Les femmes au tombeau...
Monique Anctil


En dépit des conventions et coutumes de l'époque, le comportement de Jésus à l'égard des femmes a pu paraître étonnant. Il a refusé toute attitude discriminatoire envers elles et il s'est fait proche de leurs souffrances physiques et morales. Rappelons, entre autres, l'attention portée à la belle-mère de Pierre en proie à une forte fièvre (Mc 1, 30-31), sa compassion pour cette veuve éplorée devant la mort de son fils (Lc 7, 11-17), la guérison de la femme courbée et de l'hémorroïsse (Lc 13, 11), la résurrection de la fille de Jaïre (Mc 5, 21-43). De plus, Jésus remarque et loue les gestes de foi et de confiance de ces femmes. Luc précise que parmi les disciples de Jésus se trouvaient des femmes : Marie de Magdala, Jeanne, Suzanne (8, 2-3), et qu'il aimait se retrouver chez Marthe et Marie avec lesquelles il avait développé une profonde amitié (Lc 10, 38-42).

Il semble que les premiers témoins de la résurrection de Jésus aient été des femmes et les quatre évangélistes précisent qu'elle eut lieu " le premier jour de la semaine ", le lendemain de la Pâque juive. Ce premier jour évoque un monde nouveau qui commence, une nouvelle création qui est en train de naître. "Après le jour du Sabbat, comme le premier jour de la semaine commençait à poindre ", poussées par la voix du cœur, trois " parfumeuses ", Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et Salomé, se dirigent au sépulcre, les mains pleines de flacons d'aloès et de myrrhe. En ce lieu privilégié de rencontre, elles font une expérience spirituelle extraordinaire ; elles vivent une " annonciation " : l'ange du Seigneur descend du ciel, roule la pierre et leur dit : " Ne vous effrayez point : vous cherchez Jésus le Crucifié ? Il n'est pas ici, il est ressuscité... " Et voilà que le cœur de ces femmes, en proie à la tristesse et à la désespérance devant la mort, entre dans la joie et l'allégresse devant la vie qui surgit à leurs yeux. Comme signe de la victoire de la vie sur la mort, elles voient vide le tombeau où reposait leur maître et ami.

L'évangéliste Luc (28, 1-10) apporte une précision : en deux fois, la première, par le messager de Dieu et la seconde, par Jésus lui-même, les femmes sont invitées à ne pas craindre et à partir en toute hâte. Il n'y a pas de temps à perdre ! " Toutes émues, tremblantes et pleines de joie " (v. 8), comme les mages ayant découvert l'étoile qui les menait au Messie, elles quittent le tombeau. Au petit matin, elles courent, pressées de partager leur foi et de crier l'heureuse nouvelle de la résurrection de leur Maître. Et comme les mages devant l'Enfant-Dieu, saisies de respect et d'adoration, elles s'approchent et se prosternent devant leur Maître et Seigneur.

Les saintes femmes ont eu le courage de traverser la Passion. Elles ont accompagné Jésus jusqu'à sa mort sur le Golgotha en étant présentes, attentives, aimantes... Elles sont les premières à percevoir la présence du Ressuscité. Il leur apparaît et leur donne la mission de rassembler les disciples, " ses frères ", et de leur annoncer qu'il les précède en Galilée, là où jadis il les a choisis, rassemblés et formés. Lui, le Berger, il veut rassembler le petit troupeau dispersé après les tragiques événements de la Croix. Cette Galilée, où nous sommes invités à nous rendre à la suite des disciples, c'est la terre de notre quotidien où Jésus nous précède et nous accompagne.

Tournons-nous maintenant vers Marie-Madeleine. Libérée de sept démons par le Seigneur, elle s'attache à son Maître. Il n'est pas étonnant de la voir très tôt aller au tombeau pleurer son bien-aimé. Le cri de son cœur reprend les paroles du Cantique des Cantiques : " Je veux chercher celui que mon cœur aime... " (3, 2). Elle s'y rend de grand matin, à l'aube, lorsqu'il fait encore sombre, à l'heure où la vie est encore prisonnière de la mort. Mais bientôt, la lumière triomphera des ténèbres de la mort et du péché.

La Bible identifie la femme à la vie : elle est, selon le sens de son nom ÈVE, la VIVANTE, la MÈRE DES VIVANTS. Elle est le canal par où passe la vie et assure la perpétuité de la vie. Puisque Ève a été à l'origine de la faute et de l'affliction dans laquelle était plongé le genre humain, c'est la femme qui, la première est chargée de transmettre au monde la joie de la résurrection. Et Dieu a voulu entrer dans notre histoire humaine en passant par une femme, Marie. C'est par son " oui " prononcé le jour de l'annonciation que Marie est devenue féconde et nous a donné le Sauveur. C'est aussi par son " oui ", dans le don de tout son être, que la femme devient féconde et porteuse de vie. Dans son volume, La femme sacerdotale, Jo Croissant rappelle que la femme, " appelée à une maternité spirituelle infiniment plus grande que la maternité charnelle, épouse Dieu dans une adhésion de tout son être avec lui. Elle doit porter dans son cœur tous ces enfants oubliés, menacés, dont la souffrance crie vers Dieu qui les aime. " Le ministère de la femme est essentiel dans l'Église. À la suite de Marie et des femmes témoins de la résurrection, elle est porteuse de vie en continuant à croire que " tout est possible à Dieu " quand tout semble perdu. Dans les situations les plus douloureuses, elle doit proclamer la victoire du Tout-Puissant et faire jaillir la vie en redonnant force, courage et espérance. Devant telle ou telle situation désespérante, elle continue de croire que Dieu peut faire éclater la vie où règne la mort, de faire sortir des pousses verdoyantes d'un tronc desséché. Plusieurs figures bibliques en témoignent : Sarah, Anne, Élisabeth...

Les trois Marie trouvent sans doute en l'exemple de Marie, Mère de Jésus, la force dans la foi, Elle qui, face à l'échec terrible de son fils mourant en croix, continue de croire en la toute-puissance de Dieu pouvant faire surgir la vie de la mort.

Par expérience, nous pouvons affirmer que les plus grandes grâces sont précédées des plus grands dépouillements. Marie-Madeleine a perdu son unique trésor. Elle vit dans son cœur le plus grand dépouillement ; elle expérimente le vide de l'absence. Ses larmes correspondent tout à fait au côté humain et terrestre de sa foi. Au moment où son Seigneur se tient visiblement devant elle, elle ne peut le reconnaître, trop préoccupée par sa douleur. Il lui faudra toute une succession de purifications avant d'adhérer au mystère de la résurrection. Chaque étape de son pèlerinage au tombeau la fortifie dans sa foi.

Marie-Madeleine expérimente un double " retournement " : elle se retourne et voit Jésus qui était là mais elle ne le reconnaît pas. Après que Jésus l'a appelée par son nom, elle se retourne une autre fois et là, elle reconnaît son maître, " Rabbouni ". Jésus entre dans la fragilité de sa foi et éveille en son cœur une foi contemplative dans le mystère de la résurrection. " Ne me retiens pas, va... ". La mission à laquelle est appelée Marie-Madeleine doit désormais s'accomplir dans la foi pure. C'est de façon différente qu'elle devra vivre dans l'intimité du maître bien-aimé. C'est également dans la foi pure qu'elle devra répondre à l'invitation d'être " messagère " de la bonne nouvelle de la résurrection. Nous pouvons considérer Marie-Madeleine comme notre modèle dans notre cheminement de foi. Elle nous apprend l'importance de reconnaître, avec les yeux du cœur, les signes de la présence du Christ vivant et agissant par son Église. L'expérience de " conversion " de Marie-Madeleine peut s'apparenter, je crois, à celle de l'effusion de l'Esprit, qui nous conduit à reconnaître, accueillir et proclamer Jésus Vivant.

En cette année de grâce où nous sommes invités à JUBILER, gardons en nos cœurs la joie de la résurrection et partons en toute hâte proclamer la joyeuse nouvelle : " Christ est Vivant ! Il est ressuscité ! Alléluia ! "



Membre de la communauté Notre-Dame du St-Rosaire, Soeur Monique Anctil est responsable du Renouveau charismatique du diocèse de Rimouski. Elle est aussi membre du Comité de rédaction de la revue Selon Sa Parole.



Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église
Selon Sa Parole mars-avril vol. 26 numéro 2


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Dernière mise à jour 30 mai 2000

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