Espérer en silence…

 

l'abbé Paul-Émile Vignola

 

 

 

 

 


Il est bon d'espérer en silence le salut du Seigneur (Lm 3,26).

 

L'espérance est une vertu discrète, mais elle s'avère aussi têtue et drôlement efficace. Elle fleurit dans les moments difficiles, aux temps de guerre ou de persécutions, chez les endeuillés ou les grands malades.

 

L'espérance ne fait pas de bruit. Elle s'apparente à l'eau qui sourd par les fissures de roc ou encore à ces sources qui jaillissent sous la mousse des forêts pour soutenir l'épanouissement de la flore et, mine de rien, alimenter ruisseaux et rivières.

 

 

Fondée sur les promesses de Dieu

 

On la qualifie de théologale, c'est-à-dire que, comme ses deux sœurs la foi et la charité, elle vient de Dieu et nous tourne vers lui. Face au danger qui menace, au sein de l'épreuve qui brise et prive l'individu de ses ressorts, elle garde à l'abri du découragement et permet malgré tout de garder haut les cœurs. Car elle s'appuie sur des promesses du Seigneur.

 

Quand le Seigneur se fit connaître à Abraham, il l'invita à quitter son pays pour une destination à déterminer et il ajouta : « Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom, qui servira de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront toutes les nations de la terre » (Gn 12, 2-3).

 

Par la suite, les promesses se multiplièrent par la bouche des prophètes : « Quand tu appelleras, le Seigneur te répondra ; quand tu demanderas de l'aide, il te dira : J'arrive ! (...) Le Seigneur restera ton guide ; même en plein désert, il te rassasiera et te rendra des forces » (Is 58, 9.11).

 

La prière des psaumes exprime et nourrit la foi du peuple au Dieu des promesses : « Le Seigneur garde les yeux sur les fidèles, prêt à entendre leur appel. (...) Dès que les fidèles appellent au secours, le Seigneur entend et les délivre de toutes leurs angoisses » (Ps 34, 16.18).

 

Les sages de l'Ancien Testament connaissaient déjà ce pouvoir apaisant de l'espérance. « La vie des justes est dans la main de Dieu ; aucun tourment n'a de prise sur eux. Celui qui ne réfléchit pas s'est imaginé qu'ils étaient morts ; leur départ de ce monde a passé pour un malheur ; quand ils nous ont quittés, on les croyait anéantis, alors qu'ils sont dans la paix. Aux yeux des hommes, ils subissaient un châtiment, mais, par leur espérance, ils avaient déjà l'immortalité » (Sg 3, 1-4).

 

L'espérance a pour effet de me décentrer de moi-même et de ma misère pour me tourner vers le Seigneur, lui que ne peuvent atteindre mes malheurs et qui peut, selon son bon vouloir, ou bien les faire disparaître comme neige au vent doux du printemps, ou bien en tirer un avantage supérieur pour mon bien personnel et sa plus grande gloire.

 

Ainsi le croyant persécuté ne sera pas obnubilé ni abattu par la perspective des tortures, ni même de la mort ; il éprouvera l'assurance du soutien du Seigneur qui, en temps opportun, lui donnera la force de témoigner jusqu'au bout.

 

Cela lui permettra de ceindre la couronne du martyre en manifestant à la face de ses bourreaux que Jésus, la tête du Corps dont il est membre est plus fort que la mort. Le dernier siècle a vu des milliers de ces vaillants témoins verser leur sang, forts des promesses du Christ.

 

 

Conscience d'être aimé de Dieu

 

L'espérance s'épanouit chez la personne qui possède la certitude d'être aimée d'une manière spéciale par Dieu. Ce choix de Dieu ne repose pas sur le mérite, la vertu ou les qualités. Il provient de la liberté souveraine du Seigneur qui donne à qui il veut. Voilà ce qu'il déclare en clair à Israël : « Si le Seigneur s'est attaché à vous et vous a choisis, ce n'est pas parce que vous étiez un peuple plus nombreux que les autres. En fait vous êtes un peuple peu nombreux par rapport aux autres, mais le Seigneur vous aime, et il a accompli ce qu'il a promis à vos ancêtres : grâce à sa force irrésistible, il vous a fait sortir du pays où vous étiez esclaves, il vous a arrachés aux griffes du Pharaon, le roi d'Égypte » (Dt 7, 7-8).

 

Les prophètes rappellent cette élection divine pour amener le peuple à se convertir : « Quand Israël était enfant, je l'aimai et d'Égypte j'appelai mon fils. Mais plus je les appelais, plus ils s'écartaient de moi ; ils ont sacrifié aux Baals et fait fumer des offrandes devant les idoles. Moi, pourtant j'apprenais à marcher à Éphraïm, je les prenais dans mes bras ; ils n'ont pas compris que je prenais soin d'eux » (Os 11, 1-3).

 

La prière des psaumes table sur la tendresse et l'amour de Dieu pour intercéder sans cesse : « Toi, ne ferme pas tes tendresses pour moi, Seigneur ; puissent ton amour et ta vérité sans cesse me garder » (Ps 40, 12). Le grand Hallel, cette immense louange solennelle, met en lumière l'attachement indéfectible de Yahvé pour son peuple : « ...Il donna leur terre en héritage, car éternel est son amour ! En héritage à Israël son serviteur, car éternel est son amour ! Il se souvient de nous dans notre abaissement, car éternel est son amour ! Il nous sauva de la main des oppresseurs, car éternel est son amour ! À toute chair, il donne le pain, car éternel est son amour ! » (Ps 136, 21-25).

 

Le priant connaît le parti-pris de Dieu pour les siens et il s'y réfère sans gêne : « Je te rends grâce pour ton amour et ta vérité, ta promesse a surpassé ton renom ; le jour où j'ai crié, tu m'exauças, tu as accru la force de mon âme » (Ps 138, 2-3).

 

Notre époque connaît d'authentiques témoins de l'espérance. Com-me ils vont leur petit bonhomme de chemin, sans tambour ni trompette, ils passent inaperçus. Je pense à ces religieux et religieuses qui avancent en âge sans voir venir une relève qui poursuivrait l'œuvre de leur ordre ou congrégation. Loin d'être angoissés, la plupart d'entre eux présentent un visage serein. Ils croient que le Seigneur qui a fait naître leur famille religieuse pourvoira, comme le disait Abraham à son fils qui demandait quelle victime on allait immoler sur le bûcher qu'ils achevaient de dresser.

 

 

Appuyée sur l'Alliance

 

Le peuple d'Israël attend secours, soutien et protection de la part de Dieu car ce dernier s'est engagé envers lui dans une Alliance, un pacte conclu initialement entre le Seigneur et Abraham, élargi à tout le peuple au Sinaï et régulièrement réitéré sous la royauté.

 

Par le sacrifice de sa vie au Calvaire, Jésus établit entre son Père et tous les fils d'Adam une nouvelle Alliance dont l'Eucharistie sera le mémorial. Lorsque le croyant ou le peuple des fidèles se tourne vers Dieu, il est en droit de recevoir une réponse favorable ; là-dessus s'appuie son espérance.

 

Au sein de l'Alliance, le peuple vivra selon la loi de Dieu. Quand il reste fidèle, tout va bien car le Seigneur le protège. Quand il s'égare, les malheurs fondent sur lui car Dieu détourne sa face. Qu'il revienne vers lui et il retrouve le bonheur. L'histoire de l'Alliance fait penser à celle d'un couple, image illustrée en actes par le prophète Osée. Israël a conscience de son statut particulier et du pouvoir qu'il s'est acquis sur Dieu : « Quelle est la grande nation dont les dieux se fassent aussi proches que Yahvé notre Dieu l'est pour nous chaque fois que nous l'invoquons ? » (Dt 4, 7).

 

Dans sa prière, le psalmiste exalte la fidélité du Seigneur : « Point ne profanerai mon alliance, ne dédirai le souffle de mes lèvres ; une fois j'ai juré par ma sainteté : mentir à David, jamais ! » (Ps 89, 35-36). Fort de cette assurance, le croyant peut proclamer : « Mon âme attend le Seigneur, je suis sûr de sa parole ; mon âme attend plus sûrement le Seigneur qu'un veilleur n'attend l'aurore » (Ps 130, 5-6). Le psaume suivant manifeste une confiance des plus sereines : « Je tiens mon âme en paix et silence ; comme un petit enfant contre sa mère, telle est mon âme en moi. Mets ton espoir, Israël, dans le Seigneur dès mainte-nant et à jamais » (Ps 131, 2-3).

 

 

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Vertu de la route, vertu des longs parcours, l'espérance habilite à gérer les temps de crise. Depuis l'époque Abraham, elle a permis au peuple de Dieu de garder le cap. Avec les générations et les étapes de l'histoire du Salut, les points de repère se sont multipliés.

 

La méditation ici menée s'est nourrie surtout de paroles tirées de l'Ancien Testament. Celles-ci trouvent leur accomplissement en Jésus, le soleil de justice, le phare de nos vies.

 

L'Évangile et les écrits apostoliques s'offrent à nous comme le pain quotidien de notre espérance, la vertu propre du temps de l'Église.

 

L'abbé Paul-Émile Vignola est répondant pour le Renouveau charismatique du diocèse de Rimouski. Il est aussi membre du Comité de rédaction de Selon Sa Parole.

 

 

 

Magazine SELON SA PAROLE (QUÉBEC) traitant de questions reliées à la spiritualité, l'évangélisation, l'éducation de la foi et la vie en Église

Selon Sa Parole janvier-février vol. 28 numéro 1

 

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Dernière mise à jour 10 février 2002

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