SSP 15 avril 1998

En réfléchissant à la famille, à ce que vous êtes comme époux et épouses, pères et mères, dans la cadre familial, il est bon de vous rappeler ce que vous êtes d'abord en Église.

En vertu de votre baptême, vous êtes des fils et des filles de Dieu, des enfants du Père, des frères et des soeurs de Jésus appelés comme laïcs à travailler à la mission de l'Église. Vous êtes appelés à y travailler avec votre caractère propre et particulier de laïcs qui est le caractère séculier. L'Église vit dans le monde et c'est dans le monde qu'elle est envoyée pour continuer l'oeuvre de Jésus- Christ, qui est le salut des hommes et des femmes et aussi le renouvellement de tout l'ordre temporel.

RAYONNER DANS LE MONDE

C'est là le lieu où vous est adressé l'appel, c'est là que vous êtes appelés à vivre et à rayonner, en transformant le monde comme du dedans, à la façon d'un ferment. Engagés dans différentes tâches humaines, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale, vous vivez avec les autres dans le monde: vous étudiez, vous travaillez, vous tissez des liens amicaux et sociaux, vous créez des rapports professionnels et culturels. C'est cette réalité dans laquelle vous êtes qui est «destinée à trouver en Jésus-Christ la plénitude de sens». Comme elle est importante cette quête de sens! Comme il est important de savoir pourquoi l'on vit, pourquoi l'on travaille du matin au soir, pourquoi parfois l'on souffre, pourquoi l'on meurt. Faire que par vous, le monde soit plus humain, plus fraternel, plus beau, ouvert sur l'éternel, plus accueillant à l'endroit de ceux et celles qui, au point de départ, ont peut-être moins reçu que vous, à l'endroit de tous les laissés pour compte: les petits, les pauvres, les malheureux. Toutes ces personnes ont besoin de vous. Elles ont besoin d'espérance, l'espérance théologale qui est le témoignage de votre foi et de votre charité.

A L'EXEMPLE DES SAINTS ET DES SAINTES

A l'exemple des saints, je vous invite à répondre à votre vocation de chrétiens et de chrétiennes. Et cette vocation, c'est de devenir des saints et des saintes, là où vous êtes, d'être comme Jésus, à l'image du Père. Jésus vous invite à continuer sa mission dans le quotidien, à travers vos engagements les plus ordinaires. C'est là qu'il vous est possible de grandir en sainteté, conscients d'accomplir la volonté du Père.

C'est, particulièrement, à l'intérieur de votre propre famille que vous pouvez réaliser ce projet. Jésus a voulu le vivre lui-même ce projet, à Nazareth, dans une famille humaine, en partageant des liens d'affection et d'amitié avec son père et sa mère: «Ici (à Nazareth) tout a un sens, nous disait Paul VI, on comprend la nécessité d'avoir une discipline spirituelle, si l'on veut suivre l'enseignement de l'Évangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie (et de Joseph) recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines!» (Paul VI, à Nazareth, 5 janvier 1964).

La mission qui vous est confiée à vous, laïcs, hommes et femmes, engagés dans le mariage, c'est d'abord de vivre la Parole de Dieu, de la traduire dans vos gestes quotidiens, de témoigner de la bonté et de la miséricorde du Seigneur, à l'endroit de votre époux, de votre épouse et de vos enfants. Vous le savez plus que moi, vivre aujourd'hui, en famille, comme de vrais époux, comme de vrais parents, ça ne va pas de soi, ce n'est pas évident.

LA FAMILLE, UN DON DE DIEU

La famille, elle est un don, un don de Dieu. Elle n'est pas une simple création humaine, elle vient de Dieu, c'est lui qui en a pris l'initiative. Aussi nous ne pouvons pas la changer et la modifier à notre guise. La famille est fondée sur l'amour, sur l'amour de deux êtres qui se sont promis fidélité. Le Christ nous a montré qu'aimer, c'est se donner. Se renoncer pour que l'autre vive.

Etre d'abord fidèle à son époux, à son épouse, ne pas tricher, faire revivre sans cesse son premier engagement, être capable de redire son premier «oui» par de petits gestes gratuits, gestes d'amour, de tendresse, de confiance, de pardon, tout ça exige une grande force que vous pouvez toujours puiser dans la grâce de votre mariage.

LA GRACE DU MARIAGE

La grâce de votre mariage, c'est le Seigneur présent au milieu de vous qui vous inspire une bonne pensée, qui vous invite à porter sur l'autre un regard de confiance et d'amour, à poser un geste qui manifeste votre engagement.

Pour y arriver, demeurez attachés au Seigneur Jésus par la prière, la prière du Notre Père qu'on fait à deux avant de s'endormir, demeurez attachés au Seigneur Jésus par l'écoute de sa Parole, la lecture de l'Évangile, par le partage de son Pain de vie, par le Pardon qu'il vous accorde dans le sacrement de la Réconciliation.

La grâce de votre sacrement de mariage pourra ainsi revivre et elle est inépuisable, si la source n'est pas tarie. Puisez sans cesse à cette source qui est l'Amour même qui est en Dieu et qu'il vous communique par son Esprit.

LA FERVEUR DE L'AMOUR

Cette façon de faire, j'appelle ça «l'amour au quotidien» et cet amour du quotidien vous assure la fidélité de votre amour. Vous le savez bien, vous en avez fait l'expérience, l'amour grandit à même le quotidien: dans les échanges de tous les jours, dans les marques d'attention, dans les pardons qu'on s'accorde, dans les mille occasions de rencontre et ça depuis le premier moment où vos regards se sont croisés.

Si, depuis de longues années, il y a encore en vos coeurs d'époux et d'épouses la ferveur de l'amour, c'est que vous avez cherché, dans les heures de joie comme dans les moments plus sombres de votre vie, à découvrir dans le quotidien tout ce qui peut le nourrir et le faire croître. Il y aurait à parler de la venue des enfants, qui sont le fruit de votre amour, il y aurait à parler de l'espérance que vous avez mise en eux, au delà des épreuves et parfois même des déceptions dont ils ont été la cause. C'est à même ces événements de la vie quotidienne que se tisse votre amour.

LES ÉCHECS DANS LE MARIAGE

Il y aurait aussi à parler de toutes les brisures, de tous les échecs dans le mariage, de toutes les familles éclatées ou reconstituées où chacun, chacune cherche, avec beaucoup d'efforts, à s'en sortir, dans l'espérance de connaître des jours meilleurs. Le Seigneur voit le fond des coeurs et il continue à être présent à ceux et celles qui gardent confiance en lui et en la vie.

Il ne faut jamais désespérer: «La puissance de la famille est plus grande que toutes les forces qui la menacent.»

C'est votre amour, c'est l'Amour de Dieu auquel votre amour se confond et se mêle, qui vous donnent toutes les énergies, qui vous suggèrent toutes les initiatives pour être présents au monde dans lequel vous vivez et peut-être particulièrement aux couples qui vous entourent. Vous leur apportez alors ce que personne d'autre ne peut leur apporter: le témoignage vivant d'un Dieu Amour, d'un Dieu qui se fait proche de nous, d'un Dieu qui nous habite, pour nous faire croître et grandir.

LA FAMILLE, ÉGLISE DOMESTIQUE

Dans son exhortation apostolique: «Familiaris Consortio», Jean-Paul II nous parle de la famille chrétienne «qui est une révélation et une réalisation spécifique de la communauté ecclésiale.» C'est en cela que la famille peut se dire «Église domestique». Chacun des membres de la famille a son rôle à jouer dans la construction de cette Église et ce rôle s'accomplit à travers les liens vivants qui existent entre époux et enfants, à travers les services réciproques de tous les jours, dans le partage des biens, des joies et des souffrances.

Dans cet échange, il y a de la place pour l'amour, le respect, l'obéissance des enfants et, pour les parents, «une conscience aiguë du don qu'ils reçoivent sans cesse de leurs enfants». En exerçant sans faiblesse leur autorité «comme un véritable ministère», les parents aident leurs enfants à acquérir une vraie liberté qui les rendra responsables. C'est avec un esprit de renoncement, une âme ouverte à la compréhension, à la tolérance, au pardon et à la réconciliation que pourra prendre forme un tel projet de communion filiale. Que l'Esprit Saint vous donne en abondance la vie de Dieu et qu'il la répande en abondance dans chacune de vos familles.

NOTE D'AUTEUR
Mgr Jude Saint-Antoine, évêque auxiliare de Montréal, est évêque ponant du Renouveau charismatique auprès de la Conférence des évêques du Canada. -

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Dernière mise à jour 13 mai 1998