une vie de relation à Dieu. En s'engageant à suivre le Christ, la nécessité des luttes pour être fidèle à notre baptême apparaît en même temps. La grâce baptismale conduit à la communion au Christ dans l'Eucharistie. La source de la libération est à puiser dans la grâce baptismale et les autres sacrements où la grâce de libération se déploie: le sacrement de l'onction des malades; de la pénitence, de la réconciliation et de l'eucharistie. Les exorcismes demeurent toujours en lien étroit avec le baptême.

LA DIFFICULTÉ DE PARLER DU DÉMON

Quand nous essayons de décrire des images pour parler du diable, nous sommes confrontés à l'ambiguïté insoupçonné de cette réalité Le Père Demoustier, s.j. dit ceci:
"Pour l'intelligence, son existence reste problématique... pourtant, l'expérience chrétienne du pardon reçu fait toucher du doigt que le mensonge est déjà là, avant même que le chrétien lui ait personnellement donné prise. Aucun homme ne peut se reconnaître en vérité comme lui-même l'origine de son propre mensonge... Mais il n'existe pas pour autant un concept simple ni une représentation qui permette de parler du démon" (Entretiens avec les exorcistes, Paris, janvier 1995).

- L'étendue de la question du diable

Pourquoi le mal, ce mal dans le monde? Quel est le rapport exact entre sujet et objet?
Qu'est-ce que la liberté, l'autonomie, la relation? Qu'est-ce que le réel si "la vie n'est pas un songe"? Qu'est-ce que savoir et connaître? Que peut-on connaître et comment? Nous avons là le genre de problèmes auxquels le débat sur l'existence et l'identité du diable est lié.

- Le vocabulaire

Satan: vient de l'hébreu, signifie l'adversaire, l'opposant et par conséquent, l'accusateur, l'obstacle, systématiquement dressé contre l'être humain, la création, Dieu.

Diable: vient du grec, c'est l'opposé de symbole (ce qui relie, le visible à l'invisible). Diable signifie le diviseur, le séparateur, donc celui qui "met la pagaille", qui suscite chaos, confusion.

Démon: vient du grec, désigne initialement un être divin, de puissance divine. Par la suite, ce terme est devenu péjoratif pour désigner tout esprit mauvais.

Tous ces mots peuvent désigner bien des réalités et doivent être employés avec discernement.

- Le diable est-il une personne?

Le Père Henri Bourgeois dit: "Certes le diable existe. Quant à moi, je suis réticent à lui donner une existence personnelle. Mais cela ne signifie pas du tout que je nie son existence" ("Exorcistes" Isidore Froc - références Droguet-Ardant p. 140).

"Le Père René Marlé intervenant à la session nationale des exorcistes en France (janvier 1992), cite ce passage d'un article du professeur Ratzinger (15):
"Lorsqu'on demande si le diable est une personne, on devrait plus justement répondre qu'il est la non personne (ou l'anti-personne,) la désintégration, la ruine de l'être-personne et c'est pourquoi il est caractéristique de sa nature de se présenter sans visage".

Le diable est celui qui refuse de se recevoir de Dieu comme être crée.


- Y a-t-il un portrait robot de Satan?

En janvier 1995, lors de la session nationale des exorcistes, le père Adrien Dumoustier SJ a fait un exposé sur les règles de discernement des exercices spirituels d'Ignace de Loyola. Il a dit: "En pratique, le chrétien est conduit à reconnaître que le diable existe et que cette affirmation a une portée précise. Nier son existence, c'est se tromper. Affirmer son existence en adhérant à la représentation qui accompagne cette affirmation, c'est être trompé. Satan est menteur et père du mensonge. Il faut croire à certains qu'il n'est pas et à d'autres qu'il existe tout en étant pas ce qu'il dit".

Nous avons là raconté en quelques mots la difficulté de parler de Satan.

"POSSESSION DU DIABLE"

La possession du diable est utilisée pour parler de cette perte de contrôle d'une personne sur son agir. Cette perte de contrôle et attribuée à l'esprit du mal, le diable. Ce terme n'est pas le meilleur pour comprendre la réalité de ce que nous voulons cerner. Le mot "possession" nous situe dans un état de fait. C'est le terme de tout un cheminement et d'expériences de vie. Il nous coupe de l'histoire d'une personne, de sa liberté, de ses choix et de toutes les influences qui ont marqué sa vie.

Je préfère utiliser le mot "influences" pour entrer dans un problème où nous voulons cerner les effets des situations de mal sur quelqu'un. Tout être humain se construit à travers un milieu de vie. Il est soumis à des influences de bien et de mal. Parfois c'est un geste humanitaire d'aide, c'est une prière, c'est une sortie éducative; dans d'autres circonstances, c'est la violence, les guerres médiatisées, les tricheries.

Toutes les influences fonctionnent comme la communication entre nous et notre environnement. Comme l'air que nous respirons, l'influence agit à tous les niveaux de l'existence pour laisser ses marques en nous. C'est la vie de la famille et ses valeurs. Ce sont nos études, le groupe de copains, le travail et les rencontres.

Les intensités varient aussi. Nous n'accueillons pas de la même façon une pièce musicale ou un film d'horreur.

Nous devenons ce que nous mangeons.
Le terme influence nous permet d'aller du plus connu au moins connu pour la connaissance de l'histoire de quelqu'un et des influences qui le marquent. Sous quelles influences est-ce que j'agis? Quel est cet autre qui a une influence sur moi?

Cet autre peut être ce que nous sommes devenus par influences: nos défauts, nos peurs, nos réussites ou nos échecs. Ces influences peuvent nous atteindre au plus intime et devenir nos angoisses, nos dépendances, notre complexe de persécution.

Cet autre peut-être une personne humaine qui a beaucoup d'influences sur nous.

Parfois, cet autre c'est Satan disent certains. C'est une influence extérieure qui vient peser sur mon agir. Il arrive que la personne puisse entrer dans un état second et qu'elle ne soit plus en pleine maîtrise d'elle-même.

Comme le dit dans son article le Cardinal Estévez: "le démon s'empare d'une certaine manière des forces et de l'activité physique de la personne qui subit la possession".

Tous ces niveaux d'influences nous montre que les causes profondes des situations de mal qui apparaissent chez les personnes sont multiples. Il s'agit rarement d'une cause directe comme Satan. L'inexpliqué ne vient pas nécessairement d'une cause surnaturelle. Ce sont les raisons pour lesquelles il faut agir avec prudence et prendre le temps de discerner, à partir des expériences de vie des personnes, des souffrances qui les habitent. Si elles n'ont pas engagé leur liberté dans des forces destructibles face à elles-mêmes ou établi des liens avec Satan, il n'y a pas lieu alors de penser à une possession. Il s'agit bien plus souvent d'exorciser nos peurs et nos angoisses que le démon.

L'Église nous rappelle que lorsque nous sommes arrivés à la conviction que l'on se trouve devant une possession diabolique, c'est alors que l'exorciste autorisé peut accomplir le rite solennel de l'exorcisme ou grand exorcisme. Ceci demeure des situations rares.
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Note d'auteur

Mgr Jean-Pierre Blais est évêque auxiliaire et vicaire général du diocèse de Québec

† Jean-Pierre Blais, v.g.
Évêque auxiliaire à Québec
Le 7 mai 1999


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1 - Le Cardinal Jorge Arturo Medina Estévez, Le nouveau rite des exorcismes dans le "Rituel romain" documentation catholique 21 février 1999, no 2198.

2 - Jean Vernette, Occultisme, Magie, Envoûtements. Ed. Salvator p. 71.

3 - Entretiens avec les exorcismes, Paris janvier 1995.

4 - Ibid Le Cardinal Estévez.

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Dernière mise à jour 2 août 1999

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