L'imposition des mains, voie d'espérance
Monique Anctil, r.s.r.
Dans un sermon sur l'Alléluia pascal, saint Augustin offre cette belle évocation de l'espérance : " Ils espéreront tant qu'ils seront voyageurs ; ils espéreront à l'ombre des ailes du Seigneur. Cette espérance nous allaite, nous nourrit, nous fortifie. C'est dans cette espérance que nous chantons " Alléluia "... Nous avons soif, nous avons faim, et il faut que nous soyons rassasiés. La faim est l'épreuve du voyageur ; dans la patrie, il sera rassasié. Nous chanterons alors l'Alléluia dans la vérité ; ici-bas nous le chantons en espérance. C'est l'espérance et l'amour qui chantent maintenant ; alors, ce sera l'amour seul. C'est l'amour affamé qui chante mainte-nant ; alors ce sera l'amour rassasié ".
Comme le dit saint Augustin, nous sommes des voyageurs qui avons faim et soif et c'est dans l'espérance d'être un jour comblés que nous poursuivons notre marche, nous appuyant sur cette promesse de Jésus : " Que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désir reçoive l'eau de la vie, gratuitement " (Ap 22, 17). Cette faim et cette soif qui alimentent notre espérance nous font entrer sur un chemin de béatitude, selon les paroles de Jésus : " Bien-heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés " (Mt 5, 6).
Jésus se présente à nous comme la seule véritable source capable de rassasier nos soifs. Comme à la Samaritaine, il nous dit : " Si tu savais le don de Dieu... si tu connais-sais celui qui te parle... il te donnerait l'eau vive " (Jn 4, 10). Il connaît la soif qui dévore le cœur de toute personne. En son humanité sainte, il l'a ressentie profondément, de telle sorte que du haut de la croix, il a échappé ce cri : " J'ai soif " (Jn 19, 28), exprimant à la fois la soif d'amour de Dieu Lui-même et la nôtre.
Tout au long de sa mission sur cette terre, Jésus a porté le souci d'allumer de petites étincelles d'espérance dans le cœur de toute personne qui venait à Lui. Il s'est ému de pitié devant toute souffrance humaine ; il s'est fait proche des petits et des pauvres ; il a été la lumière éclairant toutes obscurités, la force des faibles et des désespérés, la guérison des malades... Encore aujourd'hui, Jésus est vraiment présent au milieu de nous, agissant avec la même puissance de salut. Saint Paul y voit la raison de notre espérance : " Christ est au milieu de nous " (Col 1, 27).
Dans la foi en la promesse du Ressuscité à ses disciples : " Imposez les mains aux malades et ceux-ci seront guéris " (Mc 16, 18), le Renouveau charismatique remet en action ce geste, accompagné d'une prière de foi, propre à susciter l'espérance dans le cœur des personnes qui y recourent. Il est cependant bon de rappeler que cette forme de prière n'est pas une invention du Renou-veau charismatique. Dans l'Ancien Testament, l'imposition des mains était déjà employée comme signe de bénédiction et de consécration. Dans le Nouveau Testament, elle est beaucoup utilisée, d'abord par Jésus puis, par les apôtres en réponse à l'invitation de Jésus de refaire ce geste en son Nom.
Voulant continuer son œuvre de sa-lut à travers ses envoyés, Jésus a besoin de notre cœur et de nos mains pour rejoindre nos sœurs et nos frères et leur apporter un peu d'espérance. Il est donc important de laisser couler en nous l'amour, la bonté et la compassion de Jésus afin que jaillissent à flots les eaux vives de la grâce sur les personnes pour lesquelles nous prions. Nous sommes, toutes et tous ici-bas, des voyageurs en quête d'espérance. La prière avec imposition des mains est une oasis et nous permet de retrouver un brin d'espérance sur une route parfois difficile et harassante.
Accepterons-nous de jeter la semence de l'espérance en offrant, au Nom de Jésus et pour sa gloire, cette prière d'intercession ? Alors, nous pourrons, en espérance, entonner " l'Alléluia " pour le Salut qui se manifeste au milieu de nous par cette prière de foi et qui n'est qu'un pâle reflet de ce que nous goûterons quand nous serons pleinement rassasiés.
Luc nous présente une foule de gens venus de toute la Judée et de Jérusalem, du littoral de Tyr et de Sidon, entendre et toucher Jésus (6, 17-19). Aujourd'hui, ce ne sont peut-être pas des foules immenses qui se rassemblent, mais les gens qui se présentent, ces " voyageurs " comme les appelle saint Augustin, ont les mêmes soifs : entendre Jésus et le toucher afin de recevoir force, consolation, guérison.
Comme groupes du Renouveau charismatique, comment répondre à cette double soif sinon par l'annonce de la Bonne Nouvelle et par le ministère de guérison offert par la prière avec imposition des mains ?
Le père Raniero Cantalamessa, en parlant de la prière avec imposition des mains, évoque cette belle image de la piscine miraculeuse de Bézatha, (maison de miséricorde), qui se trouvait à Jérusalem. Quand l'eau était agitée par un ange, le premier qui y entrait se trouvait guéri. La piscine ne peut-elle pas être cette merveilleuse prière de foi que des sœurs et des frères font au Nom de Jésus pour les personnes qui se présentent avec leurs besoins ?
Le plus extraordinaire, c'est que non seulement le premier, mais toutes et tous peuvent entrer dans ce grand " bain " de la foi, rempli des Eaux vives de l'Esprit qui sortent du Cœur transpercé de Jésus et apportent la guérison. En exerçant ce ministère d'intercession, ne sommes-nous pas ces anges chargés d'y plonger toutes personnes qui viennent à nous ? Il nous revient, il me semble, de leur offrir la véritable Source, la seule capable d'étancher toutes soifs et de donner la vie.
Quand Jésus imposait les mains aux malades, son geste était efficace par lui-même, puisque " de lui sortait une force qui guérissait " (Lc 6, 19). Quand, à la suite et à la demande de Jésus, nous imposons les mains, notre geste est symbolique, car nous ne pouvons que demander au Seigneur de transmettre par nous sa bénédiction et ses grâces aux personnes pour lesquelles nous prions.
L'efficacité de cette prière de foi ne dépend pas du geste d'imposer les mains, mais de la puissance de Dieu à qui s'adresse la prière. Nous ne sommes que des instruments, et ce qui est impossible pour nous est possible pour Dieu, " car tout est possible à Dieu " (Mt 18, 27).
La prière avec imposition des mains se fait toujours au Nom de Jésus ; lui-même, à maintes reprises, en fait une condition d'exaucement : " Tout ce que vous demanderez en mon Nom, je le ferai " (Jn 14, 13).
Comment le Seigneur exauce-t-il notre prière de foi ? C'est un bien grand mystère ! Parfois va-t-il ré-pondre immédiatement à notre de-mande et nous accorder instantanément la guérison demandée. D'autres fois, va-t-il nous demander d'accepter la maladie ou telle situation difficile, nous revêtant d'une force nouvelle pour grandir dans la foi et l'abandon. Il est important, dans ce ministère, d'ouvrir le cœur des gens à ces deux réalités :
• la valeur rédemptrice de la souffrance acceptée avec amour ;
• la guérison comme signe de la présence vivante de Jésus.
Parfois des personnes reviennent sans cesse demander des prières pour être guéries de telle ou telle maladie, parfois bénigne, alors que le Seigneur demande à ces personnes de lui abandonner leur maladie et de donner le témoignage de la joie à travers leur souffrance vécue en communion avec ses souffrances.
Au début de toute prière, invitons les personnes à l'abandon et à l'acceptation : alors elles recevront paix et force pour continuer la route.
La prière avec imposition des mains est un ministère " en action " non seulement lorsqu'on prie sur une personne ; il est un ministère permanent que l'on porte dans son être et dans son cœur par la prière d'intercession. Il est pour les personnes qui l'exercent un chemin de foi en la puissance agissante du Seigneur aujourd'hui et un chemin de compassion qui nous fait vibrer à la souffrance de ces " voyageurs " qui viennent à nous. Pour celles qui le reçoivent, il est un chemin d'abandon au projet du Père toujours plus merveilleux que ce que nous pouvons prévoir ou imaginer et un chemin d'espérance qui nous laisse entrevoir un avenir lumineux.
S'il est exercé saintement et sainement, ce ministère va s'épanouir et porter de nombreux fruits dans l'Église.
Par son exercice vont se développer les charismes, dons gratuits pour l'évangélisation et nécessaires à la construction du Royaume. L'amour compatissant envers nos frères et sœurs souffrants doit nous permettre de dépasser nos peurs, nos timidités, nos lâchetés pour nous lancer audacieusement dans l'exercice de ce ministère.
Demandons une foi inébranlable dans le salut de Dieu qui est à l'œuvre en nous-mêmes et dans les autres, spécialement en ceux et celles que le Seigneur place sur notre route et qui ont besoin d'être guéris et sauvés !
Qui sommes-nous pour mettre des limites à l'action puissante de Jésus " venu pour que tous aient la vie en abondance " (Jn 10, 10) ?
De la communauté Notre-Dame du Saint Rosaire, sœur Monique Anctil est responsable du Renouveau charismatique du diocèse de Rimouski. Elle est aussi membre du comité de rédaction de la revue Selon Sa Parole.
Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mai-juin vol. 28 numéro 3
Dernière mise à jour 10 décembre 2002